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Face aux crises économiques et alimentaires qui sévissent dans plusieurs pays de la Communauté de Développement de l’Afrique australe (SADC), le mariage forcé des filles est devenu une option incontournable pour sortir les siens de la misère.
La naissance, le mariage et la mort constituent généralement les trois événements majeurs dans la vie des gens. Un seul cependant relève généralement d’un choix et il s’agit du mariage. Le droit d’exercer ce choix a été reconnu comme un principe juridique depuis l’époque romaine et il est établi depuis longtemps par les instruments internationaux de droits humains.
Pourtant de nombreuses filles, et dans une moindre mesure, un nombre inférieur de garçons, se marient sans possibilité d’exercer leur droit de choisir. Certains sont contraints au mariage Á un âge très précoce et sont par conséquents trop jeunes pour comprendre les implications de leur acceptation sur leur vie et celle de leur partenaire. Bien que l’âge du mariage soit généralement en hausse dans le monde, le mariage précoce d’enfants de moins de 18 ans est encore largement pratiqué.
Le mariage précoce relève de divers facteurs mais l’aspect primordial est qu’il est une violation des droits humains alors que le droit Á consentir librement et pleinement au mariage est reconnu dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) de 1948 et figure aussi dans de nombreux instruments de droits humains qui lui ont succédé – consentement qui ne peut être ‘libre et plein’ si un partenaire au moins est très immature.
Que ce soit pour les garçons ou pour les filles, le mariage précoce a de profondes répercussions sur le plan physique, intellectuel, psychologique et émotionnel et met fin aux possibilités d’éducation et d’épanouissement personnels. De plus, pour les filles, il est presque toujours synonyme de grossesse et d’accouchement prématurés et d’une existence d’asservissement domestique et sexuel contre laquelle elles ne peuvent lutter car elles sont sans pouvoir.
Au Zimbabwe, pays où perdure un chaos économique, de nombreuses jeunes filles se sont vues obligées d’épouser des hommes de 30 ans leur aîné contre de modiques sommes d’argent. Les parents continuent de faire pression sur leurs enfants pour ces noces forcées car leur survie en dépend du fait que l’économie du pays soit stagnante et que la sécheresse ait tué de nombreux paysans. Une fillette de 12 ans a même contracté le VIH/SIDA après avoir été forcée Á se marier Á un homme qui a l’âge d’être son père.
La situation est moins dramatique et violente Á Madagascar mais ce pays fait aussi face Á ce phénomène. Certains parents vivant dans la brousse obligent leurs filles, dont certaines sont encore mineures, Á se prostituer dans les villes et ce faisant, Á se trouver un époux, peu importe son statut, du moment qu’il peut faire le nécessaire pour leur survie et celle du reste de la famille. Manger Á sa faim prime alors sur toute autre considération.
Un reportage télévisé a récemment montré le calvaire de plusieurs femmes malgaches en France, toutes ayant contracté un mariage forcé pour subvenir aux besoins financiers de leurs parents. De tels mariages forcés existent aussi Á Maurice. Bélinda, une ancienne travailleuse du sexe toxicomane, qui n’arrivait pas Á trouver un travail décent, affirme qu’elle s’est vue contrainte par ses parents d’épouser un ressortissant sud-africain. «Je ne voulais pas l’épouser mais mes parents m’ont dit que c’était notre seule porte de sortie de la misère et mon père, ainsi que mon frère, ont menacé de me tuer si je refusais. Je l’ai donc épousé et je vis un calvaire avec cette homme car il me mène la vie dure. »
Cynthia, habitant dans le nord de l’île, a connu le même sort mais la fin de l’histoire a été moins dure pour elle. «Il y avait un Malgache dans le secteur de construction qui m’a proposé Rs 20,000 pour l’épouser. J’ai refusé mais mes parents ont insisté et m’ont forcée Á la faire. J’ai cédé. Le Malgache voulait juste avoir sa naturalisation mauricienne pour pouvoir rester ici. Mes parents ont encaissé l’argent mais je ne sais pas ce qui s’est passé car l’homme est mort le lendemain du mariage. Je suis donc devenue épouse et veuve le lendemain, tout cela bien malgré moi. »
L’exploitation des filles est donc intimement liée Á la misère…
Leevy Frivet est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
Comment on Ces mariages forcés au nom de la misère