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Johannesburg: C’est un froid mois d’aoÁ»t, mois des femmes en Afrique du Sud. J’ai beau chercher mais je trouve peu de motifs de célébration. Au lieu de mesurer les progrès accomplis en matière d’émancipation de la moitié de la population sud-africaine après 20 ans de démocratie, les nouvelles sont accaparées par les plaidoiries finales du procès d’Oscar Pistorius, champion paralympique déchu, qui a tué sa petite amie Reeva Steenkamp, il y a 18 mois, le soir de la St Valentin.
La poursuite, menée par Gerrie Nell, a argué qu’il s’agit d’un féminicide – le meurtre d’une femme par son partenaire intime, qui a lieu toutes les huit heures dans ce pays, selon les plus récentes statistiques rendues publiques. Barry Roux, l’avocat principal de la défense, a comparé son client Á une femme abusée qui a pris des coups Á répétition jusqu’au point de non retour, pouvant mener au meurtre d’un homme par sa partenaire.
Lorsque la juge Thokozile Masipa a déclaré qu’elle comprenait comment l’argument pouvait s’appliquer Á une femme abusée mais ne voyait pas le rapport avec Pistorius, Roux a répliqué : « Vous êtes un petit garçon sans jambes et vous vivez votre handicap au quotidien. Cela a un impact sur vous mais vous ne pouvez fuir cette situation. Vous vous dites: « Je ne peux me sauver. Je ne peux quitter cette situation car je n’ai pas la possibilité de m’enfuir.” Et cela doit expliquer pourquoi Pistorius, qui avance qu’il a entendu un intrus dans sa maison, a tiré sur Steenkamp!
J’ai essayé de rester calme et objective en regardant cette téléréalité sur mon petit écran chaque soir. Le fait que Pistorius ait tué sa partenaire ne fait aucun doute; le seul point de contentieux étant l’intention. Quand on le compare Á une femme battue et maltraitée, tuant son partenaire après des années et des années d’abus verbaux et psychologiques, cela me rend perplexe !
La recherche menée par Gender Links sur la violence envers les femmes et les filles (VEFF) dans cinq pays de l’Afrique australe et quatre provinces d’Afrique du Sud indique que de toutes les plus horribles formes de violence – émotionnelle, verbale, physique et sexuelle, les deux premières sont les plus élevées mais aussi les moins reconnues, soit une lente agonie que plusieurs femmes vivent au quotidien. Roux a souligné que nous pourrions être compatissants envers la femme qui, dans de telles circonstances, se révolte et tue son partenaire. Tristement, ce n’est pas ce qui se passe habituellement en Cour : notre recherche montre que les femmes qui tuent leur partenaire en réaction Á des années d’abus sont condamnées plus sévèrement que les hommes, qui en font autant en raison du fait que leur ego machiste ait été égratigné.
J’imagine pour une minute quels auraient été les titres de presse si les rôles avaient été inversés et que l’avocate et mannequin Steenkamp avait tué Pistorius: assassine, femme folle, sorcière diabolique et bien d’autres qualificatifs auraient été utilisés Á son égard. Mais il est l’homme et elle était la femme. Nous sommes tellement habitués Á voir des hommes tuer leur partenaire intime que dans l’esprit public, il pourrait y avoir une raison plausible qui ait fait que Pistorius ait agi de la façon dont il l’a fait.
Au début, Roux a tenté de nous faire croire que son client a fait preuve d’autodéfense, étant convaincu qu’il y avait bien un intrus dans sa salle de bains. Ensuite, il a tiré de son jeu de cartes, celle du handicap, comparant Pistorius Á une femme abusée. Pour ajouter Á mon dégoÁ»t, je me demande ce que diraient ceux qui défendent les droits des handicapés: Pistorius défie un jour la fraternité globale du sports en demandant Á être autorisé Á courir avec les bien-portants et arguant qu’il est un autrement capable et pas une personne handicapée. Maintenant, il avance qu’une vie de handicap peut mener Á la paranoÁ¯a et Á la perte de la maîtrise de soi !
Considérons les faits: Un couple dort dans un lit, supposément après un dîner tranquille le soir de la St Valentin (le fait étrange est que la valise de la femme est faite, prête Á être emportée). Après cela, elle se trouve toute habillée et enfermée dans la salle de bains, avec son téléphone cellulaire, quand elle est abattue de quatre balles (pourquoi vous seriez-vous enfermée dans votre salle de bains ou dans celle de votre partenaire?). Pistorius avance qu’il a entendu un intrus. Pourquoi n’a-t-il pas demandé Á la seule autre personne en sa compagnie si elle avait également entendu un intrus ? Au lieu de cela, il est debout sur ses moignons avec une arme Á la main, tirant non pas un coup de feu mais plusieurs coups et Á une très petite distance de sa cible.
Quatre témoins indépendants ont déclaré avoir entendu un cri de femme avant les coups de feu. Selon la défense, lorsque Pistorius hurle, sa voix est aigue. Bien que cela n’ait pas été prouvé en Cour, hormis ses incessants sanglots aigus, on veut nous faire croire que les cris déchirants entendus par les voisins étaient en fait ceux du champion paralympique.
Du vieux Bailey’s Á Londres Á l’avocat d’OJ Simpson, Johnnie Cochran en Californie, je n’ai pas entendu de commentateur légal international qui gobe cette version des faits de Pistorius. Cochran, qui a fait partie du panel d’avocats qui a absous OJ Simpson d’accusations criminelles (bien que par la suite, OJ Simpson ait dÁ» payer des dommages au civil) du meurtre de Nicole Brown Simpson, a déclaré publiquement qu’il n’aurait jamais accepté de défendre Pistorius.
La défense argue que Pistorius doit être acquitté car qu’il y a eu une grossière méprise dans toute cette affaire. Nell en Cour contre cet argument en demandant Á Pistorius d’avouer qu’il a tué sa petite amie et de prendre la responsabilité de ce meurtre alors que lui refuse de le faire. Je me souviens très nettement comment ses larmes et ses plates excuses aux parents de Reeva ne m’ont pas du tout bouleversée. Une chose au moins a semblé mettre tout le monde d’accord et c’est le fait que Pistorius ait été un piètre témoin et que son affaire a causé plus de tort que de bien.
Selon Nell, il n’a pas passé le témoin de vérité et de ce fait, il ne mérite pas de finir sa course. Roux argue que la poursuite n’a pu prouver, hors de tout doute raisonnable, que le couple s’était disputé cette nuit lÁ et que cela a conduit Pistorius Á la tuer. Si ce n’est un assassinat, déclare la poursuite, Pistorius doit au moins être trouvé coupable d’homicide volontaire. L’homicide volontaire, comme l’assassinat, est une forme de tuerie illégale. La seule différence cruciale cependant entre les deux est que si la personne tue intentionnellement, c’est un assassinat alors que si lui ou elle tue par négligence, c’est de l’homicide volontaire.
Un ami légiste de longue date vivant dans un pays riverain et qui suit aussi ce procès de près indique que la vraie personne sur la sellette dans toute cette affaire est la juge Masipa. Lorsqu’elle prononcera son verdict, nous n’aurons pas l’excuse toute trouvée qui vient Á l’esprit en Afrique du Sud et qui est celle de la juge blanc qui soupèse les faits. Cette fois, nous avons affaire Á quelques rares nouveaux juges noirs. La juge Masipa doit suivre la loi Á la lettre mais elle ne peut échapper au contexte.
Alors que l’Afrique du Sud s’achemine vers ce qu’il reste du mois des femmes et que nous attendons notre 11 septembre, date où le jugement sera prononcé, regardons la réalité en face en nous disant que « 20 ans après avoir embrassé une nouvelle démocratie, la vie d’une femme en Afrique du Sud vaut toujours moins que celle d’un homme ». C’est cela, autant qu’Oscar Pistorius lui-même, qui est vraiment en jeu dans ce procès.
Colleen Lowe Morna est la directrice exécutive de Gender Links. Le service d’information de GL offre des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne. Elle écrit en sa capacité personnelle.
Comment on Afrique du Sud: Oscar Pistorius semblable Á une femme abusée ? Dieu nous en préserve !