Les artistes du circuit hôtelier: les oubliés du dernier budget mauricien


Date: January 1, 1970
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Déception et incompréhension! Les artistes du circuit hôtelier ne sont pas à court de qualificatifs pour décrire le dernier budget du ministre des Finances, Rama Sithanen. Et pour cause: ils ne s’y retrouvent pas du tout.
 
Pour comprendre la grogne qui les anime, penchons-nous d’abord sur les subsides auxquels les artistes du circuit hôtelier n’ont pas droit.  Le budget propose trois types de subventions aux auteurs-compositeurs et interprètes regroupés sous le International Development Grants Scheme. La première est une aide à hauteur de Rs 50 000 pour se rendre à l’étranger. La deuxième est d’un montant de Rs 100 000 et concerne la promotion. La troisième cible quant à elle les collaborations entre les artistes locaux et leurs homologues étrangers. Cette subvention est de Rs 150 000.
 
Les artistes du circuit hôtelier méritent amplement ces facilités pour la promotion de notre culture. Ils estiment que le gouvernement tente d’ignorer ou de minimiser leur contribution dans la transformation de l’île en une des destinations touristiques les plus prisées au monde.
 
Pour Alan Marimootoo, musicien et chef d’orchestre qui anime des soirées dans les plus grands hôtels de l’île depuis plus de 40 ans, ces facilités auxquelles ils n’ont hélas pas droit, sont venus jeter un froid au sein de la communauté des artistes du circuit hôtelier. «L’initiative du gouvernement est fort honorable. Je ne dirai pas le contraire parce que ces  subventions vont énormément aider les  artistes. Malheureusement, il n’en sera rien pour ces hommes et ces femmes qui utilisent leurs talents pour divertir ces milliers de touristes qui transitent chaque année dans notre pays.»
 
Il poursuit en disant que la contribution des artistes du circuit hôtelier n’est pas reconnue à sa juste valeur: « Qu’on le veuille on non, les artistes qui évoluent dans les hôtels se sont dévoués corps et âme pour l’essor de l’industrie touristique du pays. J’estime même notre contribution à 38% du succès des hôtels. C’est dommage que personne n’ait eu, ne serait-ce qu’un sursaut de conscience, pour le reconnaître et nous venir en aide. Surtout en cette  période de vaches maigres, provoquée par la crise financière.»
 
Marie, chanteuse de piano-bar, raconte comment la crise économique mondiale, l’a directement frappée et pense qu’une main tendue de l’Etat aurait été la bienvenue. «Cette crise financière nous affecte énormément. La preuve, les hôtels font de moins en moins appel à nos services. Mon mari, qui est également pianiste, ne joue désormais qu’une seule fois par semaine. Son salaire qui était de l’ordre de Rs 15 000 a drastiquement baissé. Cela a affecté notre budget familial. Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans l’obligation de regarder de près à la dépense. Heureusement, que nous n’avons pas d’enfant pour le moment. Le cas échéant, nous ne savons pas où nous aurions donné de la tête. Les artistes en circuit hôtelier ne sont pas bien considérés dans ce pays. Peut-être est-ce parce que personne ne s’est jamais demandé ce qu’aurait été une soirée dans un hôtel si nous n’étions pas là pour assurer l’animation.»
 
Danseuse de séga depuis huit ans, Sharonne, 23 ans, a aussi assisté, impuissante, à la réduction de son salaire en raison de la récession qui frappe particulièrement le textile et l’industrie touristique: «Dans le passé, je touchais jusqu’à Rs 12 000 par mois. C’était la belle époque comme on dit, où je dansais dans 11 hôtels hebdomadairement. Maintenant, mes revenus hebdomadaires avoisinent les Rs 500. Avec le coût de la vie qui a pris l’ascenseur à Maurice, je ne me vois pas rester dans ce domaine. D’ici peu, je compte me trouver un travail dans une usine de textile afin de pouvoir joindre les deux bouts. C’est dommage que les autorités n’accordent pas la moindre importance à notre situation. Nous avons tant donné pour faire de l’industrie touristique ce qu’elle est aujourd’hui et ça fend le cœur quand rien n’est fait pour nous venir en aide. Gageons que les conditions de travail des artistes hôteliers iront en s’améliorant. Au cas contraire, notre futur s’annonce très sombre.»
 
Nos nombreuses démarches afin d’obtenir une déclaration d’un responsable du ministère des Arts et de la Culture sur les éventuelles initiatives que le gouvernement compte instituer pour aider les artistes du circuit hôtelier sont restées vaines. Malheureusement.
 
À l’heure où le gouvernement mauricien envisage de redynamiser l’industrie touristique, il serait urgent, voire vital, que l’Etat s’active à mettre sur pied un plan d’aide pour alléger la détresse des artistes en circuit hôtelier. Car autrement, cela équivaudrait à tuer à petit feu un des piliers de notre économie qui deviendrait alors bien fade sans leurs talents et leur créativité…
 
Thierry Léon est journaliste à Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.


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