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Côte d’Ivoire, 25 juillet: Le partage du pouvoir et des responsabilités entre femmes et hommes en Côte d’Ivoire demeure très inégal, malgré l’existence d’une égalité de droit. Les femmes sont souvent considérées comme des subalternes et principalement confinées au secteur informel qui est non rentable. Au moment où la Côte d’Ivoire est engagée sur le chemin de l’émergence économique, les statistiques démontrent que les femmes sont encore sous représentées dans les structures et institutions publiques comme privées.
D’après les chiffres fournis par le Groupe des organisations féminines ivoiriennes Å“uvrant pour l’égalité entre hommes et femmes Á tous les niveaux, le taux de représentativité des femmes aux postes de décision demeure faible. «Plus de 50 ans après l’indépendance de la Côte d’Ivoire, la situation des femmes de ce pays n’a pas connu de réels progrès. Pourtant, elles constituent plus de la moitié de la population ivoirienne, elles sont instruites autant que leurs frères; sont compétentes et ont démontré leurs capacités de gestion et de négociations lors de réunions de processus de paix », constate Rachel Gogoua, porte-parole de ce groupe d’organisations féminines ivoiriennes.
En juin 2014, ladite organisation a fait le point de la représentation des femmes Á des postes décisionnels au sein du pouvoir. Au niveau du gouvernement, sur un total de 29 ministres, on dénombre cinq femmes, soit 17, 24%. A l’Assemblée nationale, sur les 249 députés qui y siègent, seules 26 sont des femmes, soit 5,6%. Par ailleurs, il n’y a que neuf femmes maires sur les 197 que compte la Côte d’Ivoire, soit 4,56%. Ces chiffres montrent bel et bien une inégale attribution des rôles sociaux. Ce que confirme le Pr Biaka Zasséli, doyen de l’UFR des Sciences de l’Homme et de la Société (SHS) Á l’université d’Abidjan-Cocody. L’universitaire explique que si le développement repose sur les épaules de la femme, sa valeur reste malheureusement encore largement ignorée.
Les discriminations ont encore la peau dure dans le pays. Les réflexes patriarcaux et les stéréotypes sexistes habitent encore l’esprit de certains hommes. «Ce sont les hommes qui nomment. Comment voulez-vous alors qu’ils nomment le même nombre de femmes que d’hommes Á des postes importants dans l’appareil décisionnel d’une institution privée ou publique, » se demande Hélène Akoun, une éducatrice.
L’Etat ivoirien a pourtant ratifié la plupart des textes internationaux destinés Á lutter contre les discriminations Á l’égard des femmes. En effet, la Côte d’Ivoire est partie prenante de différents instruments juridiques internationaux et régionaux comme la Résolution 1325 des Nations Unies, la Convention pour l’élimination de toutes formes de violences Á l’égard des femmes, le Protocole de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes, la déclaration des chefs d’Etats de l’Union africaine et la déclaration des chefs d’Etats de la CEDEAO.
Sur le plan national, en aoÁ»t 2000, la Cote d’Ivoire s’est dotée d’une Constitution qui consacre l’égalité entre la femme et l’homme par une participation effective et paritaire Á tous les niveaux et une politique écrite sur l’égalité des chances, l’équité et le genre.
De plus, ce pays fait aussi partie des premiers pays au monde Á avoir développé un plan d’action pour la mise en Å“uvre de la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. L’un des axes principaux de ce plan d’action est la participation des femmes aux prises de décision dans les négociations pour la paix. Mais malgré cela, le gouvernement avance Á pas de tortue sur le dossier d’adoption d’une loi sur la parité homme- femme Á tous les niveaux de prises de décision.
Il y a certes quelques motifs de satisfaction. En effet, il y a eu l’élection d’une femme Á la vice-présidence de l’Assemblée nationale et la nomination d’une autre femme Á la tête de la Grande chancellerie de Côte d’Ivoire, nominations saluées par le Réseau des femmes des partis politiques de Côte d’Ivoire (REFEPCI) qui parle « d’avancées dans le statut de la femme ». En sus de ces exemples, on pourrait aussi ajouter la promotion de la première femme au grade de général du corps d’armée.
Cependant, ces mesures ne sont que symboliques et ne suffisent pas Á promouvoir davantage les femmes au sein de la société ivoirienne. Les gouvernants doivent encore montrer qu’ils ont la volonté de souligner et d’encourager la participation active de la femme Á l’édification de la société ivoirienne. « La Côte d’Ivoire doit s’inscrire dans la logique de réalisation progressive de la recherche de la protection et de l’égalité entre homme et femme (…) La femme doit s’engager Á faire corriger le déséquilibre actuel qui existe entre elle et l’homme, en obtenant des gouvernants un seuil de représentation acceptable Á travers des réformes normatives dont la plus importante attendue est la loi sur la parité ou Á défaut sur le quota”, préconise Madeleine Bley Miandiga, présidente du Réseau des femmes des partis politiques de Côte d’Ivoire (REFEPCI).
Le modèle du Sénégal, qui a voté la loi sur la parité en 2010, pourrait inspirer la Côte d’Ivoire. D’après cette loi, les listes électorales pour toutes les institutions « partiellement ou totalement » électives devront être “alternativement composées des deux sexes” sous peine “d’irrecevabilité”. Ces institutions sont l’Assemblée nationale, le Sénat, les conseils régionaux et municipaux.
Il est temps d’interpeler les décideurs ivoiriens et leur rappeler qu’ils doivent prendre des mesures courageuses et faire fi des atermoiements évidents, pour adopter enfin cette loi sur la parité, en conformité avec la Constitution de juillet 2000. Une loi d’ailleurs très attendue par les Ivoiriennes qui souhaitent l’instauration d’une compétition saine et objective, de la justice sociale et la reconnaissance de l’importance de la position et de l’implication de tous. Cela, afin de relever les défis d’une plus grande émergence des femmes aux postes décisionnels.
La Côte d’Ivoire, comme l’oiseau qui déploie ses deux ailes, ne pourra s’envoler vers le développement qu’avec le concours conjoint des femmes et des hommes.
Augustin Tapé est journaliste radio et web, spécialisé en genre et coordonateur de site d’information www.newsivoire.com. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
2 thoughts on “La loi sur la parité en Côte d’Ivoire: un vote qui se fait toujours attendre”
Merci pour cette interpellation. Nous voulons la parité !
Merci cher Heforshe. Le combat continue. La victoire n’est pas loin. Dr Brou