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New York, 4 mars: La réclamation des quotas pour les femmes en politique n’est plus Á l’ordre du jour. Ce qui l’est, c’est celle d’un puissant lobby effectué par des femmes d’affaires qui sont venues assister Á cette 57e conférence de la Commission de la Condition de la Femme des Nations Unies (CSW57) avec sous les bras un nouvel agenda : faire les femmes accéder au monde des affaires et pas n’importe lesquelles: les grosses affaires.
«Cette idée est devenue d’actualité », déclare la souriante Freda Miriklis, présidente de l’International Federation of Business and Professional Women (BPW). « C’est un fait connu que les femmes n’occupent pas la plate-forme politique. Mais qu’est le pouvoir politique sans pouvoir économique? », se demande-t-elle.
Intervenant lors de la consultation annuelle de la Commonwealth National Women’s Machineries en prélude Á la CSW57 qui a démarré hier, elle a appelé les 53 pays anglophones du Commonwealth qui représentent un tiers de la population mondiale Á mettre en place des procédures afin d’autonomiser les femmes.
L’an dernier en Australie, la BPW a saisi un moment stratégique pour lancer le réseau des femmes d’affaires du Commonwealth, Á savoir quand Kamla Persad-Bissessur, Premier ministre de Trinidad et de Tobago a passé le relais Á son homologue Julia Gillard et ce sous les yeux de la reine Elisabeth. C’était une première dans l’histoire du Commonwealth qu’une femme chef d’Etat transmette le témoin Á une autre.
Ce réseau comprenant des femmes issues de pays riches et pauvres du Commonwealth a fait une puissante déclaration en Australie: elles ont jugé insuffisant l’objectif du Commonwealth d’avoir 30% de femmes dans des postes de décisions d’ici 2015. L’Union africaine, la Communauté de Développement de l’Afrique australe (SADC) et d’autres pays ont poussé plus loin cet objectif et réclamé la parité d’ici 2015. Et comme de nombreux pays émergeants enregistrent une croissance économique Á deux chiffres, les femmes veulent une part dans cette action économique. « C’est le lien qui manque », a insisté Miriklis lors d’une interview.
Dans un article intitulé «les accords de libre échange demandent des femmes libres », la directrice exécutive de UN Women, Michelle Bachet a déclaré qu’il y a «des preuves flagrantes de la part de la Banque Mondiale, des Nations Unies, de l’Organisation de la Coopération Economique et du Développement et de bien d’autres que l’égalité grandissante contribue Á une hausse de la croissance, de la productivité et de la compétitivité ».
Elle ajoute qu’alors que le fossé entre hommes et femmes en matière de main d’Å“uvre active s’est rétréci de façon significative, celui entre les salaires, les opportunités, l’accès aux ressources, l’éducation, les plans de carrière et le travail domestique impayé entre eux ne s’est rétréci que marginalement. «Les hommes gagnent toujours plus que les femmes pour l’accomplissement d’un travail égal. Les femmes sont encore sous-représentées dans le management et dans des postes de leadership. Les femmes subissent la discrimination dans l’accès aux terres, aux propriétés foncières et dans la succession. »
Le rôle de la BPW est de relier les points entre eux. «Plusieurs entreprises disent qu’elles ne trouvent pas de femmes capables. Nous répliquons qu’elles se trompent et qu’elles ne les ont simplement pas rencontrées ». Fortes des recherches menées par des institutions réputées telles que la Harvard Business School qui indiquent que la diversité est la clé de la compétitivité sur les marchés d’aujourd’hui, la BPW a rejoint l’International Trade Centre et WeConnect International qui soutiennent la plate-forme globale d’action destinée Á retracer les commerçantes.
« BPW fait sonner son clairon Á tous ses membres, clients et amis : impliquez-vous et faites vous enregistrer comme femme entrepreneur ou femme Á la tête d’un business prêt Á travailler avec de grosses sociétés enregistrées qui continuent Á ouvrir des branches dans les pays en voie de développement », insiste Miriklis.
Le Commonwealth Business Women’s Network – en partenariat avec le Commonwealth Business Council – rappelle qu’il a fait du courtage pour l’équivalent de 20 millions de dollars américains en un peu moins d’un an en mettant en rapport d’importantes sociétés et des commerçantes qui ne bénéficiaient pas de ces contrats autrefois.
Adenike Adeyanju-Osadolor, coordonnatrice de la BPW pour l’Afrique, explique que son réseau a soutenu les agricultrices au Nigéria et les femmes pêcheurs au Bénin et leur a permis d’accéder Á de nouveaux marchés. Elle a ajouté que le chapitre africain – puissant en Afrique de l’Est – cible spécifiquement les jeunes femmes au Burkina Fasso qui sont affectées par les fistules en raison des pratiques traditionnelles de mutilations génitales féminines.
Miriklis estime que son message sur l’autonomisation concerne en particulier la CSW 57 qui se concentre sur la violence envers les femmes. « Il y a un lien entre la pauvreté et la violence basée sur le genre », a déclaré Miriklis. « Les femmes dans les pays en voie de développement sont contraintes de se soumettre au travail sexuel pas parce qu’elles en ont envie mais parce qu’elles n’ont pas le choix. L’autonomisation donne non seulement voix au chapitre aux femmes mais aussi le choix ».
Durant la réunion du Commonwealth, l’Australie a annoncé qu’il fallait qu’il y ait un minimum de 40% de femmes ou d’hommes sur les conseils d’administration des corps paraétatiques.
La Nouvelle Zélande a constitué le Groupe des 25% qui regroupe des compagnies adoptant comme quota volontaire un quart de femmes sur leurs conseils d’administration. Le NZX Diversity Listing Rule demande aux compagnies citées en Bourse de rapporter leurs progrès en matière de politiques de diversité.
Les femmes d’affaires qui font du lobbying ont les yeux rivés sur les appels d’offres publics. « Les gouvernements génèrent un nombre énorme d’affaires », indique Miriklis. « J’imagine que les femmes puissent y puiser ».
Bole Olabisi, directeur général et co-fondateur du Global Women Investors and Innovators Network (GWIN) réclame la présence «d’innovatrices et pas d’investisseuses » lors de la conférence des femmes dans l’entreprenariat, les infrastructures et le développement des énergies renouvelables qui aura lieu en Afrique du Sud en mai 2013.
Faisant remarquer que seules 8% des Européennes ont fait breveter leurs inventions, elle trouve qu’il faudrait injecter plus d’efforts dans la recherche et l’alimentation de talents créatifs et innovateurs des femmes.
(Colleen Lowe Morna est la directrice executive de Gender Links. Cet article fait partie de la couverture spéciale accordée par GL Á la CSW57)
Comment on CSW 57: Les femmes réclament une part de l’action économique