Journée internationale des droits humains: Mandela ne reposera en paix qu’au moment où tous les droits humains seront respectés !


Date: December 8, 2013
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Johannesburg, 9 décembre : La campagne des 16 jours d’activisme contre la violence envers le genre prend fin mardi Á  un moment poignant et important : c’est la Journée internationale des droits humains, le jour même où l’Afrique du Sud organisera les funérailles officielles d’une des icônes des droits humains les plus respectées au monde. Tristement, chaque appel pour l’égalité et la justice semble si banal et moins profond Á  chaque fois mais notre marche vers la liberté et l’égalité du genre est forcée de continuer. Mettre un terme Á  la violence basée sur le genre doit malheureusement être une lutte de 365 jours.

Il est très difficile parmi ce concert de voix qui se sont levées depuis sa disparition, d’immortaliser ce demi Dieu, de retrouver un Nelson Mandela qui soit reconnaissable. Pour s’identifier Á  lui, apprendre de ses actions et ce qu’il a représenté en réalité, il faut patauger dans l’opportunisme politique et individuel qui est Á  la base du déluge dominant d’admiration manifesté par les leaders politiques, les compagnies et les libéraux blancs.

Les hommages Á  Mandela nous interpellent Á  l’émuler, de partager ses convictions et d’appliquer l’héritage qu’il nous a laissé. Mais le monde est loin de cet héritage ayant pour toile de fond l’adulation pour Mandela, quand les abus aux droits humains, la violence envers le genre, la bigoterie et les inégalités se poursuivent sans répit au quotidien.

J’ai écrit un article récemment dans lequel j’ai critiqué l’homophobie mondiale parrainée par les Etats, où des leaders ont publiquement menacé les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et inter-sexes, se référant Á  elles comme une maladie sale et demandant Á  ce que leurs droits soient révoqués. Certains de ces mêmes leaders déversent aujourd’hui des condoléances sur Mandela récemment disparu. Robert Mugabe, président du Zimbabwe, l’a qualifié de « champion des opprimés…qui restera Á  jamais dans nos esprits en tant qu’un combattant inébranlable de la justice. » Vladimir Putin, le président russe, a déclaré que « Mandela s’était engagé en faveur des idéaux d’humanisme et de justice ». Le haut-commissaire sud-africain en Ouganda, John Qwelane, a dit de lui qu’il était « un leader très terre Á  terre qui respectait l’humanité ».

L’hypocrisie flagrante de ces hommages les rend insignifiants et sont plutôt irrespectueux. De même, le racisme, le sexisme et l’homophobie quotidiennes des gens ne disparaîtront pas, ni ne seront annulés et légitimés en remplaçant les photos de profils sur Facebook par celles de Mandela.

Nous voyons la même hypocrisie parmi les activistes du genre et des droits des femmes qui poursuivent et perpétuent une définition étroite et exclusive de l’égalité du genre et de la violence basée sur le genre. La campagne des 16 jours d’activisme continue Á  ne pas tenir compte de la violence perpétrée contre les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et inter-sexes (LGBTI), qui faillit Á  voir comment la violence basée sur le genre alimente aussi l’homophobie et la transphobie.

Les gouvernements, les praticiens de santé et les compagnies d’assurance continuent Á  perpétuer cette violence Á  chaque fois qu’ils disent Á  une personne transgenre de se faire diagnostiquer pour un trouble du genre avant d’aller subir une intervention pour changer de sexe.

Plusieurs instruments internationaux et nationaux ayant trait Á  l’égalité du genre font l’impasse sur les droits des LGTBT en tant que critère pour atteindre l’égalité du genre. Je n’oublierai jamais les propos homophobes vitriolés exprimés par les activistes du genre et les représentantes de la Ligue mondiale des femmes lorsque je les ai interviewées sur les droits des femmes et le genre lors de la 57e Commission sur la Condition des Femmes en mars dernier.

Lors du tout premier Forum global sur les médias et le genre qui s’est tenu Á  Bangkok la semaine dernière, un participant a exprimé sa grande déception Á  l’effet que durant toute la conférence, il n’y a pas eu une seule référence quant Á  la responsabilité des médias Á  montrer une représentation juste et équitable des personnes LGBTI.

Je n’oublierai également jamais les excuses vides et la menace subtile que j’ai reçues d’un journal sud-africain renommé Á  la suite de ma demande d’explication lorsque j’ai découvert que leur secrétaire de rédaction avait systématiquement biffé toute référence Á  l’homosexualité et Á  la non-conformité au genre dans un article sur l’égalité du genre.

Mandela n’était pas qu’un partisan de l’émancipation de la femme, il était aussi un champion des droits des personnes LGBTI. A travers le globe, les activistes lui rendent hommage comme l’homme qui a fait en sorte que l’Afrique du Sud soit le premier pays Á  bannir la discrimination contre les gays.

En 1996, l’Afrique du Sud a adopté une nouvelle Constitution et une législation sur les droits stipulant que tout le monde est égal devant la loi et qu’indépendamment de « sa couleur, son genre, sa religion, son opinion politique et son orientation sexuelle », chaque citoyen a droit Á  la même protection. En 1997, lors du 50e anniversaire du Congrès National Africain, le parti a adopté une résolution opposée Á  la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle.

La South African National Coalition of Gay and Lesbian Equality (NCGLE), avec d’autres organisations partenaires, a continué Á  militer pour les réformes légales et pour la reconnaissance des pactes d’union civile et même le mariage pour les personnes LGBTI. Ils ont eu gain de cause en 2006 lorsque le Parlement a voté le Civil Union Bill.

Phumi Mtetwa, co-fondateur du NCGLE, fait remarquer que « ces résultats positifs sont attribuables Á  la vision de Mandela de faire de l’Afrique du Sud une nation arc-en-ciel… Mandela est devenu une icône importante pour notre mouvement ».

Bien que Mandela ait fait des concessions – trop peut-être – et s’était principalement engagé en faveur de la paix, la violence étant pour lui le dernier recours, il n’était ni un pacifiste, ni un fan de l’hypocrisie.

Rappelez-vous lors des négociations pour une Afrique du Sud démocratique en 1991, en réponse aux attaques du président Fréderic De Klerk contre l’ANC et son aile militaire, Mandela avait dit ceci : « Nous avons suspendu notre lutte armée en dépit du fait que nos gens se faisaient tuer… Il nous demande de démanteler Umkhonto we Sizwe alors que ses brigades de la mort opèrent librement dans le pays. Si M. De Klerk promet de mettre un terme Á  cette violence, il doit alors venir de l’avant et dire : « Je veux que vous nous remettiez toutes vos armes afin qu’il y ait un contrôle conjoint. Mais aussi longtemps qu’il joue un double jeu, nous n’allons pas coopérer avec lui ».

Les féministes et activistes LGBTI sont souvent punies et taxées d’être trop « émotives » ou « trop agressives ». « On nous encourage Á  réclamer nos droits de manière passive et paisible alors que nos corps demeurent des champs de bataille et que la violence basée sur le genre prend des proportions pandémiques. J’estime au contraire que nous ne sommes pas assez en colère. Comme le dit Bell Hooks, lorsque nous embrassons la victimisation, nous renonçons Á  notre rage. Celle ressentie par les opprimés est motivée par l’amour et la justice et motive des actions courageuses ».

S’il y a une chose que j’ai apprise, c’est que les droits humains ne sont pas négociables. Le racisme n’est pas une question de compromis, tout comme nous ne pouvons parvenir Á  un accord de deuxième classe sur les droits des femmes et des LGBTI. Nous ne pouvons réprimer notre colère face Á  la violence et les inégalités persistantes. Nous ne démolirons jamais les murs de briques cimentés par la bigoterie brutale, avec la paix et la persuasion. Nous devons les détruire avec un stoÁ¯cisme altruiste et la force brute et intransigeante de la justice. « Quand les gens sont déterminés, ils peuvent tout surmonter », disait Madiba.

Katherine Robinson est éditrice et manager des communications Á  Gender Links. Cet article qui fait partie du service d’information de Gender Links, fait partie des 16 jours d’activisme contre la violence envers les femmes et les filles.

 


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