La contamination des Mauriciens davantage liée Á  l’usage de drogue qu’aux contacts sexuels


Date: January 1, 1970
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Une étude de la Commission de l’Océan Indien auprès des marins pêcheurs de la région vient révéler que les marins pêcheurs mauriciens séropositifs ont été contaminés en raison d’injections de drogue et non pas Á  cause de rapports sexuels non-protégés.

VIH/SIDA et marins de l’Océan indien 
 
La contamination des marins mauriciens davantage liée à l’usage de drogue qu’aux contacts sexuels
 
Les marins pêcheurs mauriciens qui sont séropositifs n’ont pas contracté le VIH/SIDA parce qu’ils ont eu des rapports sexuels non-protégés dans chaque port. Beaucoup l’ont été en raison d’injections de drogue par voie intraveineuse.  C’est le résultat d’une étude menée par le projet d’appui à l’initiative régionale de lutte contre les Infections Sexuellement Transmissibles/VIH/SIDA et la Commission de l’Océan Indien (COI) en novembre 2008 et dont l’objectif était d’analyser les comportements sexuels des marins pêcheurs de Maurice, des Comores, de Madagascar et des Seychelles. 
 
Le  nombre de séropositifs chez les marins pêcheurs étudiés est plus élevé chez les marins pêcheurs mauriciens comparé à leurs homologues des îles de l’Océan indien. En effet, sur 991 marins malgaches s’étant fait dépister au VIH/SIDA, seuls deux ont été testés séropositifs. Sur 323 marins pêcheurs mauriciens s’étant fait tester au VIH/SIDA, 22 ont été trouvés séropositifs. 
 
Un séminaire destiné à ventiler les résultats de cette étude aux marins pêcheurs mauriciens a récemment été organisé la COI  et la Health Research For Action (HERA) au Maritime Training Institute  situé à Pointe aux Sables. Plusieurs intervenants se sont succédé au micro pour donner des explications et des informations à la communauté des gens de la mer.
 
Les résultats de cette étude socio-comportementale et biologique parmi les marins de l’Océan Indien ont été présentés. Selon cette étude, les marins de l’Océan Indien ne sont pas vraiment des marins "long courrier". Ils font beaucoup d’escales au sein même de la sous-région. Les comportements rapportés montrent qu’un peu plus de 10% des marins pêcheurs reconnaissent avoir eu une partenaire occasionnelle durant les 12 derniers mois.
 
Or, ce n’est pas le fait d’être marin pêcheur qui les rend plus à risques envers le VIH/SIDA. Selon le Dr Agnès Chetty, Training and Regional Cooperation Officer à la COI: « On pensait que les marins pêcheurs en général étaient plus exposés au virus de par leur métier et vu qu’ils s’absentent souvent de leurs foyers. Quand les marins font une escale, le fait d’être anonyme et d’avoir l’opportunité de côtoyer une partenaire occasionnelle ou même avoir l’argent pour rétribuer cette partenaire occasionnelle, auraient pu être des raisons qui expliquent ce fort taux de prévalence de VIH/SIDA parmi les marins pêcheurs mauriciens. Mais chez les marins mauriciens qui ont participé à cette étude, peu d’entre eux font des escales. Ils sont même moins de 10 %. La grande majorité ne passe pas la nuit en mer ou dans d’autres ports ».
 
Un résultat qui indique concrètement que ces marins pêcheurs mauriciens ont été contaminés autrement que par voie sexuelle. Le Dr Renaud Ng Man Sun, administrateur de projets à la COI, affirme que: "Cette étude prouve que les marins contaminés l’ont été par l’utilisation de drogue injectée par voie intraveineuse. Il y a une forte association entre l’utilisation de drogue injectée et la haute prévalence du VIH/SIDA chez les marins pêcheurs mauriciens".
 
En effet, sur 45 marins pêcheurs mauriciens qui ont indiqué qu’ils avaient déjà pris de la drogue, 13 sont séropositifs alors que sur les 279 qui affirment n’avoir jamais pris de drogue, neuf le sont.   
 
Il est bon de rappeler que depuis deux ans, Maurice a initié le programme de thérapie de substitution à la méthadone connu aussi comme traitement par méthadone, qui a été élu en 2008 "meilleure pratique" par la Communauté pour le Développement de l’Afrique australe (SADC).  Jusqu’ici, ce programme a accueilli plus de 1000 clients.
 
Les usagères de drogue par voie intraveineuse représentent un défi pour ce programme dans la mesure elles se sentent encore plus stigmatisées que les hommes qui se droguent de la même manière et n’osent pas aller se faire enregistrer pour suivre ce traitement de méthadone. De plus, ce programme nécessite un déplacement quotidien de l’usager de drogue jusqu’au centre et les usagères de drogue par voie intraveineuse ne sont pas toujours disponibles en raison de leurs responsabilités familiales. Enfin, le programme englobe une période résidentielle et ces femmes peuvent difficilement quitter leur foyer pour le suivre.
 
L’étude de la COI a aussi mis le doigt sur un autre problème avoué par les marins pêcheurs eux mêmes. « Aucun test médical n’est effectué avant notre départ en mer et encore moins un test de dépistage au VIH/SIDA », ont affirmé plusieurs hommes de la mer.
Kervin Azie, marin pêcheur, confirme ce fait. "Nous ne sommes soumis à aucun contrôle médical avant de partir en mer. J’ai moi-même été témoin d’un incident où on avait emmené avec nous un marin malade. A force de s’être injecté de la drogue sous le bras, cela avait provoqué un abcès. Nous ne pouvions le soigner faute de matériel adéquat. Un autre problème qui a surgi lors du long voyage que nous faisions est que nous n’avions aucun médecin à bord, ni même d’infirmier. Et nous manquions de connaissances pour le soigner. Si un marin est malade en mer et que le bateau est obligé de retourner au port pour le soigner, nous sommes accusés de mutinerie et de faire perdre de l’argent à notre patron".
Les résultats de cette étude soulignent la nécessité de développer de nouvelles stratégies pour cette catégorie de travailleurs qui sont particulièrement vulnérables au VIH/SIDA.
 
Jimmy Jean-Louis est journaliste à l’Ile Maurice. Cet article fait partie du service d’opinions et de commentaires de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles a l’actualité quotidienne.

 


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