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New York, 15 mars: La Chine et l’Inde ont été mises Á l’index vendredi par rapport Á leur politique de sélection des naissances surtout lorsqu’il s’agit de bébés filles lors d’une session de la 58e conférence de la Commission sur la condition de la femme des Nations Unies. Session intitulée «La violence Á l’égard des femmes enceintes », organisée par le Endeavour Forum Incorporate, organisation non-gouvernementale ayant un statut consultatif particulier auprès de l’ECOSOC. Pour ses organisateurs, on ne parle pas lÁ du choix de la femme Á se faire avorter ou pas mais d’une «extermination systématique et méthodique du genre, orchestrée par des Etats. »
Reggie Littlejohn, avocate spécialisée dans le règlement de contentieux, a fondé la Women’s Rights Without Frontiers lorsqu’elle a pris conscience des méfaits de la politique d’un enfant unique imposée par le gouvernement chinois Á ses ressortissants. « Les femmes enceintes qui n’ont pas d’autorisation de naissance sont enlevées de leur domicile et emmenées de force dans un centre où elles sont placées en détention, ligotées et lÁ , qu’elles soient enceintes de sept ou de neuf mois, on les avorte et elles n’ont pas voix au chapitre ».
A ses yeux, il s’agit de violences Á l’égard des femmes qui sont sous-rapportées. « La Chine appelle ça la politique d’un enfant unique mais moi j’appelle ça faire une guerre contre les femmes et les filles. » Depuis sept ans, Reggie Littlejohn n’a de cesse d’en appeler aux autorités de son pays et des pays européens. « A l’époque, personne n’en parlait. Aujourd’hui, le gouvernement chinois ne peut plus cacher qu’il pratique un génocide ». Elle s’est tellement démenée que les Nations Unies ont émis des recommandations condamnant les procédures médicales forcées. Elle trouve inconcevable que ce même pays qui pratique un tel génocide envers ses bébés filles ait été élu pour siéger sur le Conseil des droits humains des Nations Unies. Elle a aussi rappelé que le Parlement européen a condamné cette politique de sélection de naissances, d’autant plus qu’il finance des campagnes de planning familial en Chine.
De temps Á autre, les autorités chinoises disent Á mots couverts qu’elles abandonnent leur politique d’un enfant unique. Reggie Littlejohn estime qu’il ne faut pas s’y fier. « Avec cette sélection abortive, il y a 37 millions de plus de Chinois que de Chinoises. Les autorités sont conscientes qu’elles se dirigent vers une catastrophe et tous les deux ans, elles font des effets d’annonce dans le sens de l’abandon de la politique d’un enfant unique. Mais ces déclarations ne sont jamais suivies de communiqués officiels pour le confirmer. »
En janvier 2014, les autorités chinoises ont laissé entendre que dorénavant, tout couple a droit Á deux enfants. Reggie Littlejohn a expliqué que cette mesure ne concerne que cinq millions de couples possédant déjÁ une autorisation de naissance. Les Nations Unies estiment qu’il y a 200 millions de filles qui manquent dans le monde. « Ces bébés filles ont été systématiquement et méthodiquement exterminées sur la base de leur sexe ».
La Women’s Rights Without Frontiers est Á l’Å“uvre en sous-main en Chine pour soutenir financièrement les mères de famille enceintes de filles afin qu’elles ne subissent pas la pression des autorités et se fassent avorter. « Tous les mois, nous envoyons de l’argent Á ces familles afin qu’elles puissent élever leurs filles. Nous tentons littéralement de sauver ces bébés filles ».
L’Inde aussi pratique aussi une politique de sélection de naissances basée sur le genre mais pas pour les mêmes raisons que la Chine. En Inde, qui est une démocratie, ce sont contre des mentalités étriquées que ceux contre la violence envers les femmes enceintes tentent de lutter. C’est le cas de la journaliste Vinita Shaw qui vit Á Delhi, capitale de l’Inde. Ce pays a trois défis majeurs Á relever: l’extrême pauvreté, la surpopulation qui fait que d’ici 2030, sa population risque d’être supérieure Á celle de la Chine et l’infanticide féminin. Ce ne sont pas les autorités qui pressurisent les femmes enceintes de filles Á se faire avorter mais les belles-mères et les maris de ces femmes car selon la croyance populaire, les filles sont un mauvais présage. Pour leurs parents, elles constituent un poids lourd. « Ces croyances dépassées sont souvent alimentées par certaines institutions religieuses qui attisent la haine contre les bébés filles ».
Du personnel paramédical sillonne les rues des villes et des villages avec des appareils Á ultra-sons pouvant déterminer le sexe de l’enfant Á naître et les bébés de sexe féminin sont tués. Vinita Shaw qui a fondé la Disha Foundation, qui signifie direction, a fait ressortir les paradoxes dans son pays natal. « VoilÁ un pays qui vénère les vaches et qui refusent de les tuer mais qui peut tuer des bébés filles. La religion hindoue est remplie de divinités féminines mais les bébés filles sont considérées comme porteuses de malchance ». L’écart entre le nombre de filles et de garçons a commencé Á se creuser, si bien que le Premier ministre indien en a parlé comme d’une honte nationale.
Les femmes Á qui ces avortements sont imposés deviennent dépressives, si bien qu’il y a 20% de plus de femmes en Inde que dans le monde qui commettent une tentative de suicide. Les lois ont certes été amendées et le gouvernement indien oblige les policiers Á loger une plainte en premier instance Á chaque fois qu’un crime est commis contre une fille. «Mais les lois ne sont pas toujours appliquées ». Depuis la création de la Disha Foundation, Vinita Shaw utilise la radio pour faire changer les mentalités et encourager les filles Á s’éduquer. Jusqu’ici, elle a pu toucher 18 millions d’Indiens. Ses projets sont d’ouvrir bientôt un centre d’appels pour les femmes en détresse qui seront par la suite redirigées vers les services appropriés et d’opérer une maison sanctuaire pour les filles qui sont maltraitées par leurs familles.
C’est avec beaucoup d’émotion qu’une Américaine a raconté comment lorsqu’elle avait 18 ans, son petit ami l’a obligée Á se faire avorter et comment elle en a gardé de douloureuses séquelles. Millie Lace, counsellor et fondatrice de la Helpline for Abortion Recovery, a évoqué les traumatismes vécus par les femmes qui se font avorter, que ce soit de leur propre gré ou sur insistance de leurs proches. Elle a affirmé que les femmes qui subissent un avortement forcé ou pas en souffrent car selon l’American Academy of Psychiatrics, le fÅ“tus envoie des cellules Á sa mère par le biais du placenta et que cela crée des liens Á vie. Elle a toutefois précisé que quelque soit la prise de position qu’une femme peut avoir dans le débat sur l’avortement, il est possible de guérir celles et ceux qui en sortent traumatisés par le biais de rituels qu’elle pratique lors de week-ends particuliers. Cette intervention a été critiquée par quelques femmes présentes dans l’assistance qui ont trouvé qu’il ne fallait pas mélanger l’avortement forcé sur les bébés filles tel que pratiqué en Inde et en Chine avec les avortements volontaires. C’est sur cette note douce-amère que cette session a pris fin.
Marie-Annick Savripène est la rédactrice du service francophone de Gender Links (GL). Cet article fait partie de la couverture médiatique spéciale de la 58e conférence de la Commission sur la condition de la femme des Nations Unies, assurée par le service d’information de GL, qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
📝Read the emotional article by @nokwe_mnomiya, with a personal plea: 🇿🇦Breaking the cycle of violence!https://t.co/6kPcu2Whwm pic.twitter.com/d60tsBqJwx
— Gender Links (@GenderLinks) December 17, 2024
Comment on CSW58 : L’avortement forcé: une violence sous-rapportée Á l’égard des femmes