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Les Congolaises en veulent Á l’article 13 de la loi électorale qui est en examen au Parlement actuellement. Pour elles, cet article est anticonstitutionnel et tue la parité dans la mesure où il est contraire Á l’article 14 de la Constitution, votée en 2006, et qui consacre justement la parité hommes-femmes.
Après la non-prise en compte au niveau de la Chambre basse du Parlement de leurs désidératas, les différents partenaires engagés dans la promotion du genre tentent un dernier coup, cette fois Á l’encontre de la Chambre haute. Ils viennent de mettre en place un cadre d’expression spécifique nommé «Etat major Amendement 13 ». Leurs objectifs: mobiliser largement les femmes, mener un plaidoyer auprès des différentes institutions et personnalités afin d’obtenir une nouvelle formulation de la loi Á la Chambre haute.
«Etat major Amendement 13 » voudrait ainsi provoquer une commission paritaire Assemblée nationale-Sénat pour modifier favorablement l’article incriminé. A ce sujet, il prépare des grandes actions de visibilité des hommes et des femmes déterminés Á appliquer le principe constitutionnel de la parité en RDC. Il est d’ailleurs prévu une marche pour le respect de la parité hommes/femmes dans la loi électorale. Le Cadre de Concertation de la Femme congolaise CAFCO, qui en est l’initiateur, invite toutes les personnes qui se sentent concernées par cette cause Á le rejoindre. Le point de chute est le Palais du peuple, siège du Parlement.
Lors des débats Á la Chambre basse, les députés ont soutenu qu’il ne faut pas bloquer le processus électoral Á un parti politique qui n’aurait pas aligné assez de femmes en son sein pour faire une liste équilibrée. En effet, l’article 13 de la loi électorale ajoute une incise qui ramène la Constitution en arrière du fait qu’elle dit «toutefois, la non réalisation de la parité hommes-femmes au cours des prochaines échéances électorales n’est pas un motif de non recevabilité d’une liste ». Alors que le précédent paragraphe du même article stipule que: «chaque liste est établie en tenant compte, s’il échoit, de la représentation paritaire hommes-femmes et de la personne vivant avec handicap ».
Critiquant cet argument, le CAFCO réplique qu’un parti politique qui dit n’avoir pas suffisamment de femmes en son sein doit, en principe, disparaître. Car, comment accepter que les femmes, qui sont majoritaires dans la société congolaise, soient absentes de ces structures de conquête du pouvoir? Depuis 2009, le CAFCO a lancé un programme de lobbying et de plaidoyer auprès des partis politiques et des personnalités pour la prise en compte du genre dans les partis politiques et autres regroupements. La dernière descente du CAFCO a ciblé les membres du bureau de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) désignés récemment.
Aujourd’hui, il est plus que surprenant de voir le refus de certains dirigeants d’appliquer les textes sur la promotion du genre. En 2006, la population congolaise a donné son accord pour une parité hommes-femmes au sein de toutes les institutions en votant la nouvelle Constitution. Si l’ancienne loi électorale, qui est aujourd’hui en révision, n’a pas su l’appliquer faute de la sous représentation féminine dans les partis Á cette époque, les choses auraient dÁ» avoir changé cinq ans après. Lors des élections passées, 63% de personnes qui ont voté étaient des femmes, selon la CEI. Lorsque l’on s’attarde sur les images de mobilisation populaire des partis qui se sont déjÁ lancés dans la campagne électorale, on voit de plus en plus de femmes. L’heure est venue de ne plus toujours considérer les femmes comme un électorat sÁ»r. Elles possèdent aussi et de plus en plus des potentialités de candidates Á tous les niveaux.
L’Observatoire de la parité n’est pas resté en marge de cette revendication. Il propose une révision par pallier au cas où il n’y aurait pas assez de femmes, comme le soutiennent les députés. Il lance un appel pour que les femmes obtiennent au moins 30% de quotas. Il propose une nouvelle formulation de l’article 13 : «Les partis politiques, les regroupements politiques ou des indépendants présentent: Dans une circonscription électorale Á un seul siège Á pourvoir, la candidature unique d’une femme ou d’un homme. Dans une circonscription électorale Á deux sièges Á pourvoir, la candidature d’un homme suivie d’une femme ou d’une femme suivie d’un homme. Dans une circonscription électorale de plus de deux sièges Á pourvoir, une liste sur laquelle: un tiers au moins des candidats présentés soit de l’autre sexe ou que les deux premières places sur la liste soient attribuées Á des candidats de sexe différent. »
L’Observatoire soutient que seules des formules de quotas précis et contraignants sont susceptibles de faire progresser effectivement la parité dans les institutions élues, comme ce fut le cas dans d’autres pays tels que le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie.
En adoptant la parité hommes-femmes dans sa Constitution, la RDC s’alignait sur le développement humain Á travers le monde. Elle a marqué cet engagement par son adoption de textes internationaux tels que la Convention pour l’Elimination de toutes les Formes de Violences faites Á la Femme et récemment par le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement qu’elle a signé et ratifié il y a peu. Ce dernier texte a comme un de ses objectifs d’atteindre le 50% de femmes dans les différentes sphères de la vie d’ici 2015. Quelle est la stratégie nationale pour y arriver vu que l’échéance, c’est dans quatre ans? Il ne suffit pas seulement de signer et de ratifier des textes, il faut se doter de politiques et s’armer de volonté pour faire se matérialiser cet engagement.
Il appartient aux partis politiques d’éveiller la conscience de la population pour que les engagements pris et les lois votées soient respectés et surtout appliqués. Les partis politiques gagneraient aussi Á travailler pour la promotion du genre. Ils ne peuvent pas prétendre être en train de bien gouverner quand la moitié de leur population est bafouée. Ce n’est pas qu’une question de parité hommes-femmes. C’est aussi une question de justice sociale.
Anna Mayimona Ngemba est journaliste en free-lance. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
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