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La Fédération Internationale de Football (FIFA) a récemment communiqué ses résultats pour les quatre dernières années. L’organisation internationale a dégagé un bénéfice de 631 millions de dollars américains pour un chiffre d’affaires de 4,2 milliards de dollars américains sur ce cycle quadri-annuel. Selon les chiffres rendus publics, 87% de ses revenus proviennent des recettes de la Coupe du Monde 2010. Cet évènement sud-africain a été un «immense succès financier », a déclaré le président de la FIFA, Joseph Blatter, puisque l’instance a enregistré en 2010 un chiffre d’affaires de 932 millions d’euros, soit 787 millions d’euros de plus qu’en 2009. Mais le pays organisateur en a-t-il bénéficié ? C’est la grande question.
Ces chiffres sont hallucinants. Avec 2,8 milliards de francs suisses de pertes, soit environ 3,03 milliards de dollars américains, la Coupe du Monde 2010 a été un gouffre pour l’Afrique du Sud. Parmi les améliorations notables, il faut souligner que le pays a été doté d’infrastructures publiques, de transport et d’énergie. En revanche, la FIFA, sise Á Zurich, s’est enrichie et se porte comme un charme. Elle a enregistré une hausse de 50% de ses bénéfices par rapport Á la Coupe du Monde de 2006 en Allemagne.
L’organisation d’une Coupe du Monde reste un domaine que la FIFA refuse de partager. Détenant les droits sur les marques officielles, elle a ainsi imposé des règles mercantiles draconiennes, Á commencer par des zones de restriction d’un kilomètre autour des stades accueillant les matches. Les femmes et les marchands ambulants sud-africains ont été les grands perdants de l’opération.
« Il y a, en effet, de nouvelles infrastructures, mais elles sont copiées sur les pays riches et les communes n’ont pas les moyens de les entretenir. Par exemple, parmi les dix stades construits ou agrandis en vue de la Coupe du Monde en Afrique du Sud, on sait qu’au moins trois d’entre eux ne pourront pas être utilisés car ils sont trop coÁ»teux. Ces stades ont d’ailleurs été construits suite aux pressions de la FIFA et en dépit des objections de la Fédération Sud-Africaine de Football et des ligues de football et de cricket, » déplore Cedric Vermuth de l’Oeuvre Suisse d’Entraide Ouvrière (OSEO), une organisation non-gouvernementale (ONG) qui a publié un rapport accablant sur les abus de la FIFA.
Ces problèmes étaient pressentis par l’ONG de l’Afrique australe Gender Links qui est basée Á Johannesburg. DéjÁ en février 2010, cette ONG a réuni les journalistes des pays de la Communauté de Développement de l’Afrique australe (SADC) Á Johannesburg afin d’alerter l’opinion sur les dangers de la Coupe du Monde. Anne Hilon, vice-présidente du conseil d’administration de MARANG, firme spécialisée en microcrédit, avait affirmé: «La Coupe du Monde n’aura aucune incidence sur ces les bénéficiaires de microcrédits car ces dernières vivent dans les coins les plus reculés du pays et elles n’ont pas la possibilité de s’installer aux abords des stades. » Pour elles, «la Coupe du Monde est un évènement mort-né ».
Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Comme pour la Gauteng Women In Transport (GWT), une association qui regroupe 30 petites compagnies de transport dirigées par des femmes et qui n’a pas réussi Á décrocher un contrat pour l’évènement. Selon Melia Thema et Imogene Mnewango, les deux têtes pensantes de la GWT, «nous n’avons récolté que des miettes ».
Même Á Maurice où l’on attendait des retombées positives de la Coupe du Monde 2010, la déception a été très grande avec l’annulation des réservations de quelques 3 200 chambres dans les hôtels du littoral nord. Chez les organisations féminines aussi, la déception a été grande. «Nous aurions eu tellement de clients », estime Arlette Nadan, présidente du Groupe l’Espoir Femme, qui travaille avec les femmes engagées dans l’artisanat. «Nous comptons généralement sur les expositions-ventes pour écouler nos produits. Ces 3 200 chambres et ces 20 000 touristes qui étaient attendus pour l’évènement, auraient représenté Á coup sÁ»r un marché pour nous. Nous voulions pénétrer le secteur de hôtellerie ».
En octobre dernier, Kubi Rama, directrice adjointe de Gender Links, affirmait que: «Les structures de la FIFA sont des instances dominées par des hommes et elles sont difficiles Á pénétrer. De plus, durant la Coupe du Monde 2010, les commerçantes ont été incapables de travailler car elles ont été chassées des rues. Cela a soulevé des préoccupations sérieuses sur la manière dont cet évènement aurait pu bénéficier aux femmes. »
Et c’est sans compter le dangereux corollaire d’un évènement d’une telle envergure et qui est le trafic humain. Kubi Rama estime que personne n’a pu vérifier les chiffres concernant cette exploitation humaine. «C’était le plus grand défi pour la Coupe du Monde, pas seulement en termes de femmes qui vendent leurs corps mais aussi en termes de celles qui l’utilisent pour transporter de la drogue ou encore celles qui ont été obligées de travailler de longues heures dans les hôtels », a-t-elle dit.
Les 5,5 milliards de francs suisses, soit environ 5,9 milliards de dollars américains investis en vue de cette Coupe du Monde 2010 auraient pu être alloués Á d’autres secteurs prioritaires. Pour rappel, 40% de la population sud-africaine, soit 7,5 millions de personnes, sont au chômage, 8,4 millions de Sud-Africains vivent dans des bidonvilles et des logements sont nécessaires pour au moins 12 millions d’entre eux. La FIFA a vraiment été Á côté de la plaque.
Jimmy Jean-Louis est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie du service d’opinions et de commentaires de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
📝Read the emotional article by @nokwe_mnomiya, with a personal plea: 🇿🇦Breaking the cycle of violence!https://t.co/6kPcu2Whwm pic.twitter.com/d60tsBqJwx
— Gender Links (@GenderLinks) December 17, 2024
Comment on Football: 631 millions de dollars pour la FIFA, de la misère pour les Sud-africains