Des jumeaux rejetés dans une communauté du sud est de Madagascar


Date: November 8, 2011
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Si la naissance de jumeaux est toujours accueillie avec allégresse dans la plupart des ménages, il n’en est pas de même dans la communauté Antambahoaka. Cette ethnie regroupée dans sept villages (Ambohitsara, Mahela, Antanandava, Tsaravary, Manakana, Ankatafana et Ambalaromba) de la commune de Mananjary, située dans la partie sud est de Madagascar, rejette la naissance de jumeaux suite Á  des interdits ancestraux. Ce qui va Á  l’encontre de la Convention sur les Droits de l’Enfant.
Jadis, le tabou de la gémellité était lié Á  un attachement aux coutumes et au respect des ancêtres. Les Antambahoaka pensent que les jumeaux sont des êtres maléfiques qui portent malheur aux parents qui les gardent. Ainsi, ils ne sont pas admis comme membres de la
communauté et sont exclus des cérémonies rituelles du clan antambahoaka. Cette pratique d’ostracisme avait commencé Á  tomber en désuétude.

Mais aujourd’hui, l’insuffisance des ressources au sein des ménages augmente la vulnérabilité des jumeaux. Selon Gracy Fernandez et Nelly Rasoanaivo, deux chercheurs qui se sont penchés sur les cas des jumeaux de Mananjary, de plus en plus de parents abandonnent leurs jumeaux Á  la naissance parce qu’ils ne peuvent pas subvenir Á  leurs besoins.
Les mères s’en débarrassent en refusant de les allaiter et de les couvrir. S’ils sont nés en ville, ils ont un peu plus de chance car ils sont aussitôt placés dans des centres d’accueil. Mais s’ils sont nés dans la brousse, ils sont laissés au pied d’un arbre ou au bord de la route. Autant dire qu’on les condamne Á  une mort certaine.
Pratique que beaucoup de gens trouvent atroces et dénoncent. «Je me demande comment les gens peuvent abandonner ainsi leurs enfants qui sont des dons de Dieu. Enfanter un bébé est déjÁ  une grâce de Dieu, en recevoir deux est un bonheur », souligne Norohaingo Rakotoseheno, mère de Mariaka et Sarah, jumelles de quatre ans aujourd’hui.

Depuis 2007, d’énormes progrès ont été faits par le ministère de la Justice malgache, ainsi que par le Centre d’Analyses et de Perspectives pour le Développement de Madagascar (CAPDAM) pour lutter contre ce phénomène. «Cela a été un premier pas pour briser le silence et parler ouvertement du tabou sur les jumeaux. A cette époque, nous avons favorisé le dialogue avec les chefs coutumiers Antambahoaka, les autorités administratives, les parents des jumeaux et les jumeaux eux-mêmes, » souligne Gracy Fernandez, ancien chercheur au sein du CAPDAM.
Depuis cette époque, le sort des jumeaux dans la communauté Antambahoaka est pointé du doigt par la communauté internationale car de plus en plus de gens osent en parler, notamment les médias malgaches. Cette pratique est considérée comme une violation flagrante de l’article 6 de la Convention sur les Droits de l’Enfant que Madagascar a ratifiée. L’État malgache aussi a démontré son engagement dans la protection des jumeaux en adoptant en parallèle une loi sur la protection de l’enfance.
Récemment, un ouvrage intitulé «Les jumeaux de Mananjary, entre protection et abandon », fait état d’une avancée dans la protection des jumeaux de Mananjary. Coproduit par l’Unicef Madagascar et le CAPDAM, cet ouvrage a pour objectif d’être un plan d’action pour la levée progressive de l’interdit sur les jumeaux de Mananjary, tout en proposant des actions pour valoriser la culture des Antambahoaka.
Ce livre décrit les étapes du combat mené depuis pour que les jumeaux aient une vie plus digne et ne soient pas arbitrairement rejetés dès leur naissance. La lutte doit continuer car la pauvreté est venue s’en mêler. «La pauvreté devient maintenant la source de l’abandon des jumeaux. L’interdiction d’élever des jumeaux n’est plus qu’un prétexte pour certains parents de justifier leur acte discriminatoire Á  l’égard de ces enfants », affirme pour sa part Ignace Rakoto, co-auteur de cet ouvrage.
Une des actions Á  appliquer rapidement doit être de consulter les futurs couples Á  Mananjary afin de les encourager Á  garder leurs enfants, même s’il s’agit de jumeaux. La prise de conscience des différents acteurs de la société quant Á  la protection de l’enfance doit aussi être envisagée.

Fanja Razafimahatratra est journaliste freelance. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

 


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