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L’année 2011 est une année électorale en République Démocratique du Congo. A peine a-t-elle commencé que la tension monte déjÁ . Les uns et les autres se positionnent pour défendre leurs intérêts et parfois au détriment de la population, pourtant source de tout pouvoir, selon la Constitution promulguée en 2006. Dans la foulée des intérêts Á défendre, il y a aussi ceux liés Á la représentation des femmes en politique. Qu’en est-il aujourd’hui de ce pays qui a consacré la parité hommes-femmes dans sa loi fondamentale depuis cinq ans maintenant?
Les conséquences des inégalités institutionnalisées liées aux dispositions discriminatoires de certaines lois constituent le quatrième axe d’intervention de la Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre. Elaboré en 2009 pour appuyer la Constitution, cette stratégie n’a été appliqué que timidement jusqu’ici. Car, les Congolaises ne sont représentées qu’Á plus ou moins 10% dans toutes les institutions.
En 2006, la loi électorale avait prévu dans son article 13 une représentation paritaire hommes-femmes sur les listes électorales. Mais ce même article ajoutait que la non-réalisation de cette disposition au cours des prochaines échéances électorales ne serait pas un motif d’irrecevabilité d’une liste. Ainsi, la loi a elle-même fragilisé l’action en faveur d’une vraie parité stipulée dans la loi suprême.
Devant cette situation, les femmes ont semble-t-il capitulé mais avec recul, on réalise que c’était pour mieux se préparer. Les échéances électorales de 2011 sont une opportunité pour marquer des changements importants. Pour y arriver, certaines femmes leaders s’organisent. C’est dans cette optique que le Cadre de Concertation de la Femme Congolaise (Cafco) a mis en place un plan d’intervention qu’il exécute depuis 2010. Ses membres ont fait des plaidoyers auprès des partis politiques pour obtenir l’amélioration de la représentativité de la femme en RDC. «A ce jour, notre message a atteint 35 partis politiques, aussi bien de la majorité que de l’opposition, » explique Rose Mutombo Kiese, présidente de cette structure qui regroupe les associations de la société civile et des femmes des partis politiques.
«Quand nous avons rencontré le secrétaire permanent de l’Alliance pour la Majorité Présidentielle (AMP), plateforme regroupant les partis au pouvoir, nous lui avons fait savoir que nous étions désolées que le discours du président de la République ne reflète pas les réalités. Alors qu’il parle toujours de son implication dans l’application de la loi en ce qui concerne la parité hommes-femmes, la présence des femmes reste négligeable dans les instances de décisions. Aujourd’hui, nous nous réjouissons parce que notre message commence Á trouver un écho. L’AMP s’est ressaisie en présentant une femme sur ses quatre membres proposés Á la Commission Nationale Indépendante Electorale (CENI), » explique Rose Mutombo Kiese.
Les tractations pour la désignation des sept membres de la CENI ont commencé au dernier trimestre de l’année 2010. L’opposition avait, dès le départ, annoncé ses couleurs avec le nom d’une femme sur les trois candidats qu’elle devait présenter. A la publication de la liste des sept membres, le 15 janvier dernier, le Cafco, comme d’autres partenaires, ont applaudi. « Avec deux femmes sur les sept membres de cette commission, nous avons près de 27% de représentation féminine et c’est déjÁ un bon début. Mais il reste encore du chemin Á faire, » soutient la présidente du Cafco.
Le Cafco voudrait obtenir plus d’engagements des partis politiques. C’est pour cette raison qu’il compte faire signer des actes d’engagement Á tous les partis qui ont été touchés par son programme de plaidoyer et qui avaient garanti leur soutien Á cette initiative. «Notre organisation va rencontrer ces partis pour concrétiser cet engagement et nous profiterons de cette occasion pour présenter Á la presse tout le travail réalisé. » La Constitution de la RDC est claire. Ce qu’il faut, c’est la mettre en application.
L’objectif de toutes ces interventions de Cafco ou de tout autre partenaire engagé dans la lutte contre les violences basées sur le genre est non seulement de se conformer Á la Constitution mais également de respecter les engagements pris au niveau international ou régional. La RDC a signé le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement en 2008. Au mois de décembre dernier, la ministre du Genre, Famille et Enfant, Marie-Ange Lukiana, avait plaidé Á la tribune de la Chambre basse du Parlement, pour la ratification de cet instrument juridique.
Ce protocole demande aux Etats membres de garantir la participation effective des femmes au processus électoral et d’assurer l’accès Á tous les postes de décisions dans les domaines public et privé Á 50% de femmes et ce, d’ici 2015.
Les statistiques de la CEI attestent qu’en 2006, plus de 60% d’électeurs étaient des femmes. Parmi elles, il existe des femmes valables et capables d’occuper des postes de direction au sein de ces partis. L’heure est donc venue pour les partis politiques congolais d’arrêter d’utiliser les femmes Á des fins de mobilisations populaires uniquement.
Anna Mayimona Ngemba est journaliste freelance en RDC. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
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