Les alliances électorales: un frein Á  l’augmentation du nombre de femmes parlementaires?


Date: January 1, 1970
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«Malgré tout ce qui a été dit, les femmes ne sont pas assez représentées au Parlement. Nous devrions nous inspirer des modèles à l’étranger. L’Egypte a récemment établi un système de quotas afin que les femmes soient mieux représentées au Parlement. Nous devrions voir la formule que nous adopterons ici», a affirmé le juge Seetulsingh.
 
Il y a urgence sur ce dossier qui traîne depuis belle lurette. Et nous ne voyons pas poindre de changements majeurs à l’horizon avant les prochaines élections générales prévues pour 2010. Il reste peu de temps pour dégager un consensus sur la question de reforme électorale et légiférer par la suite. D’où l’appel du juge Seetulsingh aux alliances électorales d’aligner une femme dans chaque circonscription du pays.
 
Sans doute a-t-il flairé un manque de volonté politique pour redresser ce déséquilibre. Mais pour beaucoup d’observateurs, tant qu’il y aura des alliances électorales, les chances de voir le nombre de femmes doubler au Parlement seront minimes car il n’est pas dit que les politiciens voudront céder la place aux femmes. La dernière élection partielle de mars dernier en est une énième preuve. Aucune des formations majeures n’a songé à aligner une femme candidate pour défendre ses couleurs. 
 
Sur les 38 candidats qui étaient en lice, il n’y avait que trois femmes, en l’occurrence Marie-Noelle Doris Sybille Lolochou, Dulari Jugnarain et Indranee Bhajan, qui ont eu le courage de briguer  les suffrages en tant que candidates indépendantes. Leurs scores respectifs ont été insignifiants et n’ont pas eu d’incidence sur le résultat du scrutin. De plus, le manque de moyens financiers a obligé ces femmes à faire de la politique discrètement, c’est-à-dire, par porte-à-porte.     
 
Le scénario était presque identique lors des dernières élections générales. Sur les 645 candidats alignés en juillet 2005, il n’y a eu que 52 femmes, soit 8% des candidats en lice. Parmi elles, seules 12 ont pu se frayer une place jusqu’au Parlement à l’issue de cette joute électorale. Dans le camp des partis de l’opposition, il y a Arianne Navarre-Marie, Sheila Grenade, Maya Hanoomanjee, Danielle Perrier, Françoise Labelle, Mireille Martin, Fazila Daureeawoo et Leela Devi Dookhun Luchoomun tandis que Nita Deerpalsing, Sheila Bappoo, Indranee Seebun et Kalaynee Virahsawmy ont été élues sous la bannière de l’Alliance sociale, grande élue de ces élections.
 
Ces femmes participent pleinement aux travaux parlementaires et n’hésitent pas à exprimer leurs vues et à débattre avec la même ténacité que leurs homologues masculins lors d’importants débats sur les ondes des radios privées.  A tel point que Maya Hanoomanjee, élue du Mouvement Socialiste Militant (MSM), un des partis de l’opposition parlementaire, qui a été une excellente fonctionnaire avant de se lancer en politique, s’est vue proposer le poste de Premier ministre par un membre de l’autre parti d’opposition si elle acceptait de changer de camp et passer dans le leur.  
 
Le 1er mai dernier, le leader du Mouvement Militant Mauricien (MMM) et de l’opposition parlementaire, Paul Bérenger, a annoncé qu’une femme occupera l’un des cinq postes les plus importants du pays. Ceux-ci sont: le poste de président de la République, celui de Premier ministre, le poste de vice-président de la République, celui de vice-Premier ministre et le poste de Speaker à l’Assemblée nationale. C’est un bon début mais cela ne résoudra pas la question d’une plus grande représentativité des femmes au Parlement. 
 
Durant le mandat gouvernemental de l’alliance MMM/MSM (septembre 2000 à juillet 2005), le comité d’élite parlementaire, présidé par l’avocat Ivan Collendavelloo, avait pourtant tenté de renverser la vapeur en proposant l’introduction d’une dose de proportionnelle au système électoral actuel pour augmenter le nombre de députés et les faire passer de 70 à 100. Les 30 députés additionnels devaient alors être choisis sur la base d’une liste déposée par chaque parti.
 
Le rapport recommandait aussi que chaque liste aligne au moins six femmes parmi les 12 têtes de liste qu’elle comporterait sur un total de 30 candidats. C’était assurément une façon de renforcer la présence féminine à l’Assemblée nationale.
 
Ce rapport a toutefois été contesté au sein même du gouvernement d’alors. Les objections portaient davantage sur l’augmentation du nombre de députés que sur l’alignement  des femmes. Ces craintes étaient légitimes car avec la réforme proposée, le Parlement n’aurait pas été le reflet du vœu populaire.
 
L’Alliance sociale qui dirige le pays actuellement, prône dans son manifeste électoral, une plus grande participation de femmes dans la vie économique et politique. Ce vœu aurait dû se traduire par une réforme électorale qui aurait entraîné une participation accrue des femmes pour qu’elles atteignent le pourcentage de 30% à l’Assemblée nationale.
 
Cette réforme aurait également instauré des conditions permettant à un nombre plus élevé de femmes de participer activement à la gestion des collectivités locales. «Il incombera à chaque parti politique d’assurer une meilleure représentation féminine au sein des institutions démocratiques et nous favoriserons tout ce qui pourra améliorer cette participation,» peut-on lire dans ce manifeste.
 
Dans la réalité, Maurice figure parmi les plus mauvais élèves de la Communauté pour le Développement de l’Afrique australe (SADC) en matière de représentation féminine dans toutes les instances de décisions. Au Parlement, les femmes sont 17%. Dans les conseils municipaux, elles ne sont que 12%. Et dans les conseils de districts et de villages, elles sont 6.4%.
 
Le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement est pourtant clair à ce sujet : d’ici 2015, les femmes devraient occuper au moins la moitié de tous les postes de décisions dans les secteurs privé et public de tous les pays de ce bloc régional. Il est aussi spécifié que les Etats membres devraient s’assurer que les femmes participent efficacement à tous les processus électoraux et à toutes les décisions en renforçant leurs capacités, en leur fournissant un soutien et en insérant la perspective genre dans toutes les structures.
 
Maurice est un des rares pays à ne pas être signataire de ce protocole de la SADC car ses dirigeants sont opposés à l’imposition de quotas pour les femmes et rappellent pour justifier ce refus de signer, que la discrimination, même  positive, est contraire à la Constitution du pays.
 
Les progrès des autres pays de la Communauté sont pourtant visibles et même exemplaires. Le Rwanda est désormais le premier pays au monde en matière de représentation féminine au Parlement avec 56%, suivi de la Suède avec 47%. Après la tenue d’élections générales le 22 avril dernier, l’Afrique du Sud a amélioré son rang, réalisant un bond de 11%, passant de 34% à 45% de représentation féminine pour s’installer à la troisième place de ce peloton de tête.
 
La volonté de mieux faire est pourtant présente à Maurice. Du moins du côté des organisations. Cette année, Women in Networking (WIN) s’est fixée comme objectif de «contribuer à la transformation de la politique afin de doubler le nombre de femmes au Parlement d’ici 2010.»  Ainsi, elle a créé la plateforme «Women in Politics» (WIP). Depuis février, l’équipe de WIP va à la rencontre des Mauriciennes afin de les encourager à s’intéresser de plus près à la politique.
 
Et ce, tout en restant strictement apolitique, comme l’explique Marie-Noelle Elissac-Foy, membre du comité exécutif de WIP: «WIP est une plateforme. Nous ne sommes pas un groupe de femmes qui cherchent une place en politique pour ensuite abandonner le combat. Notre action s’inscrit au-delà de la politique purement partisane. C’est la raison pour laquelle WIP sera amenée à durer au-delà des échéances électorales. Nous encouragerons la femme qui voudra être leader dans son quartier, son village, sa ville et son pays. L’action de WIP se place dans une perspective plus élargie, plus grande, qui est un combat pour une société mauricienne égalitaire. Notre travail ne fait que commencer.» La route sera sans doute très longue pour WIP mais il faut bien commencer quelque part.
 
A un an de l’échéance électorale et hormis des déclarations d’intentions, nous ne sommes toujours pas fixées sur les intentions réelles des partis politiques. On sait seulement que sur la liste des 14 candidats probables de l’Union Nationale, autre parti d’opposition mais extra-parlementaire celui-là, il y aura deux femmes, à savoir Aartee Bhoodonee, qui devrait poser sa candidature à Grand Baie/Poudre d’Or et Shamirah Malleck, qui devrait s’aligner à Stanley/Rose-Hill.
 
En sus de réserver un des cinq postes les plus importants du pays à une femme, le leader du MMM a annoncé que Naveena Ramyad, une ancienne enseignante, sera affectée dans la circonscription de La Caverne/Phoenix. Cette dernière vient d’intégrer le comité central de ce parti. Il paraît qu’elle a impressionné le leader de l’opposition par son dynamisme et sa verve, surtout quand elle s’est exprimée en ces termes: «Je crois en moi. Je crois en mon pays. Je crois dans l’avenir du MMM. Je crois dans mon choix… Cela me fait mal de voir que les riches deviennent plus riches, et que les pauvres s’appauvrissent. Il faudrait plus d’égalité. Et je ne parle pas seulement de la cause de la femme», a fait ressortir la principale concernée.
 
Pour justifier le statu quo, les hommes ont tendance à arguer que les femmes ne sont pas intéressées à faire de la politique active. Rien n’est plus faux. Isabelle Etiennette, qui est l’une des figures de proues du Mouvement Républicain, parti figurant dans l’Alliance sociale au pouvoir, rappelait en mai dernier lors d’un rassemblement nocturne, «qu’elles s’appellent Michelle Obama, Angela Merkel, Rama Yade, Rachida Dati ou encore Lindiwe Sisulu, elles jouent des rôles importants dans leurs pays. C’est ce niveau que nous visons pour les femmes à Maurice. J’ai envie que chaque femme, chaque mère de famille, puisse aspirer à ce qu’il y a de mieux pour sa famille», a déclaré cette jeune femme.
 
Répondant à un journaliste qui l’interrogeait à l’effet qu’un leader politique se soit plaint d’attendre en vain que les femmes voulant faire de la politique viennent de l’avant, Loga Virahsawmy, la présidente de Gender Links Maurice, organisation non-gouvernementale militant pour la parité hommes-femmes, y compris dans toutes les instances de décisions, a affirmé: «Je réponds à ce politicien que j’ai des listes de femmes désireuses de faire de la politique et qu’il n’a qu’à venir me voir. J’aurai une liste à lui remettre. Les politiciens seront surpris de découvrir le nombre de femmes valables et qui sont intéressées à faire de la politique active.»
 
Reste maintenant à savoir si les politiciens hommes sont prêts à céder leurs places aux femmes. Toute la question est là…
Jimmy Jean-Louis est journaliste à Maurice. Cet article fait partie du service d’opinions et de commentaires de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.


0 thoughts on “Les alliances électorales: un frein Á  l’augmentation du nombre de femmes parlementaires?”

Sybille says:

Quand les hommes vont volontairement
acceptes de ceder leurs sieges aux femmes que ce soit aux parlements,dans les villes ou les villages a ce moment on pourrait parler d’egalite de genre.Malheureuse je constate que meme certain leaders semblent douter en notre capacitees.Quand viendra le jour pour nous les femmes mauriciennes de dire qu’on est vraiment fiere de vivre dans une ile Maurice moderne ou les politiciennnes seront bien vues et bien jugees?Car nous sommes toutes aussi capable que les hommes.

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