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Il est 8h et le bruit des machines Á coudre se fait entendre au domicile d’Aurélie Jaonary. Cette médaillée d’or aux 400m haies lors des Jeux de la Francophonie de 1997 Á Antananarivo a décidé de défendre les couleurs nationales autrement.
Contrainte Á faire une croix sur sa carrière d’athlète Á la suite d’une blessure musculaire Á sa jambe gauche, blessure qui ne n’est pas complètement guérie, Aurélie Jaonary a pu trouver une nouvelle carrière en confectionnant les tenues vestimentaires pour les équipes nationales malgaches engagées dans différentes disciplines sportives.
Faisant partie du groupe des premiers athlètes qui ont intégré le centre d’entrainement de la Fédération Internationale d’Athlétisme de Dakar au Sénégal en 1997 et 1998, elle a lancé un appel Á l’aide au niveau de la Confédération de la Jeunesse et des Sports de l’Océan Indien (CONFEJES), instance dont une branche qui gère du mieux qu’elle peut la carrière des athlètes qui sont Á la retraite.
Elle reçoit alors un financement de la part de la CONFEJES après avoir présenté son projet complet. « Avec la blessure que je traînais depuis quelques années, j’ai dÁ» abandonner définitivement la compétition. J’ai alors décidé de souscrire au programme de la CONFEJES qui accorde une aide aux athlètes de haut niveau Á la retraite ou Á ceux qui ont été contraints de mettre un terme Á leur carrière sportive. Heureusement que ma demande a été retenue. C’est ainsi que j’ai pu bâtir ma petite entreprise avec la petite expérience en couture que j’avais acquise lorsque je me trouvais au Sénégal, » explique Aurélie Jaonary.
Avec le financement obtenu, elle a investi dans des équipements de couture comme par exemple des machines Á coudre. On est alors Á la fin des années 90 et au début de l’an 2000.
« Aurélie était le genre d’athlète qui s’est toujours beaucoup investie dans les entraînements. Il arrivait même des moments où elle était si fatiguée de s’entraîner qu’elle vomissait sur la piste. Mais aussitôt après, elle se remettait debout pour finir la séance d’entraînement. Tout cela pour dire qu’elle est une battante et cela ne m’étonne pas qu’actuellement, elle a pu réussir dans sa reconversion professionnelle. Elle a toujours fait honneur Á l’athlétisme malgache et aujourd’hui encore, c’est le cas avec son activité professionnelle, » témoigne Jean Prosper Rajaonarison, son ancien entraîneur, du temps où elle était la reine de la piste Á Madagascar.
En l’espace de dix ans, cette célibataire de 42 ans s’est construit un petit empire dans le domaine des travaux de coutures en vêtements sportifs – maillots, survêtements et autres -. Un de ses importants partenaires est l’État malgache qui lui octroie souvent des contrats pour la confection de survêtements nationaux des différentes disciplines sportives qui font honneur Á Madagascar.
Ses autres clients sont des clubs de football, de volley-ball, de handball, de rugby, de basket-ball, sans parler d’une ribambelle de particuliers qui font queue pour passer les commandes Á son domicile. Durant six éditions du tour cycliste international de Madagascar (2004 Á 2010), c’est elle qui a obtenu le contrat de confection de tous les maillots distribués aux coureurs.
« Quand je me fixe un objectif, je trouve toujours les moyens d’arriver Á l’atteindre. J’ai toujours agi ainsi en pratiquant l’athlétisme et je fais de même dans ma vie quotidienne. On peut dire que l’athlétisme, c’était toute ma vie et que c’est Á travers cette discipline que j’ai pu me trouver une autre voie professionnelle », explique Aurélie Jaonary, qui songe actuellement Á ajouter Á ses travaux, la confection de combinaisons et autres blousons.
En ayant réussi cette reconversion, Aurélie Jaonary échappe Á la triste fin que connaissent généralement les anciens sportifs malgaches de haut niveau, qui tombent dans l’anonymat et presque la misère, faute d’avoir un statut les régissant et qui aurait pu leur apporter une sécurité bien méritée.
Pour tout dire, le jeu n’en vaut pas la chandelle Á Madagascar. ÁŠtre un sportif de renommée internationale, c’est certes beaucoup d’honneur mais au final, il n’y a ni soutien, ni reconnaissance de l’État. Quand l’athlète commence Á prendre de l’âge et se retire, il est quasiment délaissé et n’a droit Á aucune prestation sociale.
Cette triste situation dure et c’est ce qui explique la réticence des parents Á encourager leurs enfants Á s’investir dans le sport. Ce qu’on peut espérer, c’est que les futurs sportifs malgaches de haut niveau puissent bientôt bénéficier des avantages que pourrait leur offrir une reconnaissance de statut par l’Etat. Pour qu’ils ne finissent pas en vendeurs de cacahuètes.
Dina Razafimahatratra est journaliste Á Madagascar. Cet article fait partie du service d’opinions et de commentaires de Gender Links.
Comment on La malgache Aurélie Jaonary: une championne d’athlétisme reconvertie en business woman