Madagascar: L’absence de politiques gouvernementales favorise les abus sur les personnes handicapées

Madagascar: L’absence de politiques gouvernementales favorise les abus sur les personnes handicapées


Date: December 3, 2014
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Antananarivo, 3 décembre: En cette Journée internationale des personnes handicapées, les handicapés malgaches dénoncent la politique publique qui ne reconnaît pas leurs droits. «Nous sommes des citoyens Á  part entière et nous payons nos impôts comme tout le monde mais nous n’avons rien en retour. C’est un vol sur les personnes handicapées », estime Falihery Razafindrakoto, président du Réseau Malgache du Handicap.

Il dénonce la mise Á  l’écart des personnes handicapées, ainsi que des organisations de défense de leurs droits qui ne sont jamais impliquées lorsque les politiques les concernant sont élaborées. Madagascar évoque ces jours-ci l’éventuelle ratification de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées. Toutefois, dans le projet de loi de finance 2014 pour les dépenses prévues du gouvernement malagasy, les associations défendant les droits de ces groupes vulnérables se demandent si une enveloppe leur sera allouée pour permettre aux personnes handicapées de jouir des mêmes droits que les autres citoyens.

Le pays vient juste d’élaborer sa politique publique dont le plan national de développement (PND). Mais personne n’a pris la peine de consulter les personnes handicapées qui sont considérées quantité négligeable. Dans la société malagasy, la stigmatisation et les préjugés Á  leur encontre demeurent. C’est une forme de violence qui les rend amers. Il s’agit ici principalement d’une violence morale et psychologique qui se traduit par le fait d’affubler la personne handicapée de qualificatifs dénigrants: « kilemaina », « kapila », « kalamalemy », signifiant boiteux et faible !

D’autres comportements montrent l’insensibilité de la société malgache Á  l’intégration des personnes handicapées. «Les gens savent parfaitement que je suis aveugle mais ils se mettent volontairement en travers de ma route et quand je les heurte, ils me houspillent parce que je les ai touchés! », raconte Rasoazay une aveugle née Á  Fianarantsoa.

Ruffine, une handicapée physique de la ville de Toliara, confie qu’elle travaille dans un restaurant. «Quand j’ai envie d’aller aux toilettes, le patron ne me le permet pas avant de vérifier qu’aucun client ne soit Á  l’horizon ». Une autre handicapée de Toamasina, qui a requis l’anonymat, estime que «c’est une forme de violence lorsque ses voisins font exprès de jeter leurs ordures dans sa cour. »

Mais de nombreuses personnes les jugent par rapport Á  leur utilité socioéconomique. «Une personne handicapée qui n’a pas de travail, pas de ressources, perd également sa dignité. Elle est la risée de tout le monde », poursuit Falihery Razafindrakoto.

Tout comme les femmes qui optent pour la promotion de l’approche genre, les personnes handicapées prônent l’inclusion et la non-discrimination. Mais contrairement aux Malgaches qui ont bénéficié d’une journée de congé rétribuée Á  l’occasion de la Journée internationale de la femme, les personnes handicapées travaillent durant la journée du 3 décembre qui leur est pourtant dédiée.

«A mon avis, il faut sensibiliser et conscientiser non seulement les pouvoirs publics mais aussi la population et les personnes handicapées elles-mêmes. Pour la population, le message Á  faire passer doit être Á  propos de l’impact négatif de la violence sur les victimes et leur entourage. Pour les personnes handicapées, ledit message doit être plutôt axé sur la nécessité d’avoir un regard positif tout en étant prudents et sur leurs gardes quant aux violences sexuelles car en général, la violence se pratique même dans les centres qui les accueillent », raconte Fela Raharinjato qui est Á  la tête de l”association Sembana Mijoro regroupant des femmes en situation de handicap.

Il est temps que les autorités malgaches travaillent également sur l’aspect législatif et aient un cadre juridique qui tienne compte des besoins spécifiques des personnes handicapées afin que celles-ci puissent jouir et exercer leurs droits comme tout autre être humain. Actuellement, la communauté des personnes handicapées s’active pour faire ratifier la convention internationale les concernant. Si cela devient une réalité, leur accès Á  l’emploi s’en trouvera facilité et leur autonomisation économique assurée.

Les associations proposent une solution alternative: le placement. Le centre Sembana Mijoro accorde par exemple un appui aux petits projets générateurs de revenus et embauche des personnes handicapées dans son atelier. Une cinquantaine de jeunes handicapés en ont profité Á  ce jour.

Jusque lÁ , les régimes qui se sont succédé n’ont pas pensé Á  établir un programme cohérent sur le handicap. Encore un autre abus envers eux. Madagascar participe actuellement Á  la campagne des 16 jours d’activisme contre la violence Á  l’égard des femmes, y compris les handicapées. Il est temps que ce pays appuie le mouvement des personnes handicapées, ainsi que la recherche sur le handicap.

Fanja Razafimahatratra est journaliste en freelance Á  Madagascar. Cet article fait partie de la série spéciale axée sur la campagne des 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité quotidienne.

 


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