Dégradation persistante des conditions féminines en RDC


Date: July 17, 2010
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Et pourtant, l’apport de la femme Á  la survie du foyer s’avère de plus en plus déterminant dans la société congolaise d’aujourd’hui, souligne Florence Mbwiti, coordonnatrice de l’organisation non-gouvernementale «Espace Femme », dans un article intitulé «Plaidoyer et lobbying Á  la rescousse de l’entreprenariat féminin ».

Dans sa réflexion, Florence Mbwiti note que « la femme qui, hier, jouait un rôle de second rang et limité Á  la procréation, est aujourd’hui contrainte Á  changer de rôle, compte tenu du co)ntexte actuel marqué par la crise multiforme qui sévit en République Démocratique du Congo (RDC: guerres, pillages, chômage, retard dans le paiement des salaires, etc. »

Florence Mbwiti met en relief le fait que cette lutte que mènent les femmes pour subvenir aux besoins du ménage prouve qu’elles sont des agents efficaces du développement, au même titre que l’homme, malgré que ces activités fassent par moment l’objet de mauvaises interprétations entraînant des conséquences malheureuses comme le divorce, la méconduite et la propagation du VIH/SIDA.

Ainsi, on observe un tableau sombre des conditions de vie de la Congolaise, conséquence de toutes les formes de discriminations, des charges et des responsabilités et du traitement dont elle est victime. Ce tableau est caractérisé par la morbidité, le surmenage, le manque de temps Á  la fois pour prendre soin d’elle et avoir des loisirs, se cultiver, manger convenablement, de se faire soigner et même de s’informer.

Dans ces conditions, les jeunes filles sont constamment soucieuses, ont des rapports tendus tensions avec leurs parents, tombent enceintes alors qu’elles ne le désirent pas, arrêtent précocement leurs études, s’adonnent Á  la prostitution qui leur transmet des maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH/SIDA, se font avortements et trouvent parfois la mort.

Selon le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP), le nombre de décès des femmes en RDC est de 870 pour 100 000 naissances et l’espérance de vie pour la Congolaise est de 53,4 ans. Cette situation se serait aggravée par les guerres récurrentes qu’a connues le pays ces 15 dernières années.

«A ce tableau macabre », indique le chercheur belge, Pierre-Théodore
Verhaegen, s’ajoute «la femme-marchandise, les abus, les viols et violences sur les femmes, le renoncement du mariage par des filles traumatisées et le recours au fétichisme en vue d’obtenir la paix dans le ménage. »

L’analyse de données issues de l’enquête menée par l’ancienne secrétaire générale du ministère congolais de la Condition féminine et Famille (CONDIFA),
Feu Bernadette Bolie en 1996, démontre que sur le plan social, «la femme congolaise est
victime des charges excessives au risque de perdre sa santé et sa vie, surtout en milieu rural où elle doit assurer tout, dans une division de travail injuste, avec comme conséquence un état chronique d’épuisement ».

Dans le milieu professionnel, le harcèlement sexuel est pratiqué sournoisement en mais sur une plus grande échelle qu’il n’y paraît. Ce phénomène crument appelé «droit de cuissage » se pratique généralement avec des jeunes femmes «qui cherchent Á  se faire embaucher et avec celles qui veulent monter en grade », affirme Béatrice Tshaku, fonctionnaire au ministère de l’Energie Á  Kinshasa.

En plus du l’harcèlement sexuel, Ambroisine Mayoko, agent Á  la Direction des Douanes
Congolaises, a noté d’autres difficultés les femmes travaillant dans l’administration publique, notamment : la garde des enfants, la surcharge de travail, la fatigue nerveuse et la difficulté de concilier le travail professionnel et les tâches domestiques ».

Sur le plan juridique et coutumier, plusieurs facteurs contribuent également Á  la dégradation des conditions de vie de la femme. Verhaegen cite le mariage des filles mineures
(14 ans), la limitation des femmes dans leurs actions du fait qu’elles doivent au préalable demander l’autorisation Á  leur mari, des femmes en butte aux difficultés successorales lors du décès de leurs conjoints, des femmes victimes de la spoliation de leurs biens, des femmes souffrant du complexe d’infériorité Á  cause de la dot éhontée qui a été versée lors de leur mariage, la tolérance envers les hommes adultères alors que les femmes qui trompent leur mari sont punies sévèrement et risquent même la répudiation, des violences et même la mort.

Dans son mémoire de fin d’études universitaires sur ce sujet, le Congolais Alex Tshonga exprime sa peine en ces termes: «alors qu’il est permis Á  l’homme d’être polygame et que sa discrète méconduite est tolérée, des règles et des interdits draconiens paralysent la femme et la figent dans des moules traditionnels. »

Sur le plan religieux, la Congolaise ayant perdu la place de prêtre qu’elle détenait dans les religions traditionnelles, on la retrouve dans les activités confessionnelles intenses, souvent informelles et non-rémunérées. En d’autres termes, les femmes travaillent avec les hommes, mais seuls ces derniers sont payés.

L’analphabétisme, qui maintient la Congolaise dans l’ignorance, étouffe surtout le secteur des affaires dans lequel pourtant, elle peut exceller. Il a été prouvé qu’il est difficile Á  une illettrée de faire des affaires. Aussi la ministre congolaise du Genre, Femme et Enfant, Marie-Ange Lukiana a invité les Congolaises Á  prendre conscience de leur place dans la marche de la nation.

Pour que les choses changent, la Congolaise doit d’abord réagir et refuser d’accepter qu’on la traite ainsi. Mais comme le faisait remarquer Á  raison feu Bernadette Bolie, pour que la Congolaise analphabète réclame ses droits, encore faut-il qu’elle les connaisse. Le cercle est vraiment vicieux…

Urbain Saka-Saka Sakwe est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

 


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