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New York, 16 mars: Partout dans le monde et surtout dans les pays où les us et coutumes pèsent encore de tout leur poids, les lesbiennes, gay, bisexuels et transsexuels (LGBT) sont ostracisés, quand ils ne sont pas violentés. Face Á ces traitements inhumains, les LGBT d’Afrique du Sud ont fini par développer une forme de résistance. Ils sont soutenus dans leur lutte par des organisations de la société civile, notamment par le Social, Health and Empowerment Feminist Collective of Transgender Women of Africa (S.H.E). Ce collectif a mené une étude Á leur sujet intitulée « Transilience: A research project against transgender woman in South Africa » dont les résultats ont été exposés par Leigh Ann Van Der Merwe, coordinatrice de S.H.E, le vendredi 13 mars, au cours d’une des sessions de la conférence CSW59 Á New York. Des résultats qui viennent briser quelques mythes.
«Transilience » est en fait la contraction entre transgenre et résilience. Si S.H.E a décidé de faire cette contraction, c’est parce que les LGBT comme les femmes dans plusieurs parties du monde d’ailleurs, subissent la violence mais comme les LGBT ont peu droit au chapitre et que la justice leur est souvent refusée, elles font de la résistance silencieuse.
S.H.E a choisi de présenter les résultats de cette étude sur les transsexuelles au cours de cette conférence mondiale sur la condition de la femme, c’est pour montrer Á quel point la dignité des transsexuelles est violée, pour dévoiler leurs réalités aux organisations comme le comité sur la Convention de toutes les formes de discrimination Á l’égard des femmes (CEFAF) et pour définir des stratégies leur permettant de combattre cette violence ciblée Á leur encontre et ainsi mieux effectuer des plaidoyers.
Dans le cadre de cette étude dont le rapport est actuellement finalisé, 52 transsexuelles provenant des régions d’East London, de Durban et de Cape Town, villes d’Afrique du Sud, ont répondu Á des questionnaires. Et 10 fournisseurs de service ont été interrogés. L’Afrique du Sud est un pays multiracial et parmi les interrogés, 38% sont des Noirs, 20% des métisses et 28% des Blancs. Au niveau de leur identité, 79% s’identifient comme transsexuelles, 8% comme des femmes et 13% disent que cela dépend des jours. Parfois, elles se sentent davantage femmes et Á d’autres moments, elles ont le sentiment d’être des transsexuelles.
Autant les biens pensants estiment que les LGTB sont limités intellectuellement et Á les cantonner dans des métiers insignifiants ou Á ne voir en eux que des travailleurs du sexe, autant les résultats de cette étude viennent démontrer que bon nombre de transsexuelles ont un bagage académique important. En effet, 30% des interrogées ont un diplôme universitaire alors que 26% et 22% respectivement ont complété leurs études secondaires et primaires. «Les gens ont tendance Á penser que les transsexuelles ne font que le trottoir ou exercent des petits métiers. Or, ces résultats montrent qu’ils sont dans l’erreur. Et parmi ceux qui ont abandonné l’école, plusieurs l’ont fait parce que les parents les avaient mis Á la porte et ce faisant, ils étaient incapables de continuer leur scolarité », a déclaré Leigh Ann Van Der Merwe.
Autre mythe est que les transsexuelles vivent seuls. Or, ce n’est pas le cas car 42% des interrogées vivent encore avec leurs parents et leurs frères et sÅ“urs tandis que 21% vivent avec leurs partenaires. Mais il y a une tendance qui se dessine et qui indique que les transsexuelles font de la colocation. C’est le cas pour 4% de l’échantillonnage.
La violence, les transsexuelles y sont habituées car 44% d’entre elles ont vécu la violence et ne l’ont pas rapportée aux autorités alors que 30% qui l’ont vécue l’ont fait. «Beaucoup de transsexuelles vivant en régions rurales préfèrent ne pas se tourner vers la police ou les autres autorités car il n’y a aucun sens de justice qui y prévaut. Et c’est peine perdue de se tourner vers une Cour traditionnelle car le chef de la tribu ne va pas baser son jugement sur la législation en vigueur mais sur les lois coutumières qui sont hétéro-patriarcales. Autant dire que même aujourd’hui, les transsexuelles n’ont aucun accès Á la justice », a fait ressortir la coordonnatrice de S.H.E qui ajoute que «en tant que leader d’une organisation non gouvernementale, j’ai appris Á ne pas attendre grand-chose des décideurs ».
Bien que l’Afrique du Sud offre des soins médicaux, y compris des hormones aux LGBT, les transsexuels préfèrent absorber des analgésiques en raison de la stigmatisation et de l’homophobie qui est pire si la transsexuelle est immigrée. Ainsi, 50% des interrogées absorbent des analgésiques alors que 46% prennent des hormones. Si 24% ont recours aux soins médicaux Á l’hôpital, 12% refusent de se faire soigner.
Leigh Ann Van Der Merwe, qui a déploré que les Nations Unies aient accordé peu de place aux droits des LGBT en raison d’un conservatisme d’un autre temps, explique qu’Á S.H.E qui est basé dans la province du Eastern Cape lÁ où le taux d’alphabétisation est bas, les animateurs du collectif encadrent les transsexuelles en faisant de l’écoute active, en leur faisant faire de la musique et des sketchs. S.H.E a aussi réadapté Á leur genre des chants de l’apartheid et chaque année, le collectif organise un concours de beauté Á leur intention. L’argent recueilli sert Á leur payer par exemple leur permis de conduire car l’objectif est qu’elles soient autonomes.
S.H.E et d’autres associations de LGBT d’Afrique du Sud finalisent actuellement une Charte régionale qui ne défend pas que les intérêts de ce groupe de personnes mais qui prend aussi position contre les enlèvements de jeunes filles en Afrique du Sud ou encore sur les droits sexuels et reproductifs dans ce pays de l’Afrique australe. «C’est une déclaration politique forte dans laquelle nous ne demandons que notre dÁ». Ce sera un document pratique et convivial destiné Á guider nos actions et notre travail ».
Marie-Annick Savripène est journaliste et Francophone Editor Á Gender Links. Cet article fait partie de la série spéciale CSW59 Á New York.
Comment on CSW 59 : La résistance des LGBT d’Afrique du Sud: obligation fait loi!