Eve Bazaiba Masudi : une sénatrice qui écrit sur la condition de la Congolaise

Eve Bazaiba Masudi : une sénatrice qui écrit sur la condition de la Congolaise


Date: April 28, 2015
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Eve Bazaiba Masudi, sénatrice en République Démocratique du Congo, a plusieurs cordes Á  son arc. Elle est diplomate, juriste de formation, consultante en droits humains, en négociation et résolution pacifique des conflits et présidente de la Ligue des Femmes Congolaises pour les Elections (LIFCE). Cette femme qui est aussi épouse et mère de famille vient d’écrire un livre intitulé ”Histoire des femmes congolaises”, compilation retraçant le combat que mène la Congolaise depuis l’ère coloniale jusqu’Á  aujourd’hui et sur les réalisations et les initiatives de différentes Congolaises dans différents domaines.

La députée nationale Eve Bazaiba Masudi soutient que l’écriture de l’histoire des femmes est une recommandation de la conférence nationale sur la participation politique des femmes qui s’est tenue les 29 et 30 mars 2010. «Ce travail a mis en lumière, de façon sommaire, les grandes réalisations des femmes que nous sommes », a-t-elle indiqué en soulignant que personne ne peut mieux raconter ou attester de la vérité sur l’histoire de la femme mieux que la femme elle-même.

Pour la présidente de la LIFCE, la voie par excellence n’était autre que celle d’immortaliser, par l’écriture, l’histoire de la Congolaise d’hier et d’aujourd’hui. « Sans prétendre avoir toutes les données sur l’histoire des femmes congolaises, la présente publication, initiative des organisations et personnalités féminines de tous les secteurs de la vie nationale congolaise, a pour ambition de rendre visibles les multiples initiatives, souvent oubliées des femmes congolaises au cours de l’Histoire de la RDC », note-t-on dans sa préface.

Selon elle, les femmes ont décidé de taire leurs divergences et de travailler sur leurs convergences et faire entendre leurs voix. Le livre raconte le long cheminement de la femme congolaise depuis des années. « Victime impuissante de violences, la femme congolaise a tout de même réussi Á  marquer des points dans plusieurs secteurs de la vie nationale et elle demeure la gardienne de vertus de la société qu’elle incarne ». Des obstacles majeurs notamment l’absence de paix et d’une justice équitable freinent l’épanouissement de la Congolaise et l’empêchent de jouer son rôle de moteur du développement. Eve Bazaiba croit qu’il ne s’agit pas de paix seulement en termes d’absence de crépitement des armes mais plutôt de la paix sous toutes ses formes, Á  savoir la paix politique, économique, sociale et culturelle.

Il est évident que la Congolaise est présente dans les secteurs formel et informel et génère des revenus. Mais la sénatrice Bazaiba estime qu’il est grand temps que les autorités congolaises reconnaissent la contribution des femmes dans les différents domaines de la vie nationale. C’est dans cette perspective qu’elle recommande aux décideurs congolais tant au niveau national que provincial de servir d’exemple en respectant les valeurs républicaines pour la bonne marche du pays et pour ne pas violer les droits des citoyens.

Selon elle, les autorités doivent faire preuve d’un comportement qui respire la paix et la cohabitation pacifique entre citoyens et le traduire dans une politique d’élaboration du budget national en allouant des moyens financiers conséquents aux domaines qui constituent les préoccupations principales de la population, notamment la santé, l’éducation, l’habitat, l’emploi et la justice.

« Le gouvernement a la responsabilité de prendre en compte les droits économiques, sociaux et culturels de la population de manière concrète Á  travers la gestion quotidienne de la chose publique », soutient la sénatrice, qui ajoute que la justice distributive est un atout qui pourra protéger la femme et la rendre plus autonome.

Eve Tomson, la marraine du livre, a vu dans l’illustration choisie pour la couverture de l’ouvrage – une femme qui soutient d’une main son bébé qu’elle allaite, un bidon dans l’autre main, le regard orienté vers un char de combat sur fond de paysage montagneux – un appel aux femmes pour qu’elles passent du langage de la victimisation Á  celui du courage et de l’action.

Certes, la Congolaise a gagné plusieurs batailles dans la lutte pour la parité, la paix et le développement aux côtés d’hommes qui ont compris qu’elle a beaucoup Á  apporter au progrès du pays. Le législateur a d’ailleurs formalisé la parité hommes-femmes dans la Constitution de la République, en particulier dans son article 215.

Eve Bazaiba est d’avis que la Congolaise, bien qu’elle fasse l’objet de plusieurs formes de violence en temps de conflit comme en temps de paix, n’a jamais développé un comportement de vengeance. Bien au contraire, elle a excellé dans le pardon et la recherche d’une paix durable. La sénatrice salue la contribution des Congolaises Á  travers les initiatives d’organisations qui militent inlassablement pour la recherche d’une paix véritable en RDC.

Elle souligne aussi que bien que minoritaires dans les instances de prise de décisions, les femmes politiques en RDC, quel que soit leur tendance, ont dans l’ensemble une attitude moins antagoniste et sont en quête de consensus. «Elles font preuve de beaucoup de maturité et de patriotisme ». Eve Bazaiba appelle toutes les femmes du monde Á  ne plus se lamenter sur leur sort car «le monde d’aujourd’hui se construit dans l’approche démocratique qui n’est autre que l’expression de la volonté de la majorité. En protégeant bien entendu la minorité. Car les femmes constituent la majorité démographique en RDC, et de ce fait, elles peuvent apporter le changement selon leurs aspirations profondes ».

La sénatrice Bazaiba estime que la parité n’est pas un combat déclaré contre les hommes. Il s’agit de donner Á  la femme la capacité juridique. Les droits des femmes sont des droits humains consacrés dans la Constitution congolaise. Elle reconnait, cependant, que le chemin Á  parcourir par la Congolaise est encore long en termes d’éradication de stéréotypes culturels Á  son encontre. La RDC peut compter sur la femme pour l’instauration d’un Etat de droit par rapport Á  la paix, surtout dans la mesure où les Congolaises ont contribué efficacement Á  l’avancement du processus de paix avant, pendant et après le dialogue inter-congolais en Afrique du Sud en 2002, qui a conduit Á  la signature de l’Accord Global et Inclusif. «Les politiciennes congolaises humanisent de plus en plus l’espace politique et redonnent confiance Á  l’opinion publique », estime-t-elle.

S’agissant de son parcours en tant que femme dans les institutions nationales de prise de décisions, Eve BazaÁ¯ba dit n’avoir pas encore donné son maximum. Elle est consciente du poids de ses fonctions de présidente de la commission socioculturelle du Senat. «Ceci rime, certes, avec la sensibilité de la femme que je suis, aux problèmes sociaux notamment la santé, l’éducation, l’emploi et l’habitat. Mes priorités sont beaucoup plus humaines tant pour les hommes que pour les femmes ». Malgré tout, elle estime qu’elle apporte une pierre Á  la construction de la démocratie comme le demande le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement dont la RDC est signataire.

Arthur Kayumba est journaliste en RDC. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.

 


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