SHARE:
Moqueries, injures, menaces de mort, étonnement et très peu d’admiration, c’était le lot quotidien de Faraja Zawadi, Congolaise de 22 ans, qui est la seule femme journaliste dans le village de Mugogo en territoire Walungu au Sud Kivu, province située Á l’est de la République démocratique du Congo.
Cela fait deux ans qu’elle exerce ce métier qui la passionne mais depuis, elle est en butte aux traditions qui ne tolèrent pas qu’une femme soit journaliste. En effet, selon les coutumes des peuples Bashi et Rega, tribus qui peuplent le territoire Walungu, une femme n’a pas le droit de prendre la parole en public devant des hommes. Donc, en travaillant comme journaliste Á la radio locale, Faraja Zawadi parle Á des milliers des personnes dont Á des hommes; chose que les conservateurs ne supportent pas. Et ceux lÁ font de chacune de ses journées un défi.
Elle a commencé par perdre ses amies, l’une après l’autre, car celles-ci veulent éviter de salir leur réputation. Etant donné que tout le monde pense que ce métier la dévalorise et qu’elle n’est comparable qu’Á une prostituée, la fréquenter est donc peu recommandable. De ce fait, d’autres filles qui avaient commencé Á suivre la formation en vue de devenir journalistes elles aussi, ont abandonné la partie car elles ne supportaient plus les insultes des gens Á leur égard.
Faraja Zawadi explique que cette étiquette de femme aux mÅ“urs légères lui a été collée du fait que dans le cadre de son métier, elle doit interroger M. Tout le Monde, les chefs locaux, les personnes sur qui pèsent des allégations de vol, de sorcellerie, de banditisme. Il y a aussi les déplacements qu’elle doit effectuer pour ses reportages hors du village et qui ne sont pas considérés dignes d’une fille qui se respecte.
Outre les insultes, les injures et les qualificatifs bêtes et méchants, Faraja Zawadi doit aussi vivre avec des menaces de mort contre sa personne. Elle raconte qu’un soir, alors qu’elle allait chercher quelque chose Á manger du fait qu’elle passait la nuit Á la radio, elle a croisé trois hommes. Ils l’ont entourée et immobilisée. L’un d’eux a cherché Á l’étrangler pendant que les autres lui jetaient des injures au visage, l’accusant de passer son temps Á se prostituer et Á aller mentir Á la radio. Ils étaient terriblement agressifs et lui disaient qu’elle ne perdait rien pour attendre.
Alors qu’elle était sur le point de défaillir, des voisins qui avaient remarqué un attroupement suspect, sont venus Á sa rescousse. Les hommes l’ont lâchée et ont pris leurs jambes Á leur cou. Cette menace n’est pas la première qu’elle reçoit et ne sera surement pas la dernière, estime Faraja Zawadi. « Cela ne me décourage nullement. S’il y a bien une chose que cela prouve, c’est que mon travail a un impact sur les auditeurs et que cela agace les conservateurs ».
Une autre épreuve qu’elle vit au quotidien, ce sont les 10 kilomètres de marche qu’elle doit effectuer pour se rendre Á la radio dans le village de Mugogo. Parcours qu’elle atteint après deux heures de marche d’Ikoma où elle vit. Ce qui explique qu’elle doive souvent passer la nuit Á la radio en raison de sa sécurité.
Grace Á sa persévérance, une partie de la population du territoire de Walungu a fini par l’accepter et contre toute attente, des hommes commencent Á la féliciter pour son bon travail. Signe qu’ils ne considèrent plus le journalisme comme la chasse gardée des hommes.
En 2012, les supérieurs de Faraja Zawadi ont été si satisfaits de son travail qu’ils l’ont nommée rédactrice en chef de la radio. Une nomination qui fait d’elle la première rédactrice en chef de tout le territoire de Walungu.
Son vÅ“u le plus cher désormais est que d’autres femmes lui emboîtent le pas pour faire en sorte que la voix des femmes soit autant entendue que celle des hommes.
Evelyne Luyelo est journaliste en RDC. Cet article fait partie de la série « Femmes exceptionnelles » du service de commentaires et d’opinions de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
Comment on Faraja Zawadi : quand l’exclusion devient force