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Maurice, 29 octobre: Durant ces quatre dernières années, plus 2000 jeunes filles Á peine sorties de l’enfance étaient enceintes. Les chiffres du ministère de la Santé indiquent qu’en 2009, 590 cas de grossesses précoces ont été enregistrés contre 587 en 2010. En 2011, ce nombre a légèrement baissé, passant Á 546 et cette baisse s’est poursuivie en 2012 avec 514 cas. Toutefois, rien que pour les huit premiers mois de 2013, 354 cas de grossesses précoces ont été rapportés.
Si ces jeunes filles sont en voie de famille du jour au lendemain, ce n’est pas parce qu’elles l’ont cherché comme certains veulent bien le faire croire ! Au contraire ! Car derrière cette grossesse se cache souvent des drames humains: extrême pauvreté, alcool, drogue, violence domestique et sexuelle, carences affectives, manque d’encadrement parental et négligence éducative. Une fois leur petit ventre arrondi, plusieurs de ces futures mamans se retrouvent seules au monde, abandonnées par le père de leur enfant. D’autres sont rejetées par leurs parents et carrément misent Á la porte du domicile familial.
Dans certains cas, ces futures mères célibataires sont contraintes de vivre avec le père de leur enfant, qui les a agressées sexuellement et ce, même si elles ne le souhaitent pas. Car leurs parents les y obligent. Pour ces derniers, ce qui importe le plus est de « laver l’honneur terni de la famille » pour qu’elle retrouve sa dignité. Et si la jeune fille s’oppose Á cet arrangement, elle n’a malheureusement pas d’autre choix que de quitter la maison familiale comme l’exigent ses parents.
Le refus de la jeune fille est synonyme de honte pour la famille et vice-versa lorsque le père de l’enfant Á naître refuse de prendre la future mère sous sa protection. Alors qu’au lieu de négocier, les parents auraient mieux fait de porter plainte Á la police pour agression sexuelle sur mineure.
S’il y a une personne qui connaît bien cette réalité de la vie Á Maurice, c’est Vidya Charan, directrice de la Mauritius Family Planning Welfare Association (MFPWA) qui accueille au sein de son Drop-In centre, des filles qui sont en passe de devenir mères. « Le Drop-In Centre a été inauguré en décembre 2003. Depuis, nous avons accueilli 1947 jeunes filles enceintes. Parmi elles, certaines ont été rejetées par leurs parents une fois qu’elles sont tombées enceintes. Cette année, nous avons accueilli une fille de 13 ans qui a été abusée par l’ami de son beau-père. Après que le cas ait été rapporté Á la police, la mère a carrément rejeté sa fille enceinte de six mois. Et c’est la sÅ“ur aînée qui l’a accueillie chez elle plus tard », explique Vidya Charan.
Et d’avancer que c’est une toute une éducation qui doit être faite autour de ce problème qu’elle juge « majeur ». « Généralement, les papas refusent de prendre en charge les filles et leurs bébés. L’entière responsabilité revient souvent Á la jeune fille. Et si l’abuseur est un parent et qu’il n’y a personne pour s’occuper du nourrisson, il ou elle est placé dans un abri », raconte la directrice de la MFPWA.
C’est le cas de Jennifer (prénom fictif), étudiante de 16 ans qui vit dans un faubourg de la capitale, Port-Louis. Le 15 juillet dernier, elle a crée la surprise au sein de sa famille. Alors qu’elle s’était préparée pour aller Á l’école où elle allait prendre part aux examens du deuxième trimestre, elle a eu d’atroces douleurs au ventre. « Je me suis allongée sur le lit. Quelques minutes plus tard, j’ai senti quelque chose se glisser entre mes jambes. J’ai eu peur. J’ai appelé ma mère qui a hurlé en me voyant. Car sans le savoir, j’accouchais d’un enfant. Je vous jure que je ne savais pas que j’étais enceinte », affirme Jennifer qui a par la suite été transportée Á l’hôpital pour y recevoir les soins appropriés. Comme elle est mineure, l’affaire a été rapportée Á la police et Á la Child Development Unit du ministère de l’Egalité des Genres. Questionnée quant Á l’identité du père de son enfant, Jennifer a fini par craquer et avouer qu’il ne s’agit de nul autre que le cousin de son père. Elle assure avoir été violée par lui.
Elle a gardé un si lourd secret parce qu’elle aurait été menacée de mort par son agresseur. Ce dernier a été arrêté et placé en détention policière. Traduit en Cour sous une accusation provisoire d’agression sexuelle sur mineure, il a recouvré la liberté conditionnelle. Pour se défendre, il reconnaît avoir eu des rapports sexuels avec Jennifer mais déclare ne pas être certain d’être le père du bébé. Le fait brut est qu’il a eu des relations sexuelles avec une mineure et que c’est un délit punissable par la loi. Et selon le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement, c’est une forme de violence basée sur le genre.
Cet homme n’est pas Á son premier coup. Dans le passé, il a également engrossé une adolescente de 14 ans qu’il a recueilli sous son toit après avoir négocié avec les parents de cette dernière. « Mais l’enfant n’a pas survécu après sa venue au monde. Peu de temps après, ils se sont séparés », explique la mère du jeune homme.
Jennifer a décidé de ne pas baisser les bras. En semaine, elle est Á l’école et c’est sa mère qui s’occupe de son enfant. Elle prend le relais Á son retour Á la maison. Actuellement, elle prend part aux examens et compte bien décrocher son certificat. Car des rêves, elle en a plein la tête. « Je veux devenir médecin et offrir Á mon enfant tout ce que je n’ai pas eu dans la vie. »
A l’île Rodrigues, le problème des mères célibataires est aussi un phénomène qui gagne du terrain. En 2010, 50 jeunes filles se sont retrouvées enceintes contre 52 en 2011. Alors qu’en 2012, 48 cas ont été enregistrés. Et pour les six premiers mois de 2013, 26 adolescentes se sont retrouvées enceintes. Contrairement Á Maurice, l’île Rodrigues ne dispose d’aucune structure pouvant accueillir les jeunes filles qui vivent une grossesse précoce. Et l’absence d’une organisation non-gouvernementale pour la prise en charge de ces adolescentes se fait cruellement sentir. Pour l’heure, la Commission de la Femme, en collaboration avec la Commission de la Jeunesse et de la Santé, offre des sessions de « counselling » aux futures mères et les encadrent pour qu’elles arrivent Á assurer leur avenir.
Et ce n’est pas Rose qui dira le contraire. Souffrant d’un léger retard mental, elle a été abusée sexuellement Á l’âge de 15 ans par son père. Sa mère, Á qui elle s’en est ouverte, ne l’a jamais crue. « Mon père a finalement admis m’avoir violée. Mais cela n’a rien changé Á ma situation. J’ai dÁ» rester sous le toit familial, voir mon père tous les jours et ma mère qui ne faisait pas grand cas de moi et de ma grossesse. J’ai accouché d’un petit garçon. Personne n’a pu lui dire qui était son vrai père, pas même moi alors que ce dernier était sous ses yeux chaque jour. C’est horrible », se remémore Rose, aujourd’hui âgée de 36 ans.
Depuis, c’est avec une pension de l’Etat qu’elle a essayé de se construire un avenir. « J’ai pu me faire construire une maison en tôle sur un lopin de terre que mon père m’a cédé il y a quelques années. Au moins, il a fait ça. Les matériaux ont été offerts par l’Etat. Ce n’est que lorsque mon père est décédé il y a deux ans que j’ai pu dire Á mon fils que son grand-père était en fait son père. »
Comme Rose et Jennifer, il y a d’autres jeunes filles partout dans le monde qui n’ont pas la possibilité de vivre pleinement leur enfance et leur adolescence. Elles ont peur de parler pour ne pas être accusées d’être des menteuses. Mais comme le dit la psychologue Véronique Wan, « la parole de l’enfant doit être prise en considération. Il faut qu’il ose parler, briser le silence pour mieux se reconstruire ». Une chose qui n’est hélas pas toujours facile lorsque l’innocence d’une jeune fille a été volée de la pire des façons.
Laura Samoisy est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
Comment on Grossesses précoces Á Maurice et Rodrigues: un problème majeur