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New York, 13 mars: Il est possible d’obtenir l’égalité entre les sexes dans les médias et Á travers les médias. Pour cela, il faut agir Á l’interne comme Á l’externe. C’est ce qui est ressorti jeudi d’une des sessions de la CSW 59 intitulée “Les femmes et les médias: faire avancer un domaine de préoccupation critique, la section J de la déclaration et de la plateforme d’action de Beijing”.
Cette session qui avait pour modératrice la journaliste Annette Young de la chaîne française France 24, a réuni Eyglo Hardardotti, ministre des Affaires sociales, du Logement et de la coopération nordique de la République d’Islande, l’actrice américaine Geena Davis qui a fondé le Geena Davis Institute on Gender and Media, Sanye Gulser Corat, directrice de la division pour l’égalité du genre Á l’UNESCO, Phumzile Mlambo-Ngcuka, la directrice d’ONU Femmes, Matt Winkler, rédacteur en chef de Bloomberg et Colleen Lowe Morna, directrice exécutive de Gender Links et présidente de la Global Alliance on Media and Gender (voir le compte-rendu de son intervention sur le Gender Links News Service).
Irina Bokova, la directrice de l’UNESCO, s’est fait excuser et a délégué pour la remplacer Sanye Gulser Corat. Celle-ci a fait lecture du discours préparé par Irina Bokova qui estime qu’il est possible de faire avancer sur l’agenda officiel la question du genre et des médias Á travers la construction de synergies et de partenariats. Bien que de nombreuses femmes aient fait leur chemin dans les médias, le déséquilibre du genre persiste car seulement un tiers des femmes sont journalistes et seulement un quart d’entre elles sont dans les instances de décision des entreprises de presse. «Il faut redresser ce déséquilibre. C’est une question de dignité humaine, d’inclusion, de voix différentes, de dynamisme. Pour cela, il est essentiel que nous fassions preuve de solidarité. A l’UNESCO, nous croyons qu’il faut développer Á tous les niveaux des stratégies sensibles au genre et des stratégies transformatrices. Tout comme il est important de faire de la sensibilisation publique pour permettre aux femmes et aux hommes d’exiger un contenu médiatique sensible au genre, sans oublier la recherche et le monitorage »
Passant en revue sans les citer les rapports post Beijing envoyés par 168 pays, Phumzile Mlambo-Ngcuka, directrice d’ONU Femmes a déclaré que durant les 20 dernières années, il y a eu des domaines de progrès en matière d’égalité entre les sexes. Des législations ont été votées et promulguées «mais leur application a été pauvre et sans réelle volonté d’action ». Après la conférence de Beijing en 1995, la plupart des pays ont mis sur pied des mécanismes du genre. «Mais lÁ encore, les ressources mises en place n’étaient pas les bonnes ». Ce qui a été réalisé avec succès, c’est la réduction de la pauvreté. «Nous avons aussi été capables d’offrir de meilleurs services aux femmes et d’avoir une approche plus ciblée ».
La difficulté vient du fait qu’il y a un affrontement entre les lois coutumières et les lois modernes, pas uniquement dans les pays en développement mais aussi dans des pays aussi développés que les Etats Unis où par exemple, les directrices générales sont moins bien rétribuées que leurs homologues hommes. Le rôle des médias, estime-t-elle, est d’arriver Á mettre toutes ces questions Á leur agenda. «Ce n’est pas facile. Il faut traiter simultanément le qualitatif et le quantitatif car autrement le changement sera insuffisant. Je prédis qu’il sera possible de démanteler le patriarcat d’ici les prochaines 15 années ».
Eyglo Hardardotti, ministre des Affaires sociales, du Logement et de la coopération nordique de la République d’Islande, a expliqué le fonctionnement de la Nordic Cooperation en disant que l’accent a été mis sur l’égalité du genre dans la sphère publique et cela a permis aux médias de voir les choses autrement. A un moment en Islande, moins de 40% des producteurs d’émissions étaient des femmes, situation que la ministre a trouvée inacceptable. Elle a fait état de changements en profondeurs Á la station de radiodiffusion nationale islandaise, la RUV, avec la nomination d’un homme qui a insisté pour avoir un nombre équitable d’hommes et de femmes dans ses rangs. «Il est possible de renverser des situations en parlant et en agissant. Il faut montrer que l’avenir se situe avec la parité ».
L’actrice Geena Davis, qui a mis sur pied sa fondation éponyme, destinée au genre et aux médias, a effectué une recherche sur la place occupée par les femmes dans les émissions de divertissement pour enfants et les dessins animés. «Dix territoires ont été sondés. Lorsque j’ai vu les résultats, j’ai été profondément troublée car en sus d’avoir très peu de personnages féminins dans ces productions, soit 17% seulement, il y a une représentation surtout sexuelle d’elles et des stéréotypes. Le message envoyé aux enfants est que la femme est une citoyenne de deuxième zone ». En se basant sur les films étudiés, l’actrice a dit qu’un changement s’opèrerait dans 70 ans mais qu’elle préfère penser Á sept ans plutôt car autant dans les entreprises de presse, les changements ne se produisent pas en un jour, autant dans l’univers du divertissement, ils peuvent intervenir du jour au lendemain. «Je veux changer ce que voient les enfants en premier. C’est aux parents de poser des questions et de déconstruire ce qui est diffusé. Une bonne partie de notre travail consiste Á sensibiliser mais nous devons être créatifs. Le fait de montrer plus de personnages féminins peut aussi être bénéfique commercialement ».
Le rédacteur en chef de Bloomberg, Matt Winkler, a expliqué que bien que Michaël Bloomberg, le fondateur de cette entreprise de presse financière, a grandi avec sa mère devenue veuve très tôt et qu’il était sensible au genre, sa prise de conscience d’un effectif essentiellement masculin n’a pas résulté que de son ADN. Le fondateur et son équipe ont réalisé il y a cinq ans que le personnel féminin était pratiquement absent de la boîte. «A partir de lÁ , nous avons pris la décision de redresser ce déséquilibre en présentant la chose sous l’angle de l’impératif économique et du business. C’était clair que pour nous, si nous voulions rester compétitifs, il nous fallait sérieusement effectuer un rééquilibrage du genre. Nous avons donc mis en place des politiques de recrutement, des règlements, des objectifs dont celui de recruter plus de femmes dans nos rédactions ». Aujourd’hui, la plupart des Senior Executives chez Bloomberg sont des femmes qui sont coachés par des mentors qui leur sont dédiés et la plupart de nos leaders d’équipe sont aussi des femmes ». Le contenu médiatique aussi a subi des transformations avec des articles sur les femmes qui ont réussi dans le monde des affaires. «En présentant ces changements comme des décisions commerciales, la mesure a été acceptée par les femmes comme par les hommes ».
Marie-Annick Savripène est journaliste et Francophone Editor Á Gender Links. Cet article fait partie de la série spéciale sur la CSW59 qui se déroule actuellement Á New York.
Comment on CSW 59: Pour atteindre l’égalité dans les médias, il faut agir Á l’interne et Á l’externe