Cyber violence Á  Maurice : du simple clic au suicide

Cyber violence Á  Maurice : du simple clic au suicide


Date: December 3, 2013
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Maurice, 4 décembre: La cyber violence ou le cyber harcèlement reste largement ignoré Á  Maurice. Pourtant le phénomène gagne du terrain chez nous comme dans le monde. Si les jeunes de 12 Á  18 ans sont les plus exposés et par conséquent les plus Á  risque, les adultes ne sont pas pour autant épargnés contre ce mal qu’on surnomme aussi le fléau 2.0.

Sur les réseaux sociaux comme Facebook, les prédateurs sexuels sont nombreux Á  chercher une proie facile dans le but de lui nuire intentionnellement. Insultes, menaces, diffamation, usurpation d’identité, création de faux profils… Tous les moyens sont bons pour ces délinquants sexuels quand il s’agit d’abuser d’autrui. Un simple clic, l’acceptation d’une demande d’ami, quelques échanges de textos pour mieux se connaitre avant de se montrer via la caméra reste dans bien des cas, le passage obligé pour bon nombre de jeunes qui cherchent Á  se faire de nouveaux amis. Toutefois, ils sont loin de penser aux conséquences que cela peut provoquer par la suite. En se prêtant au jeu, histoire de faire confiance en se disant que le pire n’arrive qu’aux autres, certaines jeunes filles dévoilent certaines parties de leur anatomie, comme un sein par exemple avant d’exécuter quelques pas de danse amateur, censé représenter un léger strip-tease. Elles ne se doutent pas une seule seconde que c’est justement lÁ  que le danger réside.

Et pour cause : leurs gestes sont enregistrés par ces visionneurs pervers, qui après avoir réussi leur coup, vont harceler leur victime et lui faire du chantage. Et c’est souvent en monnayant pour l’obtention de sommes plutôt insignifiantes afin que la vidéo ne se retrouve pas sur la toile que débute le calvaire de nombreuses adolescentes. Le montant augmente Á  chaque demande, faisant ainsi monter la pression. Ces cas de cyber violence font rarement l’objet de poursuites car les jeunes filles n’osent pas dénoncer leur harceleur, craignant la réaction de leurs parents.

Récemment, une Britannique de 15 ans s’est pendue en aoÁ»t dernier. Harcelé sur un réseau social, elle n’a trouvé d’autre solution que de mettre un terme Á  sa vie. En avril dernier, c’était une Française de 17 ans qui mettait fin Á  ses jours après avoir été violée par un groupe d’individus Á  la sortie d’une fête et que l’un de ses agresseurs avait eu la grotesque idée de prendre des photos d’elle avant de les poster sur un réseau social. Photos qui ont fini par faire le tour de son établissement scolaire. Jugée, critiquée Á  tort et abandonnée, elle a essuyé plusieurs commentaires sexuels et même des propositions de rapports sexuels des plusieurs garçons. Lassés d’être ainsi harcelés moralement, ses parents ont été obligés de s’installer dans une autre région et la jeune fille a changé d’école.

Mais ce n’est pas pour autant que son calvaire a pris fin. Au contraire. Son lourd passé s’est répandu sur la toile en un clic. Dans son nouvel établissement scolaire, elle a continué Á  essuyer les moqueries. La pression était telle qu’elle s’est tuée. Ici Á  Maurice, une femme d’une vingtaine d’années a tenté de se suicider en octobre. Elle faisait l’objet d’un odieux chantage sur Internet par nul autre que son petit ami.

En possession des photos compromettantes d’elle au moment de leur idylle, l’ami n’a pas supporté que la jeune femme le quitte. Blessé dans son amour propre, il n’a trouvé d’autre moyen de lui faire mal que de la harceler. Il a exigé qu’elle lui remette Rs 75 000, soit l’équivalent d’environ 15 000 rands pour qu’il ne rende pas publics les photos d’elle prises en toute intimité. C’était Á  ce prix que la pauvre fille conserverait son image et sa réputation. Toutefois, étant incapable de réunir une telle somme et pour échapper Á  la honte, elle s’est immolée.

Grièvement brulée, elle a été admise Á  l’unité des grands brulés d’un hôpital public. Arrêté par la police, le présumé harceleur a été maintenu en cellule policière. D’ailleurs selon les autorités policières, il n’en serait pas Á  son premier coup.

Si la toile reste un outil incontournable des temps modernes, elle est aussi un terrain Á  risque. Pour combattre de mal Á  Maurice, le Computer Emergency Response Team comptabilise toutes les dérives de harcèlement virtuel dans l’île. Alors que la Cyber Crime Unit enquête sur les nombreux cas de délits qui se produisent via Internet. Rien qu’en 2012, cette unité de la police a recensé 87 délits sur Internet. Et comme le demande le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement, le pays a même légiféré pour punir ce type de délits.

En effet, l’article 47 de l’Information and Communication Technology Act stipule qu’une personne trouvée coupable par la Cour de harcèlement via l’Internet pourrait se voir infliger une amende ne dépassant pas Rs 1 million (environ 300 000 rands) et un emprisonnement ne dépassant pas cinq ans. Mais c’est sous l’article 46 (h) de l’ICTA que cet homme de 23 ans a été arrêté. Dans son cas et selon l’acte d’accusation, il a commis deux délits, Á  savoir l’extorsion et le harcèlement. Il appartiendra Á  la Cour de statuer sur ses peines. Qu’une loi existe pour sévir contre la cybercriminalité est une bonne chose mais elle ne sera qu’esthétique si les victimes ne portent pas plainte.

Pour éviter tout risque de harcèlement et de cyber violence, la psychologue Véronique Wan Hok Chee préconise quelques mesures. « Les parents doivent garder en tête que leurs enfants peuvent faire l’objet de chantage, quand ils ne sont pas des maitres-chanteurs eux-mêmes. Donc, pour éviter ce genre de problème, il est conseillé aux parents d’installer l’ordinateur, même s’il s’agit d’un laptop dans un lieu ouvert Á  la maison. Par exemple, dans un petit coin du salon pour que la maman ou le papa puisse de temps en temps jeter un petit coup d’Å“il sur l’écran. Ou demander au surfeur ce qu’il recherche ou ce qu’il fait, tout en étant poli, sans lui donner pour autant l’impression d’être surveillé », avance la psychologue.

Pour les adultes, la vigilance doit rester le maitre-mot. « Même si vous êtes amoureuse Á  en perdre la tête, n’acceptez jamais d’être prise en photo en petite tenue ou nue voire par votre actuel fiancé ou petit copain. Car on n’est jamais trop prudent par les temps qui courent. Osez dire non. Ainsi, si votre couple devait battre de l’aile, vous n’auriez aucun souci Á  vous faire quant Á  un éventuel chantage sexuel sur Internet. L’amour ne doit jamais être plus fort que la raison concernant cet aspect des choses. »

Renforcer les lois concernant la cyber violence ne constitue pas l’unique solution pour venir Á  bout du fléau 2.0. Responsabiliser les jeunes et les adultes quant Á  l’utilisation de l’Internet et au respect de leur corps reste primordial dans la lutte contre ce nouveau phénomène. Et la police doit de son côté demeurer l’outil incontournable pour prouver aux prédateurs sexuels qu’ils ne sont pas Á  l’abri derrière leur écran. Ils doivent savoir que nul n’est au-dessus des lois. Et que comme tous les autres délinquants, eux aussi peuvent être traqués et mis en prison.

Laura Samoisy est journaliste Á  Maurice. Cet article de Gender Links fait partie de la campagne des 16 jours contre la violence envers le genre.

 

 


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