Afrique australe: Mesurer le niveau de la violence basée sur le genre est essentiel pour la résoudre


Date: November 25, 2014
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Johannesburg, 25 novembre: C’est aujourd’hui que démarre la campagne des 16 jours d’actions contre la violence envers les femmes. Depuis 1991, ces 16 jours d’activisme ont été utilisés comme stratégie mondiale d’organisation par les individus, la société civile et les gouvernements pour réclamer l’élimination de toutes les formes de violence envers les femmes. Or, 23 ans plus tard, nous sommes tentés de désespérer au vu des perspectives de perte de la bataille. Les statistiques sont effrayantes et indiquent que la violence basée sur le genre (VBG) est une pandémie nécessitant la prise d’actions urgentes.

En Afrique australe, six pays ont mené des études de base sur la VBG, indiquant qu’elle a envahi la région. La prévalence la plus élevée est en Zambie où 89% des femmes des provinces de Kasama, Ktwe, Mansa et Mazubuka l’ont expérimentée au cours de leur existence. Entre-temps 86% des femmes au Lesotho, 68% au Zimbabwe, 67% au Botswana, 50% en Afrique du Sud (Gauteng, Limpopo, Western Cape et Kwazulu Natal) et 24% des femmes Á  Maurice ont aussi rapporté en avoir fait l’expérience au cours de leur existence.

Les résultats révèlent quelque chose de plus dérangeant encore – les hommes interviewés valident ces statistiques, qui sont supérieures dans certains cas. Ainsi de 73% d’hommes en Zambie Á  22% d’hommes Á  Maurice ont rapporté avoir commis des actes de violence au moins une fois dans leur vie. Le pourcentage d’hommes rapportant avoir commis un viol dans les six pays est significativement plus élevé que le pourcentage de femmes rapportant ce délit.

Démanteler le tissu social patriarcal et conservateur qui est caractérisé par l’impunité pour les auteurs et une nouvelle victimisation des femmes affectées n’est qu’une partie de la solution car nous devons comprendre entièrement l’étendue du problème. Bien qu’il soit critique de recueillir des données sur la VBG dans tous les pays où elles font défaut, appliquer des stratégies qui ne sont pas influencées par des recherches ou qui manquent de suivi complet et des cadres d’évaluation, c’est comme aller Á  l’aveuglette. De plus, sans ces informations, les citoyens sont dépossédés et sont incapables de faire leurs gouvernements respectifs rendre des comptes.

Le manque de leadership et l’absence de volonté politique des gouvernements nous laissent incrédules et déprimés car ils semblent plus engagés Á  démolir et réduire le peu de progrès réalisés dans le traitement des réalités tragiques résultant des inégalités du genre. Nous le constatons non seulement dans la rhétorique patriarcale si étendue et les dépenses négligeables dirigées vers la prévention de la VBG et l’intégration du genre dans les plans d’actions nationaux, de même que dans l’engagement lamentable envers la parité dans les instances de décisions politiques.

Après les élections au Malawi et en Afrique du Sud, nous avons vu un déclin dans la représentation des femmes au sein du gouvernement. Nous attendons les résultats des femmes lors des récentes élections au Mozambique et au Botswana alors que nous pouvons d’ores et déjÁ  anticiper un déclin des femmes au gouvernement lors des prochaines élections Á  Maurice lorsque nous voyons le petit nombre de candidates alignées par les partis politiques locaux.

A l’issue des élections nationales en Afrique du Sud en mai dernier, le gouvernement a démantelé le ministère de la Femme, de l’Enfant, des Personnes handicapées et a établi un nouveau ministère de la Femme sous la coupe de la présidence. Ce qui est décourageant est que durant cette transition, le conseil national contre la VBG a été suspendu, signifiant que son travail urgent et crucial a été retardé jusqu’Á  ce que le gouvernement décide quel département va le chapeauter.

Durant un meeting public lors de la campagne des 16 jours d’activisme en Afrique du Sud, organisée par le ministère de la Femme, la ministre de tutelle, Susan Shabangu, a exprimé son désir lors de la cérémonie d’ouverture de mobiliser les hommes durant la campagne parce que « les hommes sont censés être des protecteurs de la société. Ils sont censés être les protecteurs de la famille », ajoutant que les femmes ne peuvent plus être des victimes.

C’est exaspérant d’entendre de tels commentaires qui blâment et infantilisent les victimes émanant du ministre de la Femme. Ajoutant l’insulte Á  l’injure, d’autres leaders présents ont suggéré que le financement aux centres soutenant les victimes de VBG soit réduit et que la VBG soit traitée dans la sphère privée du foyer. Toutes ces déclarations sont choquantes et pas seulement parce qu’elles émanent de leaders mais parce qu’elles perpétuent la culture du silence et alimentent la forme la plus prévalente de VBG – celle entre partenaires intimes qui a généralement lieu Á  la maison.

Ces attitudes persistent en dépit des statistiques ahurissantes sur la VBG et sont en conflit direct avec les engagements gouvernementaux régionaux et internationaux pris en faveur de l’égalité du genre. En aoÁ»t 2008, les chefs d’Etats de la SADC ont adopté le Protocole sur le Genre et le Développement qui vise, entre autres dispositions, Á  réduire la VBG de moitié d’ici 2015. Le Protocole demande Á  tous les Etats membres d’agir rapidement pour prévenir, enquêter et punir toutes les formes de VBG et d’offrir des recours efficaces aux survivantes. Certains pays ont été plus loin en adoptant un plan d’action de 365 jours contre la VBG.

Ces plans sont les bienvenus mais il semblerait qu’ils accumulent de la poussière dans un tiroir. De plus, comment les autres Etats membres font-ils pour tenter d’éliminer la VBG quand il a si peu ou point de données de base sur la VBG ? Comment les gouvernements envisagent-ils d’attaquer le problème sans des objectifs réalistes et des indicateurs efficaces pour mesurer la VBG ?

Cela souligne le besoin de recueillir des données précises et complètes pour s’assurer de la responsabilité des gouvernements Á  prévenir, traiter et réagir Á  la VBG. Il est urgent d’établir des bases de référence sur la VBG dans TOUS les pays de la SADC et de renforcer des cadres structurés, intégrés, budgétisés pour mettre un terme Á  la VBG. Il faut aussi des indicateurs uniformisés et acceptés parmi tous les pays de la SADC.

Si nous ne sommes pas armés avec une solide connaissance, nous ne pourrons jamais faire nos leaders rendre des comptes. Nous ne pouvons continuer Á  réclamer nos droits et rester Á  attendre le bon vouloir, la faible détermination des politiciens et leur politique non fiable, qui ne font pas grand-chose pour l’avancement de notre lutte constante en faveur de l’égalité, la justice et la paix. Mesurer et réagir Á  la VBG fait partie de l’obligation de chaque Etat, de peur que ne persistent encore deux décennies de guerre envers les femmes.

Linda Musariri travaille dans le département de la Justice Á  Gender Links. Cet article fait partie de la série spéciale sur les 16 jours d’activisme contre la VBG du service d’information de GL, qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.


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