Crash du Helderberg 295: 22 ans après le mystère reste entier

Sur le site de socialisation Facebook, Samantha Van Der Walt et Veruschka Julie Kumst-Ferreira, ont rejoint les animateurs d’un forum sur le crash de l’Helderberg 295. Car ces deux Sud-africaines ont perdu respectivement parents et fiancé dans ce drame survenu près des côtes mauriciennes. Comme les autres membres des familles des victimes, elles veulent connaître la vérité car plusieurs d’entre elles sont encore incapables de faire leur deuil.

 

C’est sans doute ce sentiment d’inadmissibilité qu’a exprimé l’artiste Lyndi Sales, une artiste sud-Africaine de 35 ans, qui a organisé des expositions aux Etats-Unis et en France sur le crash de l’Helderberg 295. Sa vie est directement mêlée au drame de l’Helderberg 295 car son père se trouvait dans cet avion qui s’est crashé sans laisser de survivant.

 

Cette disparition tragique influence le travail de l’artiste. Minutie de la facture et profondeur abyssale du deuil, le monde de Lyndi Sales a la beauté des papillons et la réminiscence poignante des contes tristes. C’était en février dernier, à la galerie Maria Lund de Paris, lors du vernissage de son expo baptisé «In Transit» ou escale en français, qu’elle a choisi de se raconter. Escale, c’est aussi celle que devait faire l’avion de la SAA à Maurice en ce 28 novembre 1987. 

 

«C’était, il y a 21 ans. J’avais 14 ans. Je n’ai rien voulu savoir. J’ai fait un black-out total sur l’accident que je tentais de dissocier de la mort de mon père. Chaque année à la date anniversaire du crash, les journaux en reparlaient. Je fermais les écoutilles», explique la jeune femme. 

 

Puis elle a repris courage et a lu tous les journaux relatifs au crash et s’est plongée dans les travaux des différentes enquêtes menées pour élucider les causes de l’accident. Ces lectures ont inspiré Lyndi Sales dans son travail d’artiste.  «C’est très dur de lire tout cela. Mais pour créer une œuvre, je devais connaître parfaitement les faits», a-t-elle affirmé dans les différents entretiens qu’elle a accordés à la presse.

 

Pour sa dernière exposition, elle a combiné les  matières: du papier, des images pieuses, des cartes à jouer, du papier chinois, des baguettes de bambou, du fil et des bobines de cotton.

 

Deux œuvres marquent son exposition. La première est un assemblage de 159 cerfs-volants (un pour chaque mort), recouverts d’images pieuses selon les différentes origines des passagers disparus, toutes retenues par des ficelles rouges.  Il s’agit d’une référence directe à la tradition chinoise selon laquelle le chagrin de la personne endeuillée peut s’envoler dans le ciel pour laisser la place à d’heureuses pensées. L’œuvre est intitulée «159.295», soit le nombre de passagers et le numéro de vol de la SAA.

 

La seconde œuvre, d’apparence naïve,  est une série de découpages colorés, recréant des fonds marins, à croire qu’ils étaient vus à travers un hublot d’avion. C’est une façon pour l’artiste de reconstituer le tombeau de son père. Cette tragédie personnelle apporte une certaine gravité à des oeuvres qui seraient autrement décoratives. Mais il n’y a pas de mal à ça. Le génie de nombreux artistes tient souvent à une souffrance latente.  

 

En mêlant sa vie au drame de la SAA, Lyndi Sales nous interpelle tous. Que s’est-il passé vraiment passé ce jour-la? De la fumée ou un début d’incendie dans la section cargo de l’appareil piloté par le commandant Dawie Uys, a été évoqué lors de l’enquête. Un feu se serait déclaré à l’arrière de l’appareil. Bien que les pilotes aient réussi à ouvrir les portes pour évacuer la fumée, l’appareil s’est tout de même crashé, en ne laissant aucun survivant.

 

La commission constituée à l’époque du régime d’apartheid pour faire la lumière sur les circonstances de ce crash et qui était présidée par le juge Cecil Margo, a été une énorme déception. En 1998, la Commission Justice et Vérité a également enquêté en profondeur sur ce crash de l’Helderberg 295. Des failles énormes ont été notées lors de la première enquête, notamment le fait que des preuves aient été ignorées ou aient disparu. Sans compter que des témoins clés n’auraient pas été interrogés.

 

Les conclusions de la Commission Justice et Vérité furent qu’aucun des produits déclarés sur la liste cargo du vol n’aurait pu provoquer un incendie. La journaliste Debora Patta et le Dr David Klatzow, expert scientifique, ont grandement contribué à conscientiser l’opinion publique sur ce dossier.

 

On se souvient également du reportage dans l’émission télévisée «Carte Blanche» le 4 juin 2000, qui revient en long et en large sur ce drame. Joan Leppan et Yolanda MacNeil’s, qui y ont perdu des proches, de même qu’Yvonne Bellagarda, épouse de l’ingénieur de bord, y livrent de poignants témoignages.

 

A Maurice, l’affaire avait été soulevée en juin 2000 au Parlement par le député Steven Obeegadoo. Et cela à la suite de la décision, le 19 mai 2000, du Directeur des Poursuites Publiques sud-africain de rouvrir l’enquête sur le crash de l’Helderberg 295 de la SAA.

 

La réouverture de l’enquête faisait suite aux informations publiées dans la presse sud-africaine à l’effet qu’une cargaison militaire avait été stockée à bord de l’avion par le régime d’apartheid, violant ainsi les règles internationales de l’aviation civile. Un fait qui n’a jamais été prouvé jusqu’ici…