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A Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, les us et coutumes ont la dent dure. Si toutes ne doivent pas être rejetées, quelques-unes doivent tout de même être mises Á la poubelle car elles alimentent la discrimination Á l’égard des femmes et des enfants.
Dans la capitale, toutes les tribus sont bien représentées mais restent dominées par celles de l’Ouest, partisanes du régime matriarcal. Dans cette tribu, les enfants de la sÅ“ur doivent plus de considération Á l’oncle maternel qu’Á leur propre parent. La pratique n’est tolérée qu’Á Kingasani, l’un des quartiers populaires de Kinshasa, dans la commune de Kimbanseke, Á l’est de la ville. Un mari a tenté d’utiliser cette coutume pour échapper Á son devoir parental. Mais le refus de son épouse de cautionner ce qui a paru Á ses yeux comme une fuite de responsabilité, a failli donner lieu au divorce.
L’époux, un habitant du centre du pays, région laminée par le chômage, a pris prétexte de la tradition – sa femme étant originaire de l’ouest – pour exiger de son épouse, Mado K, qu’elle envoie les quatre enfants nés de leur union au jeune frère de celle-ci. La jeune femme a refusé catégoriquement et a porté l’affaire devant l’Etat. «Je ne pouvais pas comprendre que mon mari veuille confier les enfants dont il a l’obligation de prendre charge Á une personne qui en a d’autres. C’est lui qui m’a fait ces enfants et c’est donc Á lui que revient la responsabilité d’assurer leur avenir, » estime-t-elle.
Convoqué devant l’officier de police du quartier, celui-ci a attribué la faute Á l’homme. «Nous nous sommes basés sur le Code de la famille pour démontrer que la femme avait raison de placer l’homme devant ses responsabilités », a déclaré Kalala Kamande, chef de quartier adjoint de Kingasani. « Le Code de la famille dit clairement que chaque enfant doit avoir un père ».
Ce commis de l’Etat qui comptabilise 37 ans d’expérience, dit avoir noté que le régime matriarcal, ignoré dans la loi, sert de prétexte aux hommes irresponsables et incapables de prendre en charge leurs enfants et leur permet de fuir leurs responsabilités. «De tels cas sont nombreux et nous déconseillons toujours aux couples d’envoyer leurs enfants ailleurs car ceux-ci sont exposés Á beaucoup d’aléas dont la prostitution et même la sorcellerie, bien que cette dernière pratique citée reste ignorée par la loi », ajoute Kalala Kamande.
Il a expliqué que l’harmonie du couple s’est détériorée. La femme, vendeuse de pain, survivait grâce Á son petit commerce. Et son mari, un ancien mécanicien chez un automobiliste en faillite, est devenu portefaix. « Je n’étais plus en mesure de prendre en charge mes enfants Á ma charge mais j’ai dÁ» m’incliner devant la loi », a reconnu Léon P, qui a accepté de garder ses enfants sous son toit.
En RDC, les enfants sont aussi pénalisés par ce qu’on appelle le phénomène des enfants sorciers. Au sein de l’administration communale de Kimbanseke, les responsables privilégient la sensibilisation de la loi portant sur le Code de protection de l’enfant face aux «humeurs » de leurs parents. «D’expérience, je sais que la plupart des problèmes de couples proviennent des enfants que l’un ou l’autre partenaire du couple accuse d’être un enfant sorcier selon que tel enfant né du premier lit appartienne Á l’homme qui s’est remarié et dont son épouse attribue tous ses revers de fortune Á cet enfant », explique Ruffin Kongoloso, chef de service des affaires sociales Á la commune.
Ces cas, poursuit-il, divisent beaucoup de couples. «Des conjoints viennent ici accuser leurs propres enfants d’ensorceler leurs affaires. L’homme accuse les enfants de sa femme et vice-versa selon que les deux conjoints sont soit d’anciens divorcés, soit des veufs et ou veuves ».
«Mais la sorcellerie n’est pas considérée dans la loi. Pour cette raison, on assiste Á des cas de rejet des enfants par un conjoint et c’est ainsi que les familles sont déstabilisées », se plaint ce fonctionnaire qui explique qu’un enfant rejeté est accueilli dans un premier temps Á la commune puis entendu sur procès-verbal. «Nous invitons ses parents que nous identifions ».
Vient ensuite la médiation. «Cette étape nous permet de convaincre le couple de reprendre l’enfant. Et nous opposons la loi au couple. Et une fois que l’enfant regagne la maison, nous devons nous assurer que l’enfant est bien traité, » ce qui constitue l’aboutissement de la médiation.
Dans la Constitution de la RDC, la discrimination est proscrite. De plus, ce pays est signataire du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement qui demande Á tous ses Etats membres d’en finir avec la discrimination envers les femmes et les enfants d’ici 2015. Les autorités congolaises ont donc deux ans pour faire leur loi avoir préséance sur leurs coutumes.
Désiré Kazadi est journaliste en RDC. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
2 thoughts on “En RDC : ces coutumes tenaces qui alimentent les discriminations envers les femmes et les enfants”
Salut.J’ai lu l’article et surtout la première partie du sujet.Vous remarquerez avec moi que la “faute” n’est pas à la coutume,mais à son usage abusif par l’homme.Et là aussi,devant une situation de chômage,il recours à un “moyen” parce qu’il ne peut assurer la survie des enfants.
Dire que les enfants doivent plus de considération à l’oncle qu’au parent,c’est aller dans une conclusion très hâtive au regard de la situation.Dans ces cultures,les enfants “appartiennent” à la famille de la femme,donc aux oncles.Appartenir veut dire que les oncles maternels ont une préséance par rapport à ceux paternels.Cela aussi dans des situations spécifiques :mariage (dot),la mort des parents (les enfants sont pris en charge par la famille de la femme),…
Ainsi,je ne trouve aucun lien entre les faits décrits et la prétendue maladresse de la coutume.
Merci
pas mal