Congé parental: Quelle considération pour les papas?

Congé parental: Quelle considération pour les papas?


Date: May 29, 2015
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Maurice: Certes, c’est un grand pas en avant et cette mesure mérite d’être saluée. Le nouveau gouvernement élu par les Mauriciens en décembre 2014 a respecté l’une de ses promesses électorales en votant des amendements Á  l’Employment Rights Act qui voient l’extension du congé de maternité de douze Á  quatorze semaines. Une mesure qui prendra effet aussitôt que lesdits amendements seront proclamés dans la Gazette du gouvernement.

Cependant, il est malheureux de constater que rien n’a été prévu pour le respect du principe de la parité et pour faire en sorte que les pères participent davantage Á  la vie de famille. Car si le congé de maternité est étendu, le congé de paternité, lui, n’a connu aucun changement: les papas n’ayant droit qu’Á  cinq jours de congé seulement.

Il est révolu le temps où les femmes s’occupaient seules de leur bébé entre les quatre murs de leurs maisons alors que les maris continuaient de mener Á  bien leurs obligations professionnelles et autres activités de loisirs. Fini le temps où le père représentait l’autorité avec un grand A. Aujourd’hui, les géniteurs que les médias appellent les « nouveaux pères » s’occupent de plus en plus de leurs bébés, donnent le biberon, le bain, changent les couches. C’est une révolution dans les rôles. Ils revendiquent leur paternité et surtout les droits qui y sont associés. Dont celui du congé de paternité. Pour ceux qui osent s’exprimer, c’est une «terrible injustice » faite Á  leur égard. Et ce n’est pas Darmen Appadou, le président de SOS Papas qui dira le contraire.

«Comment réconcilier vie de famille et obligations professionnelles de manière égalitaire entre les sexes si le gouvernement lui-même ne s’intéresse pas Á  la question? » se demande-t-il. Car pour lui, il est inacceptable que le gouvernement n’ait pas pris en compte les revendications des hommes par rapport aux congés de paternité qui leur sont alloués. Il avance même que les pères sont nombreux Á  puiser dans leurs congés annuels pour pouvoir assumer pleinement leur rôle quand leur enfant vient au monde.

Dans d’autres cas, certains n’hésitent pas Á  prendre un congé sans solde. «Une semaine ne suffit pas et je trouve cela aberrant. Il est vrai que c’est la femme qui donne naissance. Mais le père a aussi un rôle très important Á  jouer dans la famille. Non seulement en tant que père mais aussi en tant qu’époux. Donner de l’amour, de la tendresse et de l’attention ne sont plus des domaines réservés aux femmes », souligne le président de SOS Papas qui revendique une augmentation du congé de paternité pour les hommes. « On va sans doute se demander qui de l’employeur ou du gouvernement va payer ces congés ? La question est simple. Si l’employeur ne peut assumer ce coÁ»t seul, le gouvernement devrait penser au Plan National de Pension auquel contribue tout employé. »

Même Aurore Perraud, ministre de l’Egalité du Genre, estime qu’il faut donner plus de considération aux papas et leur donner la possibilité de mieux assumer leurs rôles de père auprès de l’enfant. «La présence des deux parents est primordiale pour l’enfant, et ce, dès son plus jeune âge. Cela apporte de l’équilibre tant dans l’épanouissement de l’enfant que chez la mère », déclare-t-elle.

John, la quarantaine, fonctionnaire de son état, est père d’un garçonnet de cinq ans et d’une fillette de dix mois seulement. A la naissance de son premier enfant, il a eu toutes les peines du monde Á  pouvoir assumer son rôle de père. Il attribue la faute Á  un congé de paternité discriminatoire et Á  des conditions d’emplois rigides dans le secteur privé. « Ma femme a accouché de notre premier enfant par césarienne et elle souffrait beaucoup. Elle n’a plus ses parents qui auraient pu s’occuper d’elle en mon absence. Quant Á  mes parents, ils vivent Á  l’étranger. Je n’ai eu d’autre choix que d’employer une dame de compagnie pour l’aider après l’accouchement car je n’avais droit qu’Á  une semaine de congé de paternité et j’avais épuisé tous mes congés annuels. Comme Á  l’époque, je travaillais dans le secteur privé, une fois les congés annuels épuisés, on ne peut rien faire », explique John.

Pour la naissance de son deuxième enfant il y a quelques mois, il est heureux d’avoir eu le privilège de profiter pleinement des premiers jours de vie de sa «petite princesse ». Ce, dit-il, grâce Á  son emploi dans le gouvernement où il obtient beaucoup plus de congés que dans le privé. Pouvoir bénéficier de congés de maladies, annuels ainsi que des congés de vacances (vacation leave) cumulables sur plusieurs années, c’est ce qui lui a permis d’être présent pour sa femme et son bébé dès l’accouchement.

«On obtient 25 jours de congés de vacances par an pour ceux qui comptent un maximum de cinq ans de service dans le gouvernement. Et c’était mon cas. J’ai aussi opté pour 75 jours de congés de vacances. La procédure veut que, lorsque nous prenons ces vacances, nous devons absolument voyager car nous bénéficions aussi d’une allocation de voyage. J’ai donc acheté un billet d’avion vers une destination prisée des Mauriciens et pas trop cher que je n’ai jamais utilisé. C’était pour pouvoir avoir tout Á  la fois, c’est-Á -dire les congés et la présence en famille. Un père peut faire ce genre de sacrifice. Mais comme tous les pères n’auront pas cette chance, il faut revoir le congé de paternité. Car la maternité n’est pas qu’une question de bébé et de maman mais concerne l’ensemble de la famille. »

Il n’y a pas que le congé de paternité qui froisse Darmen Appadou. Il se bat depuis de nombreuses années pour que les veufs obtiennent eux aussi une pension de l’Etat. Au même titre que les veuves. « C’est du sexisme. Un papa, au même titre qu’une maman, est tout autant appelé Á  prendre soin de ses enfants, Á  subvenir Á  leurs besoins. Or Á  Maurice, c’est toujours la maman qui est considérée comme étant l’unique parent Á  s’occuper de l’enfant alors que ce n’est pas forcément le cas dans la réalité. Lorsqu’une femme perd son mari, elle a droit Á  une pension de veuve. Mais un homme qui perd sa femme n’a droit Á  rien du tout. Pourquoi? J’ai adressé plusieurs correspondances en ce sens au gouvernement sortant sans jamais obtenir de réponses. Je ne baisserai pas les bras », poursuit le président de SOS Papas.

Par rapport au congé de paternité, il suggère au gouvernement de s’inspirer du modèle norvégien. Dans ce pays, par exemple, un homme a droit Á  un congé de paternité de six mois qui est entièrement payé pour qu’il puisse profiter de son enfant mais aussi pour réduire le temps d’éloignement des femmes du marché du travail. Au Portugal, le congé de paternité est de 20 jours et il est obligatoire.

Le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement demande aux Etats membres d’adopter des mesures appropriées, d’un point de vue législatif, administratif et autres, pour s’assurer que les femmes et les hommes jouissent de droits égaux et soient considérés comme des partenaires égaux dans le mariage. Et même si Maurice n’est pas signataire de ce protocole, il respecte la plupart de ses dispositions. Toutefois, en matière de parité au niveau du congé parental, nous avons encore du chemin Á  faire.

Laura Samoisy est journaliste Á  Maurice. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.

 


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