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Abidjan, 24 juillet: En Côte d’Ivoire, on note de plus en plus la présence des Ivoiriennes Á tous les niveaux de la chaine du livre, tant au niveau de l’écriture, de la librairie que de l’édition. La littérature féminine ivoirienne se porte bien. L’engagement des femmes pour le livre dans ce pays de l’Afrique de l’Ouest s’est fait non sans difficultés dans un secteur longtemps sous l’emprise des hommes.
La littérature ivoirienne de langue française est née officiellement en 1933, en pleine période de la colonisation, selon Henri N’Koumo, directeur du livre et de la lecture au ministère de la Culture et de la Francophonie. C’est une littérature qui a été longtemps porté Á bout de bras par les hommes. « Contrairement aux hommes, les femmes n’ont pas été scolarisées tôt. Et il y a eu beaucoup de frictions, d’empêchements avant que les femmes n’émergent dans ce secteur d’activité », explique Régina Yaou, écrivaine ivoirienne.
La scolarisation massive des garçons au détriment de celle des filles explique la forte présence des hommes dans la littérature. En effet, la plupart de ces hommes ont eu l’occasion de fréquenter de grandes écoles comme William Ponty de Dakar au Sénégal, plaque tournante des lettres au milieu du 20ème siècle. Sortis de cette prestigieuse école, les élites ivoiriennes s’adonnent Á l’écriture. La plume Á la main, plusieurs écrivains dénoncent Á travers leurs Å“uvres les tares de la colonisation. Cette forme de littérature connait donc un essor considérable en Côte d’Ivoire.
Au nombre des pionniers, on peut mentionner Aké Loba, Pierre Duprey de la Ruffinière ou Zégoua Gbessi Nokan et Bernard Dadié, ce dernier étant sans conteste la figure de proue de la littérature ivoirienne. Celui qui est considéré comme un des meilleurs écrivains de sa génération, toutes nationalités confondues, écrit la première pièce de théâtre ivoirienne Assémiwen Déhylé en 1936, un des premiers romans Climbié et plusieurs autres Å“uvres Á succès. Puis suivront d’autres générations d’écrivains qui donnent Á la littérature ivoirienne ses lettres de noblesse. Ce sont entre autres Ahmadou Kourouma, Jean-Marie Adiaffi, IsaÁ¯e Biton Koulibaly, Tidiane Dem, Amadou Koné, Grobli Zirignon, Paul Yao Akoto, Jérôme Carlos, Maurice Bandaman, l’actuel ministre de la Culture et de la Francophonie.
Il a fallu attendre 1976, soit 43 ans après, pour voir la première Å“uvre littéraire féminine. C’est Simone Kaya qui a ainsi ouvert les premières pages de l’histoire de la littérature féminine avec son roman autobiographique, Les Danseuses d’Impé-eya, jeunes filles Á Abidjan.
Force est de constater que l’arrivée des femmes telles que Simone Kaya sur la scène littéraire, suit de peu la publication, en 1975, de l’ouvrage historique d’Henriette Diabaté relatant La Marche des Femmes sur Grand Bassam. Un récit qui retrace la bravoure des femmes marchant sur Grand Bassam, première capitale de Côte d’Ivoire, pour réclamer la libération des hommes incarcérés dans les geôles des colons.
Dès lors, commence la belle aventure des écrivaines dans un domaine jusque-lÁ la chasse gardée des hommes. Une profusion d’Å“uvres littéraires portant l’empreinte de femmes sont Á la portée des lecteurs et lectrices. En 1977, la nouvelle La Citadine de Regina Yaou est primée par les Nouvelles Editions Africaines (NEA).
Les premiers livres pour les enfants de Jeanne de Cavally sortent peu après. Dans le courant des années 1980, l’on assiste Á une entrée massive des femmes en littérature. Anne-Marie Adiaffi, Véronique Tadjo, Flore Hazoumé, Gina Dick, Micheline Coulibaly, Assamala Amoi, Goley Niantié Lou, Ida Zirignon, sans oublier les auteurs de livres pour enfants Fatou KeÁ¯ta, Annick Assemian, Muriel Diallo qui figurent au nombre des écrivaines ayant émergé au cours de ces vingt dernières années. Peut-on peut dire pour autant que la femme a réussi Á s’imposer au niveau de la littérature ivoirienne?
«Oui! Il y a eu beaucoup de frictions, de frustrations avant que les femmes n’émergent dans la littérature. Citons l’exemple de la première femme qui a écrit dans le pays, Simone Kaya. Elle n’a pu s’exprimer Á cause des nombreuses difficultés qu’elle a rencontrées. Fatou Boli, la seconde, a essuyé les mêmes frustrations. La critique a été méchante et mesquine envers son Å“uvre. Malgré cela, les femmes sont rentrées en force dans le domaine de la littérature. Et je crois qu’elles sont Á leur place », indique Régina Yaou, écrivaine ivoirienne depuis près de quarante ans, a Á son actif au moins 25 livres édités, sans compter les manuscrits et son prix d’excellence de littérature ivoirienne en 2014.
L’idée du combat acharné des femmes pour s’imposer dans cette littérature est également relevée par Isabelle Kassi Fofana, une éditrice dans le milieu du livre depuis 20 ans. « J’ai eu la chance d’échanger avec Simone Kaya, une des pionnières. Et elle m’a dit que ça pas été facile Á l’époque quand elle a décidé de se mettre Á l’écriture. C’était un univers fermé aux femmes. On trouvait que les femmes, comme toujours, devaient faire d’autres choses comme s’occuper de leur foyer. C’était comme une chasse gardée pour les hommes avertis, lettrés ou cultivés. Elle m’a même fait une confidence Á l’effet que lors d’une émission, des auteurs hommes, bien connus Á l’époque, lui ont dit carrément qu’elle n’écrivait pas en français. Ils lui ont demandé pourquoi elle s’essayait Á la littérature. Elle en a été profondément choquée », confie la directrice de Frat-Mat édition, qui n’a pas manqué de dire que cela relève de stéréotypes du genre.
Mais les frontières ont heureusement bougé avec le temps eu égard aux productions littéraires des écrivaines.
«Cette littérature féminine ivoirienne a considérablement évolué. Je pense qu’il y a un boom. Les femmes ont pris conscience de leur rôle », dit Isabelle Kassi Fofana. Pour cette éditrice qui côtoie les auteurs depuis longtemps, les femmes ont pris toute leur place dans le monde de l’édition et du livre dans notre pays. « Les tabous sont tombés. Les femmes s’essaient Á l’écriture. Elles n’ont pas de complexes et cela fait plaisir aux éditeurs et éditrices que nous sommes de voir que finalement les femmes boostent un peu le secteur de l’édition et du livre en Côte d’Ivoire. En fait, elles portent l’édition sur leurs épaules. Je peux dire sans risque de me tromper que les femmes occupent une place de choix dans le milieu de la littérature de notre pays aujourd’hui », ajoute-t-elle.
Le président de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire (AECI), Josué Guébo, ne dit pas le contraire. Il soutient pour sa part que les femmes sont “très engagées” dans la vie du livre et que leur “militantisme” est aussi perceptible. « Nous sommes très heureux que ce soit les femmes qui sont célébrées », se réjouit le président de l’AECI qui s’exprime cinq mois après la 2e édition de la Fête du Livre placée sous le thème “La femme au cÅ“ur du livre: de l’engagement des femmes pour le livre en Côte d’Ivoire” qui a eu lieu Á Abidjan.
On le voit, la littérature ivoirienne ne s’étiole pas dans le champ masculin. Les femmes sont présentes Á tous les niveaux de la chaine du livre. Comme quoi, la littérature féminine ivoirienne se porte bien !
Augustin Tapé est journaliste radio et web, spécialisé en genre et coordonnateur du site d’information www.newsivoire.com. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
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— Gender Links (@GenderLinks) December 17, 2024
3 thoughts on “Côte d’Ivoire Les femmes affichent leur présence Á tous les niveaux de la chaine du livre”
Très bon article. Est il possible de connaître le nombre de femmes dans la littérature ivoirienne ?
très belle analyse de la situation de la femme dans le monde littéraire national en société africaine. la place de la femme étant gérontocratique et prédéfinit, je trouve excellent que la femme ivoirienne se batte pour garder cette place qu’elle s’est jusqu’ici construite.