La Mother and Child Unit: Donner envie aux mères détenues de ne pas récidiver

La Mother and Child Unit: Donner envie aux mères détenues de ne pas récidiver


Date: February 25, 2015
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Maurice: Si être privé de sa liberté en étant emprisonné est dur, être privé de ses enfants peut l’être davantage. Surtout sur le plan émotionnel, tant pour la mère que pour l’enfant, qui du jour au lendemain, est arraché brutalement de sa maman. Il est difficile aux enfants en bas âge de comprendre de comprendre la situation, de sorte que la tristesse se mêle parfois Á  la colère. Parfois, ils sont même habités par l’espoir de voir leur mère revenir, plus tôt que tard. Dans bien des cas, l’attente est très longue et encore plus éprouvante.

Sentiment d’abandon, perte de confiance en soi, ils sont parfois livrés Á  eux-mêmes et deviennent en quelque sorte les victimes des bêtises de leurs mères ou pères alors qu’ils ne sont fautifs en rien. De par ce manque d’affection et d’encadrement dès leur plus jeune âge, il n’est pas rare que certains de ces enfants dont les mères sont en prison deviennent des ados Á  problème qui Á  leur tour vont connaitre les cellules d’un centre de détention pour délinquants, comme le fait ressortir la psychologue Véronique Wan.

« L’éducation d’un enfant se fait dès son plus jeune âge. Si Á  la base, l’enfant a été livré Á  lui-même, il y a de fortes chances qu’il accumule les petits délits, ne pouvant différencier le bien du mal. Un parent peut avoir fait une bêtise mais il ne voudra jamais que son enfant répète la même erreur », soutient notre interlocutrice. Donc, il n’est pas impossible qu’une femme qui a fauté aux yeux de la société puisse inculquer de bonnes valeurs Á  son enfant et l’aimer de toutes ses forces. C’est même souvent le cas. De nombreux centres pénitenciers Á  travers le monde ont pris le pari de maintenir la relation d’amour entre la mère emprisonnée et son enfant de moins de six ans. Pour y arriver, des maisons particulières ont été spécialement construites dans l’enceinte des prisons pour accueillir mère et enfant afin de maintenir le lien affectif entre eux. Et l’univers carcéral mauricien a également jugé bon de mettre en place un tel système dans son milieu pénitencier. Et ce, pour le bien-être de l’enfant et de sa mère. Cette mesure, appliquée depuis 2008, répond aux exigences du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement et ce, même si Maurice n’en est pas signataire. Elle a depuis grandement porté ses fruits.

Ce n’est pas Mirella Latchman, assistant surintendante et responsable du dossier de réhabilitation qui dira le contraire. « Ce n’est pas une simple affaire que d’être en prison. On se sent diminué, sans importance aux yeux de la société. Mais lorsqu’on donne Á  une mère incarcérée la chance de prendre soin de son enfant au quotidien, elle retrouve confiance en elle et se sent utile. Cette démarche vise aussi Á  la rendre responsable et surtout disciplinée. Ce qu’elle aura appris en prison lui servira une fois qu’elle en sera sortie. La plupart des femmes qu’on a accueillies avec leurs enfants n’ont pas remis les pieds Á  la prison, c’est tout dire », confie Mirella Latchman.

La Mother & Child Unit, c’est ainsi qu’a été baptisée la maison d’arrêt des mamans, opérationnelle depuis 2008. Antonella, une Mauricienne de 30 ans, mère d’un petit garçon de sept mois et Anièce, une Malgache du même âge et mère d’un garçonnet de deux ans, se confient. « Ici, on est comme Á  la maison. Chaque maman a sa propre chambre. Chaque bébé a son berceau. Ses effets personnels tels que le lait, les couches, la bouilloire sont offerts par l’établissement. Lorsque bébé pleure la nuit, je peux me réveiller et préparer son biberon. Ici, nous sommes comme une famille. Lorsqu’un bébé est malade, la maman a la possibilité de s’occuper de lui. Mais on a aussi un médecin Á  notre disposition de jour. Et lorsque bébé est plus gravement malade de nuit par exemple, un médecin est appelé en urgence », précise Antonella.

Pour cette jeune femme, être mère en prison est synonyme d’une deuxième chance. « Grace Á  cette responsabilité, j’ai retrouvé ma dignité. Le plus important est de savoir que je suis avant tout une maman, avec un cÅ“ur aimant, peu importe la bêtise que j’ai commise. »

Anièce, elle, loin de sa famille, croque chaque instant qu’elle passe en compagnie de son fils en milieu carcéral. Car elle sait, que dès que son petit aura cinq ans, il sera remis Á  sa famille qui vit Á  Madagascar. La politique actuelle de la prison est d’accueillir seulement des enfants de moins de six ans en milieu pénitencier. «C’est aussi une réalité. Mais je dois faire avec. Mais le plus dur est de ne pas savoir quelle sera ma peine d’emprisonnement pour mon délit. Il me faut attendre la fin du procès pour être fixée. L’idée de me séparer de mon fils et de ne pas savoir quand je le reverrai lorsqu’il quittera la prison Á  cinq ans m’est insupportable. Mais je dois remercier Dieu car j’ai la chance de partager son quotidien et de l’aimer un peu plus chaque jour », fait ressortir la Malgache, le cÅ“ur lourd.

Mais la Mother & Child Unit n’est pas le seul endroit où les mères incarcérées peuvent s’épanouir en compagnie de leurs bébés. Il y a aussi le Kids R Kids, une crèche dont la prise en charge est assurée par la Fondation pour l’Enfance de Terre de Paix. « Actuellement, il y a six détenues Á  la prison avec leurs enfants. Lorsqu’elles sont occupées Á  des travaux, les enfants sont Á  la crèche qui opère entre 9 et 16h. Mais cette crèche est très particulière et surtout très humaine. Elle accueille non seulement les enfants des détenues mais aussi ceux du personnel de la prison et les enfants de milieux défavorisés qui habitent le voisinage. Kids r Kids, c’est une belle façon de dire que tous les enfants sont égaux », explique Mirella Latchman.

Lors de son inauguration en 2012, Jean Bruneau, le commissaire des prisons avait salué haut et fort cette initiative. « C’est une manière de promouvoir l’égalité des chances. Chaque enfant né égal, avec les mêmes droits. Avec cette crèche, ils ont la possibilité d’avoir accès Á  un espace ouvert et peuvent se développer. C’est prendre un enfant par la main, peu importe le fait de grandir en milieu carcéral ou pas », avait-il déclaré.

Etre maman en prison, c’est avant tout une expérience humaine forte qui vise Á  redonner confiance aux mères détenues et Á  leur donner l’envie de vivre et de s’en sortir pour leur enfant.

Laura Samoisy est journaliste Á  Maurice. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.

 


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