Monde hippique mauricien: les femmes commencent Á  prendre leurs marques


Date: January 1, 1970
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Lorsque le cheval «Wide Blue Sky» remporte la deuxième épreuve lors de la sixième journée de courses, on voit une jeune femme débarquer sur la piste pour le ramener à ses propriétaires. Brinda Nunkishore est cette jeune femme. Elle est la première palefrenière à exercer au Champ de Mars. Et ce jour-là, on a voir le bonheur irradier de son visage.

 
Attachée à l’écurie de Chintranjan Ramdin, Brinda Nunkishore est une bosseuse qui n’a pas froid aux yeux. Pour preuve, elle s’est illustrée dans un monde jusque-là presqu’exclusivement réservé aux hommes. Mieux encore, la jeune palefrenière ne se contente pas de faire de la figuration puisque le cheval dont elle s’occupe a brillé lors de la neuvième journée.
 
Ce jour-la, «Wide Blue Sky» était le mieux toiletté de la course.  Ce qui a fait Brinda Nunkishore gagner trois places au classement des palefreniers ayant des chevaux les mieux toilettés. De ce fait, elle est passée de la 12ème à la sixième place de ce classement.  Elle occupe aussi le quatrième rang du concours des palefreniers. Ce qui constitue une performance plus qu’honorable quand on réalise que son écurie n’a que 19 chevaux alors que d’autres écuries alignent jusqu’à 48 chevaux au Champs de Mars.
 
Lors de la dixième journée, le samedi 6 juin dernier, c’est un autre des poulains de Brinda Nunkishore, soit «Greek Flag» qui est arrivé troisième dans la septième course au programme. C’est dire tout le sérieux avec lequel la jeune femme s’attèle à ses responsabilités.
 
Cette présence féminine est très encourageante à un moment où cette profession a pris du plomb dans l’aile avec l’arrestation en avril dernier du chef palefrenier pour dopage. Il comptait 25 ans de service. La présence de Brinda Nunkishore au Champs de Mars remet en question la réputation de machistes des professionnels des courses à Maurice.  Elle n’est d’ailleurs pas la seule femme à prendre ses marques dans cet univers hippique.
 
En mai dernier, un hebdomadaire local axait son reportage sur Diksha Azema, jeune femme qui s’apprête à briser un autre tabou en devenant la première femme jockey mauricienne. Actuellement en France où elle suit une formation, cette jeune femme monte à cheval depuis l’âge de quatre ans et demi. «Je veux montrer aux Mauriciens qu’être jockey n’est pas réservé aux hommes et que les femmes aussi peuvent devenir jockeys », a-t-elle affirmé dans un entretien à la publication en question.
 
Mais la place occupée par les femmes dans le giron des courses hippiques à Maurice demeure minime. Khalid Rawat, le Racing Manager du Mauritius Turf Club(MTC), le confirme en ces termes: «Il ne nous est malheureusement pas possible de confirmer si d’autres Mauriciennes sont en stage de formation de jockey à l’étranger mais à Maurice, la réponse est négative».
 
Il explique que jusqu’ici, aucune femme jockey professionnelle n’a gagné de course à Maurice. La première femme jockey professionnelle à avoir monté au Champ de Mars lors d’une Journée Internationale s’appelait Sally Wynne. C’était en 1996. Deux autres femmes jockeys professionnelles lui ont succédé: la Norvégienne Yvonne Durant et la Néozélandaise Lisa Cropp. Toutefois, des femmes à l’instar de Nadine Forde, se sont illustrées toujours lors de Journées Internationales dans des courses pour cavalières amateurs connues comme la Fegentri.
 
«Il n’y a aucun poste au MTC qui soit limité aux hommes ou aux femmes. Il faut simplement avoir les compétences requises. A ce jour, il n’y a qu’une femme palefrenier et c’est Brinda Nunkishore, engagée par l’écurie Ramdin. Nous avions une autre femme en stage de palefrenier à Floréal mais elle est malheureusement partie avant la fin du stage», précise notre interlocuteur.
Le nombre de femmes propriétaires de chevaux est aussi très limité mais il est à noter que les épouses des propriétaires sont de plus en plus nombreuses à faire inscrire leur nom sur le programme. A ce niveau, il y a également eu du progrès car les femmes présentes viennent de différents milieux socioculturels. «Il faut une plus grande présence des femmes dans le monde hippique. En 1996, quand j’étais propriétaire du cheval Villiers, j’étais une des rares femmes à descendre sur la piste en sari. Aujourd’hui, c’est courant. C’est cela l’évolution», a expliqué Anoomati Devi Jettoo dans un entretien au magazine hippique Racetime.  
Il n’y a pas encore de femmes entraîneurs de chevaux à Maurice mais à l’étranger, elles sont de plus en plus nombreuses à occuper de telles fonctions et certaines ont connu beaucoup de succès comme Jean Heming en Afrique du Sud, Gai Waterhouse en Australie ou Criquette Head en France. Toutefois, on ne peut passer sous silence le fait que la plus vieille écurie du turf mauricien soit dirigée par Gunness Gujadhur, l’épouse du mythique feu Ton Mica Gujadhur.
 
L’autre point positif est que la réussite des jockeys hommes au Champ de Mars se célèbre en famille. Ainsi la première victoire classique du jockey mauricien Preetam Daby qui montait « Commorant Pass», a été fêtée en famille. Son épouse, Kirsty, a affirmé dans une entrevue de presse qu’elle avait «un grand pressentiment qu’il allait remporter la Coupe de la Duchesse».
 
Francess, la mère du jeune apprenti jockey Jeannot Bardottier, commente la première victoire de son fils. «A chaque fois qu’il monte lors d’une course, je me fais un devoir d’aller au Champ de Mars, d’être à ses cotés pour lui dire qu’il n’est pas seul et pour qu’il se dise que sa plus grande fan est là pour l’encourager. Je peux vous dire que j’étais émue quand j’ai vu Power of Poseidon passer la ligne d’arrivée en vainqueur».
 
D’autres, à l’instar d’Adriana Teeha, l’épouse du jockey Nishal Teeha, s’est intéressée de plus en plus au monde hippique au point d’animer conjointement l’émission «Racing Focus» sur la chaîne Digital 5. Sans oublier le fait qu’il y ait désormais beaucoup de journalistes femmes à couvrir les courses hippiques pour le compte de différentes rédactions.
 
Jimmy Jean-Louis est journaliste à Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links, qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne. 
 
 
 
 
 


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