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Après 17 ans, l’association des publicitaires mauriciens a réactualisé son code d’éthique. Les pressions exercées par les femmes activistes, surtout par Loga Virahsawmy, directrice du bureau francophone de Gender Links, y sont grandement pour quelque chose.
Lors du 4e Sommet sur le Genre et les Médias organisé en octobre 2010 par Gender Links, Loga Virahsawmy directrice du bureau francophone de cette organisation non-gouvernementale de l’Afrique australe, a fait un exposé sur l’utilisation négative de la femme dans la publicité Á Maurice et retracé sa lutte pour faire changer les choses.
Elle avait démontré, preuve Á l’appui, certaines stigmatisations comme une photographie des seins d’une femme en t-shirt sur lequel étaient inscrits les mots suivants: «I wish these were brains » (J’aurais tant voulu que mon cerveau soit de la taille de mes seins) ou encore la photo d’une femme insérée dans une bouteille d’alcool, des hommes dansant autour de l’objet. Sans compter l’image de femme facile projetée par un concessionnaire de voitures dans l’optique de vendre son produit.
C’est avec courage que Loga Virahsawmy a mené la lutte contre les préjugés sexistes. A peine avait-elle regagné le pays Á l’issue de ce Sommet qu’elle se mettait en campagne contre un nouvel hebdomadaire, Capital, qui avait utilisé une femme Á moitié dévêtue avec un journal cachant ses seins pour transmettre son message Á l’effet que «la différence, c’est le contenu ». La directrice du bureau francophone de Gender Links a sollicité les autorités concernées et exigé que les panneaux publicitaires vantant ce journal soient enlevés des autobus.
«C’est une forme subtile de violence contre la femme que d’utiliser son corps nu pour vanter un produit qui n’a rien Á voir avec elle. En fait, on suppose qu’un journal informe, instruit et distrait la population, dont les enfants. Alors pourquoi utiliser le corps d’une femme nue? Il est grand temps que les autorités prennent des actions appropriées. Nous ne pouvons pas comprendre comment la Corporation Nationale de Transport ait accepté que cette publicité figure sur ses autobus sillonnant l’île! Notre organisation a reçu des tas de plaintes. Ma petite-fille m’a demandé d’expliquer pourquoi on a utilisé un corps nu de femme pour faire la publicité d’un journal. Elle m’a dit: SÁ»rement ce journal est rempli de femmes nues, » a poursuivi Loga Virahsawmy.
Cette démarche énergique a porté ses fruits puisque les publicitaires mauriciens ont dépoussiéré leur premier code d’éthique datant d’il y a 17 ans et l’ont remplacé par un nouveau document. Ils veulent aujourd’hui suggérer sans dévoiler. Miser sur la subtilité plutôt que l’évidence. Ils ont pensé aux moyens d’éviter les abus dans les campagnes publicitaires et veulent soigner l’image de la femme, protéger les mineurs et les consommateurs.
Cette initiative revient Á 15 membres de la Association of Advertising Agencies (AAA). Ils estiment que ce nouveau code incitera Á plus de créativité mais aussi Á plus de contrôle. Ainsi, Á l’article 21 de The Little Red Book, deuxième édition du code d’éthique de l’AAA, les publicitaires font ressortir que les campagnes doivent ‘prendre en considération l’évolution du rôle de la femme dans la société, ainsi que dans les sphères professionnelles et familiales. Elle [la publicité] se doit de respecter la dignité de la femme. Son image doit être utilisée Á bon escient afin de ne pas heurter la sensibilité du public. »
La majorité des publicitaires adhèrent Á l’idée. «Je ne vois pas de mal Á dévoiler le corps d’une femme pour une pub, du moment que rien d’explicite n’est montré. Surtout si c’est pour un produit destiné aux femmes. Tout est une question de suggestion, le but étant de faire travailler l’imagination, » indique Thierry Montocchio, directeur de l’agence de publicité Circus.
D’autres pensent qu’exploiter la femme dans une publicité qui n’a rien Á voir avec elle équivaut Á la stéréotyper. «Je ne me vois pas faire une pub avec une femme allongée sur une grue. Hors de question pour moi de dénigrer la femme, de la réduire Á un simple objet, Á un argument de vente. Le nouveau code contient un article sur l’utilisation de l’image de la femme, de celle des enfants. Il était nécessaire de le rappeler », précise Priya Thacoor, directrice de P&P Link Saatchi & Saatchi. Elle rappelle que leur dernier code d’éthique remonte Á plus de 17 ans alors que la publicité digitale, les courriels, Facebook et d’autres réseaux sociaux populaires n’existaient pas encore.
Si les publicistes mauriciens sont disposés Á jouer le jeu et Á se conformer aux instruments internationaux dont le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement qui demande aux Etats membres de veiller Á ne pas dégrader et exploiter les femmes et les enfants, en particulier dans les domaines du divertissement et de la publicité, le plus gros défi pour les publicitaires mauriciens reste désormais la surveillance de la publicité électronique. En sus des mesures plus strictes annoncées pour les pubs sur l’alcool, l’image de la femme et la cigarette, l’AAA veut renforcer le contrôle sur les sociétés d’e-marketing. Puis, il y a les publicités sur Internet. Sur Facebook, par exemple, elles sont gratuites. Ce qui fait dire aux publicitaires que le contrôle doit aussi passer par le Net. La partie est cependant loin d’être gagnée d’avance…
Jimmy Jean-Louis est journaliste Á Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links, qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
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— Gender Links (@GenderLinks) March 5, 2025
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