L’animatrice radio Tia l’Entêté: faire chaque femme apporter sa pierre Á  l’édifice de l’égalité du genre

Sa voix joyeuse s’infiltre partout dans les studios aux lumières tamisées de Radio Plus, une des deux radios libres de Maurice. «Quel est votre secret pour que vous restiez toujours en forme, » demande-t-elle au micro en lisant un SMS que lui a envoyé un auditeur visiblement charmé. «Je n’en sais rien. Il suffit de rester soi-même, je crois, » le reste de sa phrase est happé par un fou rire, un des nombreux de la journée de Tia L’Entêté.

Ce petit bout de femme, aux formes généreuses, est une boule d’énergie. Son rire contagieux est devenu, après trois ans passés Á  Radio Plus, un élément essentiel Á  la bonne humeur Á  la radio, disent ses collègues. C’est qu’elle est, dans l’âme, une rigolote et une leader.

Avant de devenir animatrice, Tia L’Entêté a travaillé Á  Outremer Telecom juste après ses études secondaires. Télé-agente au service recouvrement Á  poursuivre des Français mauvais payeurs, son talent de dirigeante est vite remarqué. Au bout de neuf mois seulement, elle est promue responsable du service Á  la tête d’une équipe de 15 personnes dont des hommes pères de familles.

Comment a-t-elle fait pour imposer son autorité dans cet univers compétitif et stressant? Tia hausse les épaules, fait une grimace et rit Á  gorge déployée. «Je suis restée moi-même. Ma franchise, mon traitement équitable envers les hommes comme les femmes a fait que jamais les hommes de mon équipe n’ont tenté de contester mon autorité. »

Casée professionnellement, Tia L’Entêté aurait alors pu dormir sur ses lauriers en attendant de rencontrer le prince charmant, de fonder une famille et de voir grandir ses enfants. Mais ce n’est pas sa vision de la vie. Elle avait un rêve et c’était faire de la radio. «Bien que je sois une femme, je n’ai pas hésité Á  tout abandonner et Á  recommencer Á  zéro. »

La voilÁ  donc, celle qui depuis l’âge de 12 ans, mimait un micro avec une brosse Á  cheveux, celle qui rêvait d’avoir son émission de divertissements, la voilÁ  en janvier 2008 Á  Radio Plus. LÁ  on ne jouait plus. C’était une vraie radio, avec de vrais micros, de vrais auditeurs et le direct. Tia L’Entêté n’a eu aucune peine Á  s’imposer.

Ce qu’elle aime avec ce métier, ce sont les rencontres avec non seulement les stars – Zouk Machine, Lynsha, Lord Kossity, Dj Assad, Kymai, les jumeaux Seleçao, Fanny J, Medi Custos, SlaÁ¯, Orlane, Shaggy – son carnet d’adresses contient les numéros de tous ces artistes internationaux et locaux tels que Désiré François, Linzy Bacbotte, Didier Clarel, Bruno Raya, Blakkayo, Alain et Laura Ramanisum, Ino Nakeed qu’elle a interviewés dans son émission Séga Nou La Misik diffusée pendant le week-end – mais aussi ses contacts avec les auditeurs anonymes qui lui demandent constamment des dédicaces.

La plus fidèle de toutes, c’est sans conteste Mamie Rosemay, cette grand-mère de Curepipe, qui lui rend visite Á  chaque fois qu’elle vient Á  Port-Louis. La vieille dame lui apporte toujours des gâteaux, des accessoires qu’elle a tricotés. Tia L’Entêté se fait toujours un devoir de la rencontrer, de même que les nombreux auditeurs qui se déplacent jusqu’Á  Radio Plus pour pouvoir mettre un visage sur son nom. «Dans le marketing, le client est roi. A la radio, le roi c’est l’auditeur, » explique Tia. «Le jour où un animateur se prendra pour le roi de l’audiovisuel, ce sera le début de sa fin ».

VoilÁ  pourquoi, selon elle, être femme est un avantage certain dans ce métier. «Une femme a le sens du service. Elle sait rester humble. Elle est maternelle envers ses auditeurs et une femme a de nombreuses capacités. » La preuve, Tia L’Entêté anime non seulement l’émission Music Trend entre 18 et 19 heures pour aider ses auditeurs Á  décompresser après une dure journée mais elle prête aussi sa voix charmeuse Á  Tube Floor entre 22h et minuit. Elle est aussi l’ambassadrice des artistes locaux dans Séga Nu La Mizik diffusée le week-end. Elle s’est même déjÁ  prêtée Á  la matinale (6h-9h) et la tranche horaire 10h-13h, écoutée essentiellement par les ménagères.

Mais Tia L’Entêté continue de rêver d’une île où les femmes auraient un pouvoir accru, mais où elles seraient surtout respectées. «Quoi qu’en disent certains, notre sensibilité féminine et nos émotions peuvent résoudre de nombreux problèmes dans ce pays. La femme n’a plus Á  prouver sa capacité Á  diriger. L’Histoire retiendra les noms de Mère Thérésa, Rosa Parks, voire celle d’Aung San Suu Kyi mais l’Histoire peut aussi retenir les noms de toutes les Mauriciennes autant que celles du monde. C’est ce que j’essaie d’inculquer Á  mes auditrices tous les jours. Je leur répète qu’il n’est pas nécessaire d’être ministre ou députée pour apporter une influence féminine positive dans la société. Chacun de nos gestes, de nos mots, de nos comportements peut changer le regard que l’homme porte sur nous. »

Vivre, poursuivre ses rêves, être heureuse, Tia L’Entêté conjugue le tout au quotidien. Elle invite d’autres femmes Á  en faire autant. «Si chacune poursuit ses rêves et sa destinée, on gagnerait vite le combat en faveur de l’égalité du genre. »

Paul Sophonie est journaliste Á  Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.