L’ignorance et la stigmatisation : les complices du VIH/SIDA


Date: January 1, 1970
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Selon les estimations, Maurice compterait 13,000 personnes vivant avec le VIH (PVVIH), et la prévalence a été calculée à 1.8%. Malgré que ce chiffre soit un des plus bas de la région de la SADC, les recherches démontrent que nous suivons la même tendance que certains pays comme le Vietnam, la Thaïlande, le Cambodge ou le Myanmar. De 1987 à septembre 2008, 3721 cas ont été officiellement enregistrés dans le pays parmi lesquels 3556 sont des Mauriciens. Parmi ce nombre, 3320 personnes sont encore en vie. La progression de la maladie continue. La transmission touche majoritairement les usagers de drogue par voie intraveineuse.
 
Les femmes restent les plus vulnérables vis-à-vis du VIH/SIDA, d’où un accent particulier pour elles. Il y a quelques 4 800 travailleuses du sexe, dont une grande proportion consomme des drogues dures par voie intraveineuse. Il est à noter toutefois qu’environ 46% des femmes séropositives à Maurice sont des directrices de maisons. La plupart d’entre elles ont contracté le virus par leurs maris. Ce qui indique l’ampleur de la relation de pouvoir entre l’homme et la femme car cette dernière ne peut négocier des rapports sexuels protégés. Environ 42% des femmes séropositives pratiquent le travail sexuel. Le chantage sexuel, une autre forme de domination machiste, prend de l’ampleur également.
 
La prévalence des femmes enceintes infectées par le VIH/SIDA a augmenté de 0.05% en 2000 pour passer à 0.27% en 2005. Il y a des risques qu’une femme enceinte vivant avec le VIH/SIDA le transmette à son enfant. Ces risques peuvent être réduits si la mère suit le traitement médical visant à protéger le fœtus. Ainsi le « Prevention of Mother to Child Transmission Programme » (PMCTMP), un programme spécialement adapté aux femmes enceintes séropositives, a été initié dès 1999 par le gouvernement. Il repose sur des tests de dépistage aux femmes enceintes dès qu’elles font suivre leurs grossesses dans les hôpitaux.
 
Mais malgré cela, certains chiffres sont préoccupants. En 2007, quelques 102 bébés sont nés des mères séropositives. Un dépistage effectué sur 90 autres ont révélé que sept d’entre eux avaient contracté le virus. Ces cas de séropositivité chez les bébés proviennent de femmes qui n’ont pas suivi le programme PMCTMP, ni son traitement. Les antirétroviraux, soit le Post Exposure Prohylaxis (PEP), sont dispensés au cours de ce programme et ont même été étendus aux victimes de viols.     
 
«Dans le but de sensibiliser les femmes, le gouvernement mène une campagne continue sur le VIH/SIDA à travers les centres des femmes et des associations féminines. Mon ministère organise des causeries, des ateliers de travail et des projections des films à ce sujet», informe Indranee Seeburn, ministre de la Femme, du développement de l’enfant et du bien-être de la famille. Ce ministère travaille de concert avec la AIDS Unit. La ministre précise également qu’elle finance mensuellement chaque adhérente du projet «La Chrysalide » à hauteur de Rs 100, 000 (environ U$D 3000). Ce centre se consacre uniquement au traitement et à la réhabilitation des usagères de drogue par voie intraveineuse, qui sont en majorité séropositives. Depuis mars 2008, les usagères de drogue par voie intraveineuse ont droit au traitement de substitution par la méthadone ou encore à l’échange des seringues.
 
Par ailleurs, le Conseil National des Femmes, en collaboration avec le Conseil des Religions, a financé la formation de formateurs (Family Support Officers) sur le sujet genre et VIH/SIDA. «La formation était d’une durée de trois jours et a permis aux formateurs de s’engager activement dans la lutte contre le VIH/SIDA, particulièrement au niveau de la stigmatisation et de l’ignorance », ajoute la ministre Seebun.  
             
Or, même si les soins sont disponibles et que les formateurs reçoivent la formation voulue, on note que les femmes séropositives ne savent toujours pas où se tourner. En raison de leur classe sociale ou de leur religion, elles ont peur d’aller dans des centres de désintoxication spécialisés car elles seront automatiquement stigmatisées. C’est pour cette raison que le Conseil National des Femmes a fait appel au financement d’un projet auprès du Fond Mondial (Global Fund) d’un montant de Rs 1 million de roupies (environ U$D 30000). Ce projet comprend la conception et la production d’un CD-Rom sur le VIH/SIDA et cela dans le but de faciliter la sensibilisation de la masse. Il servira également d’outil de travail aux formateurs.
 
«Dans un contexte où la stigmatisation, les tabous et les méconnaissances entraînent des préjugés à l’égard des personnes vivant avec le virus, les femmes touchées s’en trouvent davantage affectées.  Pourtant, il y des lois aujourd’hui qui permettent le mariage entre un(e) citoyen(nne) mauricien(nne) à une personne d’une autre nationalité et ce, quelque que soit le statut sérologique de la personne. Cela montre l’engagement du gouvernement dans lutte contre la discrimination envers les PVVIH. Le plan stratégique 2007-2011 identifie la stigmatisation et la discrimination comme deux des plus grands obstacles dans la lutte contre le VIH/SIDA jusqu’en 2015,» explique la ministre.    
 
C’est pour cela que le 7e colloque VIH de l’Océan Indien, qui s’est tenu à Maurice en novembre dernier a réuni 500 acteurs de la lutte contre le VIH/SIDA. L’objectif était d’harmoniser les actions pour lutter en particulier contre l’ignorance, la discrimination et la stigmatisation. Les témoignages, à visage découvert,  d’une trentaine de femmes et d’hommes vivant avec le virus, visaient à tenter de briser les préjugés, la stigmatisation et la discrimination qui affectent ces personnes.
 
Il ne reste plus qu’à espérer que ces mesures portent leurs fruits.
 
 
Jimmy Jean-Louis est journaliste à Maurice. Cet article fait partie du service d’opinions et de commentaires de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.
 


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