Au-delÁ  des signaux forts


Date: June 6, 2013
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La castration chimique ou 60 ans de prison aux violeurs est certainement un signal fort. Mais qu’en est-il de ces prédateurs guettant leurs proies comme le font les animaux sauvages? L’âge n’a pas d’importance aussi longtemps qu’il s’agit de femmes, de fillettes ou de garçonnets, en d’autres mots, tout ce qui bouge. N’avons-nous pas entendu parler des enfants de moins de 10 ans, sodomisées et violées ou encore de mamans, de sÅ“urs et de grands-mères de plus de 60 ans, elles aussi sodomisées et violées ?

Il y a une quinzaine de jours, Prithiviraj Appadoo a été trouvé coupable de viols sur cinq femmes âgées entre 17 et 55 ans. Il terrorisait bon nombre de femmes dans le nord du pays. La sentence qui lui a été infligée par la Cour intermédiaire est 35 ans de servitude pénale. Il retrouvera la liberté Á  l’âge de 80 ans. Les femmes dans le nord et d’ailleurs sont soulagées. Mais il lui aura fallu une cinquième victime avant qu’il ne soit arrêté et traduit devant une Cour de justice.

Au cours de ses interrogatoires, Appadoo a dévoilé avec force détails les sévices qu’il a fait subir Á  une femme de 55 ans, une mère de famille de Pereybère et Á  une adolescente de 17 ans. S’il vit jusqu’Á  80 ans, Pritiviraj Appadoo retrouvera la liberté. Mais les cinq femmes qu’il a violées ne trouveront jamais la leur, ni la paix d’esprit. Car un viol ne s’oublie jamais. Les suivis psychologiques peuvent certes aider mais la frayeur demeure gravée dans la tête de la survivante et dans celle de son entourage.

Mais qu’en est-il des autres violeurs qui sont en prison et qui en sortiront bientôt ? Il serait bon de savoir si ces prisonniers ont reçu une réhabilitation convenable pour pouvoir intégrer la société. Car sans cet encadrement psychologique, ils sortiront de prison dans le même état d’esprit qu’ils y étaient entrés, Á  savoir aptes Á  commettre d’autres viols ou avec une obsession de vengeance envers celles qui les ont dénoncés.

Valeur du jour, je suis sÁ»re que ces femmes victimes de viol vivent dans l’angoisse et la peur de représenter Á  nouveau une proie facile pour leur agresseur une fois que celui-ci recouvrira la liberté.

C’est facile de dire qu’il y a des structures comme les « Family Support Bureaux » du ministère de l’Egalité des genres, de la protection de l’enfant et de la famille pour aider les survivantes mais combien de femmes savent-elles que cette structure existe ? D’après l’étude de Gender Links intitulée « War at Home – Gender Based Violence Indicators Study » seulement 46% des femmes ont entendu parler de la hot line et seulement 25% y ont eu recours. C’est grave, très grave même pour une aussi petite population. Car non seulement il y a une panoplie de moyens de communication mais ils sont aussi faciles d’accès, surtout Á  travers les médias, les réseaux sociaux ou encore les SMS.

Le plus frappant dans l’étude, c’est que les garçons, Á  34%, en comparaison avec les filles, Á  24%, ont été négligés durant leur enfance. Les garçons, Á  54%, en comparaison avec les filles, Á  22%, ont connu l’abus physique et c’est encore les garçons, Á  5%, en comparaison aux filles, Á  4%, qui ont connu des violences sexuelles. Les chiffres ne mentent pas et sont éloquents. Et nous savons très bien que les viols entre les quatre murs du foyer sont rarement dénoncés. Cette étude indique aussi que seules 14% des femmes violées ont rapporté leur viol aux autorités.

« War @ Home » est une mine d’informations avec des statistiques et même un chapitre sur les mentalités des Mauriciens, sur leurs attitudes, sur leur perception de la violence et du viol. C’est un outil important pour appliquer concrètement des projets. Ce rapport a été lancé par Mireille Martin, ministre de l’Egalite des genres, de la protection de l’enfant et du bien-être de la famille en novembre 2012. Le ministre de l’Emploi et des relations industrielles, Shakeel Mohamed, et le ministre de la Sante et de la qualité de la vie, Lormus Bundhoo, ont affirmé haut et fort leur indignation face aux résultats de cette recherche de Gender Links.

Le ministre Mohamed a été plus loin en disant qu’il a honte pour son pays avec de tels résultats sur la violence Á  l’égard des femmes Á  Maurice alors que le ministre Bundhoo a parlé de discrimination Á  l’égard des femmes. Brian Glover, le président de la Commission pour les Opportunités égales et Denis Ithier, directeur général de La Sentinelle Ltée, ont aussi été très choqués par ces résultats et ont évoqué les actions que les décideurs doivent appliquer et la contribution que les médias et la société civile peuvent avoir dans cette lutte contre la violence.

Il faut savoir pourquoi les femmes ne vont pas Á  la police. Il faut savoir pourquoi il y a tant de garçons et des filles qui vivent dans l’enfer de la violence. Nous sommes une société malade. Nous élevons nos garçons dans un environnement qui fait qu’ils deviennent des violeurs et des criminels. N’est-il pas temps pour les ministères concernés d’éplucher ce rapport et voir quels projets concrets ils pourraient appliquer ? Il nous faut nous débarrasser de la mentalité de «la tisane après la mort ». A chaque fois qu’il a un viol, nous montons sur nos grands chevaux et organisons des marches de protestation, des fleurs Á  la main.

Il faut faire quelque chose, bon sang, pour qu’au lieu de faire des marches avec des fleurs, nous fassions des marches vers l’égalité afin que nous puissions vivre dans une société où les femmes et les filles puissent vivre en toute quiétude, sans jamais ressentir la peur.

Mettons nous dès aujourd’hui au travail en utilisant les résultats de « War @ Home » comme point de départ. Il faut vraiment aller au-delÁ  des articles 20-25 du Protocole de la SADC sur le genre et le développement et se dire qu’en 2015, il n’y aura plus de prédateurs tapis dans l’ombre et prêts Á  se jeter sur les filles et les femmes. Et qu’en 2015, nous vivrons dans une société dépourvue de violence envers les plus vulnérables.

Loga Virahsawmy est la directrice du bureau francophone de Gender Links Á  Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de GL.


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