L’application des lois reste problématique en RDC

L’application des lois reste problématique en RDC


Date: March 7, 2013
  • SHARE:

CSW 57, 5 mars : Si l’on ne s’en tenait qu’aux textes de loi, la République Démocratique du Congo aurait reçu la médaille du meilleur élève en matière de parité parmi les pays de la Communauté de Développement de l’Afrique australe car un article inséré dans sa Constitution consacre la parité Á  tous les niveaux. Mais l’application de ces législations reste problématique. C’est ce qu’ont expliqué Espérance Mawanzo, directrice de l’Observatoire de la Parité et Irène Esambo Diata, avocate et fondatrice du Centre d’études sur la Justice et la Résolution 1325 (CJR 1325) lors d’une session consacrée aux façons de réduire la violence basée sur le genre en RDC.

Espérance Mawanzo a expliqué que les discriminations, violences et autres exactions Á  l’égard des Congolaises adultes et jeunes sont le fruit d’une éducation sexiste transmise de père en fils. Cette violence va jusqu’Á  laisser les garçons avoir préséance sur les filles en matière de scolarisation avec pour résultat que dans la province du Sud Kivu Á  l’est du pays, il y a 42% de filles qui n’ont pas complété leurs études primaires et 41% de femmes qui sont analphabètes. Dans le monde du travail, la majorité des Congolaises se retrouvent dans le secteur informel et gagnent peu alors que ce sont elles qui sont les piliers de la famille. Dans le secteur de la sécurité, il n’y a que six femmes juges sur les 144 juges en poste au Sud Kivu, trois femmes parlementaires sur les 66 parlementaires élus et une seule femme Á  la tête d’un parti politique.

L’Observatoire de la Parité a été institué justement en raison de cette dichotomie qui fait qu’il y ait des législations progressistes Á  l’égard des femmes mais que celles-ci ne soient pas appliquées. Pour contrer les inégalités dans l’éducation, l’Observatoire de la Parité a mis sur pied deux projets pilotes avec l’aide du Programme des Nations Unis pour le Développement. Le premier se nomme « Tugawe Kazi » ou « Partageons les tâches » et consiste Á  sensibiliser les élèves de 17 écoles de la province de Bukawu, ainsi que leurs enseignants, sur la nécessité d’intégrer l’égalité du genre Á  l’école et dans le programme d’études.

Le second projet baptisé «Club Malala » est inspiré de Malala Yousufzai, jeune Pakistanaise de 14 ans qui défendait les droits des filles de son pays d’aller Á  l’école et qui a été grièvement blessée par des extrémistes. Heureusement qu’elle a pu être tirée d’affaire. «Le Club Malala est un espace où les filles peuvent exprimer leurs expériences de violence et discuter des solutions. On les forme et on les accompagne pour qu’elles fassent elles-mêmes la promotion de l’égalité du genre et de l’égalité des chances ».

Espérance Mawanzo a demandé Á  l’Unicef d’imposer des conditions lorsqu’elle finance des projets en RDC car la campagne «Toutes les filles Á  l’école », lancée par cette instance des Nations Unies il y a deux ans, n’a pas eu d’impact. «Lorsqu’elle finance un projet, l’Unicef doit poser ses conditions, y compris menacer de sanctions ». Tout comme la directrice de l’Observatoire de la Parité a demandé Á  cette instance des Nations Unies d’accompagner le gouvernement congolais dans la réforme du système éducatif et aux organisations non-gouvernementales locales et internationales de ne pas accepter l’impunité pour les actes de violence Á  l’égard des femmes et des filles. «Il faudrait aussi que la communauté internationale reconnaisse que les violences envers les femmes n’ont pas lieu que dans des régions où sévit la guerre mais aussi dans des régions où règne la paix ».

Irène Esambo Diata a évoqué le rôle et la contribution de la société civile dans la promotion du genre dans les systèmes de sécurité et de justice. Elle a fait ressortir que les inégalités entre femmes et hommes existent dans la justice où il n’y a ni femmes notaires, ni femmes greffières, ainsi que dans l’armée et la police.

Le CJR 1325 a effectué une étude pour répertorier les violences envers les femmes dans ces deux corps de métiers. Il y en a plusieurs mais les principaux sont qu’il n’y a aucune femme au plus haut niveau de la police, que la majorité des décideurs qui s’y trouvent sont des hommes. Au niveau de l’armée, il n’y a pas de femme générale et les femmes se retrouvent généralement aux échelons inférieurs.

«Une discrimination que les femmes vivent dans la police comme dans l’armée a trait Á  leur statut marital. Les règlements stipulent que les hommes et les femmes recrutés dans l’armée et la police doivent être célibataires. Or, après quelques années, les hommes n’ont aucun mal Á  faire accepter le fait qu’ils soient mariés alors que les femmes ne sont pas autorisées Á  le faire. Il y a même un slogan qui dit que le corps de la femme est la propriété de l’Etat ».

Autre discrimination est que les femmes sont rares dans toutes les formations destinées aux militaires et aux policiers. Interrogés Á  ce sujet, les chefs de ces deux corps de métiers ont expliqué que c’était en raison «d’un manque de capacités intellectuelles des femmes ».

D’un côté, le CJR 1325 travaille avec les étudiants d’université et les élèves du secondaire pour les inciter Á  poursuivre leurs études le plus loin possible afin de pouvoir ensuite intégrer l’armée et la police, avoir de l’avancement et y faire de belles carrières. De l’autre, cette organisation a produit deux documents stratégiques en consultation avec les femmes policières et militaires et leurs collègues hommes sympathisants Á  la cause. Au bout de six mois, ces documents ont été prêts.

Ce que souhaite désormais Irène Esambo Diata est que l’Union européenne appuie la RDC dans ses réformes de l’armée et de la police conformément aux recommandations de ces documents stratégiques et qu’Á  l’heure où la RDC discute de l’initiative « New Deal », considérée comme une nouvelle approche d’intervention de la communauté internationale dans la consolidation de la paix et l’édification de l’Etat, le gouvernement congolais tienne aussi compte de la résolution 1325 ayant trait Á  l’obligation pour les Etats membres d’abolir les inégalités du genre.

Marie-Annick Savripène est journaliste Á  Maurice et éditrice du service de commentaires et d’opinions de GL en français. Cet article fait partie de la couverture spéciale accordée Á  la CSW57 Á  New York.


Comment on L’application des lois reste problématique en RDC

Your email address will not be published. Required fields are marked *