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Port-Louis, 3 décembre: Chaque jour des femmes dans le monde et Á Maurice sont victimes de toutes sortes de violence. Et chaque année, des femmes y laissent la vie. Ces violences faites aux femmes et aux filles et commises par des hommes, sont un fléau qui transcende les pays, les ethnies, les cultures, les classes sociales et les tranches d’âges.
Ces injustices que subissent les victimes représentent une atteinte grave Á leur intégrité physique et psychique, une violation de leurs droits fondamentaux Á une vie paisible, Á la sécurité et Á une égale protection devant la loi. C’est lÁ justement que les choses se corsent. La loi, considérée comme étant le premier rempart contre ce phénomène de violence, ne rend pas toujours justice aux victimes de violence.
D’un côté, l’absence de réactions et l’inaction de certains policiers, insensibles au sort des femmes qui se rendent au poste de police pour dénoncer l’abus dont elles ont fait l’objet, interpellent. Car si l’enchaînement des faits rapportés par la plaignante au fil de ses déplacements au poste de police augure une tragédie future, dans bien des cas, aucune mesure concrète n’est cependant enclenchée par des policiers pour empêcher le passage Á l’acte souvent fatal alors qu’ils en ont la possibilité.
Cette situation résume malheureusement la triste histoire de Zarina Goolamgoskhan, une Mauricienne de 24 ans, brÁ»lée vive par son époux dans la nuit du 28 novembre 2012. Régulièrement battue et maltraitée en quatre ans de vie commune, elle a toujours eu le réflexe de porter plainte contre son mari au poste de police Á chaque fois qu’elle subissait des coups. Mais le mari violent n’était jamais arrêté, ni traduit en justice. Or, Á en croire la mère de Zarina Goolamgoskhan, la proximité entre le mari et certains policiers aurait joué en la défaveur de sa fille, le mari violent n’écopant que de quelques rappels Á l’ordre et d’avertissements verbaux, qui n’ont eu sur lui, aucun effet dissuasif. Et l’irréparable a été commis.
Pourtant, il y a tout un arsenal de mesures mises en place par le gouvernement et un protocole bien établi dans la prise en charge d’une victime de violence, Á commencer par l’enregistrement en bonne et due forme de la plainte de la victime. Deuxièmement, il y a la soumission d’une Form 58 attestant que la victime a bel et bien porté plainte pour coups et blessures avant d’être référée Á un médecin de l’Etat qui de son côté, est tenu de la par la loi Á soumettre un rapport qui sera versé au dossier de la plaignante et présenté en Cour lorsque l’affaire sera entendue.
La troisième étape consiste Á référer la victime Á la Police Family Protection Unit dont la spécialité consiste Á encadrer l’encadrer en lui apportant un soutien psychologique personnalisé. Mais ce n’est pas tout. L’Etat travaillant en étroite collaboration avec les organisations non gouvernementales qui luttent contre la violence faites aux femmes Á l’exemple de « SOS Femmes », les victimes sont également dirigées vers ces centres ou placées dans des abris du ministère de l’Egalité du Genre.
Si la volonté du gouvernement Á faire reculer la violence Á l’égard des femmes est manifeste et que des formations sont dispensées aux policiers pour mieux les sensibiliser au sort des victimes de violence domestique, force est de constater qu’il y a toujours un long chemin Á parcourir afin que la police dans son ensemble applique la loi comme elle le devrait dans les cas de violence envers la femme.
Les Cours de justice ne sont pas toujours en reste. Certains jugements et condamnations prononcés en Cour contre des bourreaux ayant mené leurs partenaires intimes Á la tombe choquent et révoltent parfois, laissant chez les proches des défuntes, le sentiment amer d’une terrible injustice face Á laquelle ils sont souvent impuissants.
En Afrique du Sud par exemple, le procès hyper médiatisé de l’athlète paralympique Oscar Pistorius a tenu le pays de Mandela en haleine, ainsi que la planète. Et c’est une onde de choc qui s’est abattue sur ce pays, ainsi que sur la famille de Reeva Steenkamp, la petite amie d’Oscar Pistorius, tuée par balles dans la nuit de la St Valentin, lorsque la juge Thokozile Masipa a déclaré le champion paralympique non coupable d’assassinat mais plutôt d’homicide involontaire en le condamnant Á seulement de cinq ans d’emprisonnement.
Ailleurs comme Á Maurice, le constat est malheureusement le même. Prenons le jugement prononcé dans le procès intenté Á Yessudass Veeranah en 2013 et qui a laissé un goÁ»t amer aux femmes et aux activistes du genre qui militent pour faire reculer la violence basée sur le genre Á Maurice. L’accusé, poursuivi pour homicide involontaire pour le meurtre de sa femme, a été trouvé coupable par le jury de « coups et blessures sans intention de tuer » avec une majorité de sept contre deux.
Suite au verdict du jury, le juge Benjamin Joseph a par la suite condamné Yessudass Veeranah a purger une peine de huit ans de prison seulement, ce dernier ayant tenu compte du fait que l’agresseur a agi sans intention de donner la mort. Cela n’atténue en rien le côté crapuleux de son crime. Lors d’une dispute en 2005, Yessudass Veeranah, qui était alors étudiant en médecine, a tué son épouse avant d’enterrer son corps dans un cimetière. Bien que le procès de Yessudass Veeranah n’ait pas été aussi médiatisé que celui d’Oscar Pistorius, les deux affaires ont quelques similitudes.
Yessudass Veeranah, tout comme Oscar Pistorius, a également recouvré la liberté conditionnelle un mois seulement après les faits. Depuis, il vaquait Á ses occupations le plus normalement possible et a joui de sa liberté entre 2005 et octobre 2013. Et c’est avec un large sourire aux lèvres qu’il a quitté la Cour de justice Á la fin du verdict alors que la mère de la victime, elle, hurlait de douleur et criait au scandale. « Justice n’a pas été rendue Á ma fille. Pourquoi n’a-t-il pas été également condamné pour avoir enterré ma fille illégalement ? », ne cessait-elle de demander en pleurant. Si le jugement de Yessudass Veeranah révolte, celui impliquant l’accusé Nasserudin Tengur plus encore.
En 2008, lorsque les restes de la prostituée Marie Lourdes Collet sont retrouvés, la police peine Á retracer les assassins de cette dernière. Il leur faut six mois et un autre cadavre sur les bras pour mettre la main sur les meurtriers de cette femme qui était prostituée, Á savoir Fawzi Codaboccus, Amamoullah Emamdee et Nasseerudin Tengur. Ils n’en sont pas leur premier forfait. En décembre 2008, lorsque le corps sans vie de Khairoonessa Tengur, violée et battue Á mort est découvert, la police procède Á l’arrestation du neveu de cette dernière, Nasseerudin Tengur, qui passe immédiatement aux aveux, incriminant Amamoullah Emamdee et un adolescent de 17 ans qu’il désigne comme ses complices.
Interrogé par les enquêteurs, c’est lÁ que Nasseerudin Tengur avoue également le meurtre de la prostituée Marie Lourdes Collet et désigne une fois de plus Amamoullah Emamdee comme complice, de même que Fawzi Codaboccus et ils racontent comment ils ont tué Marie Lourdes Collet. Les trois hommes ont eu des relations sexuelles avec elle et l’ont ensuite passée Á tabac pour récupérer leur argent. Ayant toutefois remarqué que la jeune femme avait noté le numéro d’immatriculation de leur voiture, ils l’ont heurtée avec la voiture, passant les roues du véhicule Á plusieurs reprises sur son cadavre, avant de le brÁ»ler.
Si durant son incarcération, Ammanoullah Emmamdee a rendu l’âme, Nasseerudeen Tengur n’a pas échappé Á son sort et a été condamné Á purger une peine de quarante ans de prison par le juge Benjamin Marie Joseph pour le meurtre de Marie Lourdes Collet. Son autre complice, Fawzi Codabocus, fait lui l’objet d’un procès séparé pour le meurtre de cette femme. Mais Nasseerudin Tengur devra de nouveau comparaître en Cour en janvier prochain et cette fois-ci pour le meurtre de sa tante. La justice se prononcera une nouvelle fois sur son sort. Et souhaitons que la clémence ne soit pas de mise.
L’affaire de Nasseerudin Tengur traduit les failles de notre système de justice qui doit certainement être revu. Pour cause, Á ce jour, plusieurs cas de meurtres dont les victimes sont des femmes n’ont toujours pas été résolus et les auteurs de ces crimes crapuleux courent toujours dans la nature. Ceux-lÁ peuvent encore sévir Á tout moment en reproduisant des actes de violences sur des femmes ou même sur des hommes, voire des enfants sans défense. Il est plus que temps que les enquêteurs révisent leur mode opératoire en vue coincer ces assassins qui passent Á travers les filets du système et ce, dans l’intérêt de tout un chacun.
Ce qui serait conforme Á l’article 20 du Protocole de la SADC sur le genre et le développement qui demande Á ce que les Etats membres révisent au plus tard 2015 leurs lois et procédures pénales applicables aux cas de violences sexuelles et s’assurent que les auteurs de ces violences soient traduits devant des tribunaux compétents. A la veille de cette année butoir, il est plus qu’urgent que les autorités mauriciennes, qui pour rappel, n’ont pas signé ni ratifié ce document mais qui adhèrent Á ses nombreux principes, se penchent davantage sur cette question.
Laura Samoisy est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie de la série spéciale axée sur la campagne des 16 jours d’activisme du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
Comment on Mauritius: La loi fait-elle vraiment justice aux victimes de violence? Pas toujours!