Hôpital Vaovao Mahafaly dans le district de Mandritsara Á  Madagascar: 15 ans de lutte contre la fistule obstétrique

Hôpital Vaovao Mahafaly dans le district de Mandritsara Á  Madagascar: 15 ans de lutte contre la fistule obstétrique


Date: September 16, 2014
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Antananarivo, 31 juillet: Des milliers de femmes et de jeunes filles souffrent de fistule obstétrique Á  Madagascar. Chaque année, les nouveaux cas sont estimés Á  5000. L’élimination de la fistule obstétrique a été initiée en 2003 par le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) et ses partenaires au niveau mondial mais l’initiative n’a été lancée Á  Madagascar il a seulement trois ans. Mais bien avant 2011, bon nombre de femmes souffrant de fistule obstétrique avaient retrouvé la santé grâce Á  l’hôpital Vaovao Mahafy, situé dans le district de Mandritsara.

Ce mal a été détecté pour la première fois dans cet hôpital il y a une quinzaine d’années, bien avant les tentatives pour son élimination au niveau national. Aussitôt détecté, l’hôpital Vaovao Mahafaly, qui est dirigé par le Dr Adrien Ralaimiarison, s’est chargé de l’intervention chirurgicale des femmes qui en souffrent. « Nous avons pu opérer environ 55 cas annuellement. Nous n’avions pas d’objectif précis en le faisant, si ce n’est restituer la santé Á  ces femmes », explique-t-il.

Dans ce district situé Á  plus de 800 kilomètres de la capitale Antananarivo, les traditions autorisent le mariage précoce. Les adolescentes, dont la plupart habitent les fokontany et les communes reculées, n’ont pas le corps suffisamment développé pour enfanter et l’expérience requise pour mener Á  bien une vie de couple. De plus, en raison de la distance entre leur domicile et les centres de santé, ces jeunes filles se tournent vers les matrones qui n’ont pas toujours l’expérience voulue pour leur éviter des fistules.

Au moment où le travail commence, ces jeunes filles et même les matrones ignorent comment s’y prendre. « Certaines de ces jeunes filles parcourent 15 kilomètres Á  pied pour rejoindre un centre de santé de base et bien avant l’accouchement, la rupture entre la vessie et le vagin a lieu, laissant passer l’urine », raconte Dr Edwige Ravaozanany, chargée du programme de la fistule obstétrique auprès de l’UNFPA. Même si cette maladie honteuse touche en particulier les jeunes filles vivant dans la brousse, celles des grandes villes ignorent les souffrances de leurs consÅ“urs car elles ont accès aux centres de soins.

C’est en 2012 que l’hôpital Vaovao Mahafy a accueilli des médecins en provenance de Fianarantsoa, de Mahajanga, de Toliara, d’Antsohihy et de Toamasina afin de participer Á  un partage d’expériences et ensemble ils ont opéré 20 femmes pour que tous les médecins aient le plus de pratique possible.

Le Dr Ralaimiarison raconte qu’entre octobre 2013 et juin 2014, il a opéré 36 patientes âgées entre 13 et 50 ans. «Les jeunes de moins de 20 ans sont majoritaires. Les femmes plus âgées ne savaient pas que la fistule était réparable. Elles ont enduré ce mal pendant des années avant de l’apprendre et de prendre la décision de se faire soigner. Outre la fistule obstétrique, nous intervenons également dans la réparation de la fistule recto-vaginale », poursuit-il. Parfois, ce médecin se déplace jusqu’aux villes de Maintirano et de Mananara Avaratra pour former les médecins de ces localités et leur donner un coup de main lorsqu’ils rencontrent des cas compliqués.

L’effort de lutte contre la fistule obstétrique continue et les partenaires du ministère de la Santé publique comme le Programme Alimentaire Mondial (PAM), l’International Society Of Fistula Surgeons (ISOFS) et la Fistula Foundation ont investi cette année dans une campagne d’une durée d’un mois pour arriver Á  prévenir ce mal. « Mettre fin Á  la honte, fin Á  l’isolation. Éliminons la fistule », tel est le thème de cette troisième campagne nationale pour l’élimination de la fistule obstétrique prévue entre les 12 juillet et 11 aoÁ»t.

D’après le Dr Ravaozanany, 600 femmes ayant ce problème de santé ont été recensées et 300 d’entre elles seront opérées. « Elles doivent arriver au Centre Hospitalier de Référence Régional (CHRR) de Manakara deux jours avant l’opération. Après l’intervention, elles y passent encore quinze jours pour contrôler le fonctionnement de la sonde qui évacue l’urine », explique-t-elle.

Le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement auquel Madagascar adhère recommande aux Etats membres de prendre des actions pour réduire le ratio de mortalité maternelle par 75% d’ici 2015 et assurer aux femmes un accès équitable Á  des services de soin de qualité en matière de santé sexuelle et reproductive. C’est justement ce que le ministère de la Santé publique, ses partenaires dans cette campagne de lutte contre la fistule obstétrique et l’hôpital Vaovao Mahafy tentent de faire.

«Il n’y aura pas développement sans que la population ne soit en bonne santé. Les femmes tiennent un rôle indispensable dans le développement et nous devons les considérer », a reconnu le ministre de la Santé, le Dr Roger Kolo. Il a interpellé les membres du personnel médical en reconnaissant que la santé reste un domaine difficile mais selon lui, il est essentiel d’être attentif aux malades et en particulier aux femmes qui le sont. Malgré les tensions provoquées par le va-et-vient ou encore l’énervement des malades et de leurs accompagnateurs dans les centres de santé surpeuplés parfois, il recommande aux agents de santé de se montrer accueillants envers les patients.

A Madagascar, les campagnes successives contre la fistule obstétrique ont permis la formation d’une quinzaine de chirurgiens. Aujourd’hui, dix hôpitaux dont cinq publics ont la capacité technique d’opérer la fistule obstétrique et certains chirurgiens peuvent désormais opérer des cas complexes.

«Je n’avais jamais entendu parler de cette maladie jusqu’Á  tout récemment. Mais quand j’y pense, je ressens de la douleur et de la honte en pensant Á  ce que les femmes et les filles subissent. Je n’aimerais pas que cela puisse un jour arriver Á  ma femme ou Á  ma fille. Je lance un appel aux garçons et aux hommes qui négligent les femmes et les considèrent comme des objets sexuels. Ces femmes et ces filles sont nos mères, nos sÅ“urs, nos tantes, nos cousines, nos amies et elles méritent le respect. Rendons-leur la dignité en ne les poussant pas vers des mariages précoces », déclare Kevin Rabemila, étudiant en informatique.

Outre l’intervention médicale, ce problème de santé publique peut se résoudre d’une manière simple en évitant les inégalités socioéconomiques basées sur le genre, le mariage et les grossesses précoces et en renforçant l’éducation des filles.

Farah Randrianasolo est journaliste Á  Madagascar. Cet article fait partie du service d’informations de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.


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