Il est temps d’agir maintenant


Date: March 22, 2011
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Il est temps d’agir maintenant

Par Loga Virahsawmy

Des tas de personnes ont pensé que le Premier ministre, Navin Ramgoolam, est entré dans l’Histoire quand le 8 mars dernier, lors de la Journée Internationale de la Femme, il a annoncé devant des centaines de femmes au centre de conférences de Grand-Baie qu’il croit que «finalement, nous devons aller de l’avant avec le système de quotas pour les femmes ». J’ai même accordé une interview radiophonique sur ce sujet.

C’est vrai, le Premier ministre a apporté une lueur d’espoir avec cette annonce et nous le félicitons pour cela. Je suis sÁ»re qu’il doit être embarrassé lorsque les activistes du genre posent lors de forums régionaux la question Á  propos du nombre de femmes parlementaires Á  Maurice. Mais est-ce la première fois que nous entendons ce type de discours politique?

Faisons un retour en arrière. Lors d’un atelier de travail de Gender Links qui a eu lieu juste avant les élections générales de 2005, Navin Ramgoolam qui était alors leader de l’opposition, a déclaré devant une centaine de participants que son parti, le Parti Travailliste, était conscient du déficit de femmes parlementaires (5.4%). Il a ajouté que «le système de scrutin uninominal en vigueur constitue un obstacle majeur pour les femmes alors qu’un système mixte ou proportionnel pourrait être favorable aux femmes. » Il a dit espérer qu’une fois au pouvoir, «nous serons en mesure d’obtenir le consensus pour introduire la représentation proportionnelle lors de notre réforme électorale. »

Il a tenu parole et la session parlementaire de 2008 présageait de bonnes choses pour les femmes. Devenu Premier ministre, Navin Ramgoolam a suggéré qu’il faudrait un quota pour les femmes. Il a précisé aux parlementaires qu’Á  partir de mai 2008, tous les partis politiques seraient contactés pour trouver un consensus sur cette question et l’opposition était d’accord.

Nous sommes maintenant en 2011 et nous entendons la même chanson sans qu’il n’y ait eu de changement en la matière. A plusieurs reprises, le Premier ministre a répété que Maurice ne peut signer le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement. Les articles 12-13 du Protocole font provision pour une représentation égale entre les hommes et les femmes dans toutes les instances de décision, aussi bien publiques que privées et suggèrent que cet objectif soit atteint Á  travers des changements constitutionnels et législatifs, comprenant la discrimination positive.

Pendant quatre ans, les hauts fonctionnaires mauriciens ont participé aux discussions régionales et même Á  l’élaboration de l’ébauche du Protocole de la SADC et personne n’a dit que ledit document ne se conformait pas Á  l’article 16 de la Constitution mauricienne qui parle de «Protection contre la Discrimination ». C’est seulement en aoÁ»t 2008, quand tous les chefs d’Etats des pays membres de la SADC ont signé le Protocole, que Maurice a soudainement réalisé qu’il ne pouvait le signer.

Mais qu’en est-il de la Déclaration de la SADC sur le Genre et le Développement? Ce document a été signé par Maurice en 1997 et cette déclaration souligne que l’égalité du genre est un droit humain fondamental. Cette déclaration demande Á  tous les Etats membres d’avoir 30% de représentation féminine au Parlement d’ici 2005.

Que voyons-nous Á  Maurice 14 ans après la signature de ce document? Les femmes ne sont représentées qu’Á  18.1% au Parlement et Á  6.4% au sein des administrations régionales. Lorsque les chefs d’Etats des pays de la SADC ne peuvent pas tenir leurs promesses, ils ne devraient pas en faire et donner de faux espoirs.

Le Parti Travailliste a amendé sa constitution en 2003 pour introduire une clause Á  l’effet qu’il doit y avoir au moins 30% de femmes dans toutes les structures du parti. La constitution du parti est une chose, aligner 30% de candidates aux élections en est une autre.

Le Mouvement Militant Mauricien est le seul parti Á  Maurice qui mette des quotas pour la participation des femmes aux élections législatives, municipales et villageoises. Et pourtant le quota de 20% stipulé dans la constitution de ce parti n’a jamais été traduit dans les faits. Le MMM a pensé qu’il offrait un cadeau sur un plateau aux femmes lorsqu’il a amendé sa constitution lors de la Journée Internationale de la Femme de 2011 afin de faire provision pour qu’il y ait 30% de femmes dans les structures du parti.

A quoi cela sert-il d’avoir 30% de femmes dans les structures du parti s’il ne peut aligner un pourcentage similaire de femmes candidates?

Certains pensent Á  tort que les femmes ne peuvent pas diriger. Pourtant, les pays qui brisent les stéréotypes et qui alignent plus de femmes au Parlement font très bien. Le Rwanda, pays qui émerge après avoir été secoué par un génocide tragique, a plus de 50% de femmes au Parlement. L’Afrique du Sud, pays qui s’est libéré de l’apartheid et qui demeure la dynamique économique de la région, a 42.1% de femmes au Parlement. Ce pays est talonné par l’Angola avec 37.3% de femmes parlementaires, le Mozambique avec 34.8% de femmes parlementaires et la Tanzanie avec 30.4% de femmes parlementaires. Tous ont d’énormes défis Á  relever mais sont des pays pacifiques en voie de développement.
Maurice est cité comme modèle de démocratie et pourtant, il met de côté 51% de sa population.

Cette année, il y aura des élections municipales et villageoises. Si nous voulons le changement, l’heure n’est plus aux belles paroles, ni Á  l’attente des réformes constitutionnelles et électorales. Pendant la campagne électorale de 2010, Navin Ramgoolam a dit aux hommes de son parti de faire attention car aux prochaines élections, il pourrait y avoir plus de femmes alignées que d’hommes alors que Paul Bérenger a donné l’assurance qu’il alignerait au moins une femme dans chaque circonscription.

Pourquoi ne pas joindre le geste Á  la parole Á  la veille de ces élections ? Il est temps d’agir maintenant.

Loga Virahsawmy est la directrice du bureau francophone de Gender Links et présidente de la Media Watch Organisation. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

 

 

 


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