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CSW 57, 5 mars: La dégradation de l’environnement a un impact direct sur l’exacerbation de la violence Á l’égard des femmes et des filles. C’est le constat fait hier par les intervenantes de la session consacrée Á ce sujet. Session qui s’est tenue au Church Centre des Nations Unies. Mais plutôt que d’aborder la question dans une perspective élargie, elles ont préféré la considérer d’un point de vue individuel. Il en ressort que pour prévenir une dégradation accrue de l’environnement et réduire les niveaux de violence basée sur le genre, la solution passe par l’éducation des enfants et en particulier des filles.
Pour Donna Goodman, fondatrice et directrice exécutive du Earth Child Institute et consultante pour l’Unicef, la dégradation de l’environnement et la violence envers les femmes et les filles sont indéniablement interconnectées. «Les statistiques indiquent que lorsqu’il y a, par exemple déforestation dans les pays dits du tiers monde, la violence domestique hausse dramatiquement le ton. Tout comme l’accès Á l’eau potable est directement lié Á la paix, » a-t-elle dit en prenant l’exemple des Israéliens et des Palestiniens qui sont incapables de se retrouver pour discuter de paix mais qui se mettent volontiers Á la table des négociations lorsqu’il s’agit de débattre des questions d’accès Á l’eau potable.
Elle s’est dit persuadée qu’en adoptant une approche basée sur le renforcement des capacités, il est possible de promouvoir le respect de soi et de l’environnement. D’ailleurs l’institut qu’elle dirige applique des projets connectant les enfants de plusieurs pays et régions du monde afin qu’ils évoquent leurs pratiques de respect de l’environnement. Conjointement avec l’Unicef, Donna Goodman a aussi développé un manuel destiné Á placer l’éducation des enfants dans les discussions environnementales. «La plupart des discussions sur l’environnement ont lieu au niveau scientifique, économique et social mais on n’y entend jamais la voix des enfants. C’est pour y remédier que nous avons publié ce manuel. On aura beau dire que les ressources sont rares mais si nous travaillons en commun et utilisons des énergies renouvelables, nous empêcherons la dégradation de la planète ».
Elle a aussi fait remarquer qu’il y a actuellement dans le monde 2.2 milliards de jeunes de moins de 18 ans. Si chacun d’eux plantait sept arbres, on aurait contré la déforestation en l’espace d’un an.
Kaye Savage, fondatrice et directrice de la Excel Academy, école qui encadre les filles issues de milieux défavorisés Á Washington D.C, est convaincue que si l’on travaille avec les enfants et dans son cas particulier avec les filles alors qu’elles sont encore en bas âge, il est possible de renverser la vapeur. Ainsi, Á la Excel Academy, qui a fait l’objet d’un reportage de la Voice of America Á des fins de diffusion dans des pays tels que le Pakistan et l’Afghanistan, l’accent est mis sur le développement académique mais aussi sur celui des aptitudes.
Et cette méthode porte des fruits. «Nous voyons comment ces filles prennent confiance en elles et apprennent en découvrant le monde qui les entoure. Et puis, éduquer les filles diffère car elles étudient de façon collégiale et avancent non pas en solo mais en groupe comme en essaim d’abeilles ou un banc de poissons. Il n’y a jamais un seul leader mais plusieurs et Á différents moments ».
En matière de préservation de l’environnement, la Excel Academy vient d’aménager un jardin où la culture organique est favorisée. «Il faut voir ces filles s’occuper du jardin et comment cette activité modifie leurs comportements, de même que ceux de leurs parents ».
Pour Nina Simons, co-fondatrice et codirectrice de Bioneers, société qui offre des solutions pratiques et innovantes aux défis environnementaux, la dégradation de l’environnement et la violence envers les femmes et les filles sont les facettes d’une même histoire où la culture a grandement son mot Á dire. La culture est constituée d’une série de normes sociales dont tout un chacun est le vecteur. Mais en grandissant, ces normes sont confrontées Á des faits qui auraient dÁ» les modifier. Mais bien souvent, les gens se cramponnent aux idées reçues au lieu de réécrire les histoires alors qu’ils en ont le pouvoir. «Nous pouvons tous réécrire ces histoires. Il est temps de modifier ensemble les histoires et de s’éloigner des violences et de la destruction pour se montrer révérencieux envers tous les êtres vivants ».
La jeune Kumbukani Mwanyongo, assistant commissaire du mouvement des Guides au Malawi, a raconté comment les femmes et les filles de son pays doivent parcourir de longues distances Á pied pour chercher du bois et collecter de l’eau en raison de la dégradation de l’environnement. Ce faisant, elles s’exposent Á toutes sortes de violences. Elle est persuadée que le développement durable passe par l’éducation des filles. L’an dernier, elle a incité les guides Á planter 1000 arbres fruitiers Á croissance rapide dans la cour des écoles afin que les femmes puissent non seulement profiter des fruits mais aussi obtenir du combustible Á deux pas de chez elles. Ce mouvement est aussi une plate-forme permettant aussi aux filles d’exprimer leurs problème quotidiens et aux guides d’intervenir auprès de leurs parents et des leaders de la communauté pour un changement de mentalités.
Jean Shinoda Bolen, psychiatre, activiste et auteur de livres incitant les femmes Á suivre le chemin de l’âme et Á prendre des engagements personnels pour contribuer au changement, tout en se fiant au soutien des cercles qui les entourent, a mis l’accent sur l’importance des arbres et de leur apport Á l’environnement. Elle a rappelé aussi comment Andy Lipkin, jeune homme de 18 ans, a fondé en 1973 un petit groupe de citoyens nommé Tree People et incité les gens Á planter deux millions d’arbres Á Los Angeles.
Ce qui a été fait. Ceci indique qu’il ne faut pas être forcément en grand nombre pour motiver les gens Á participer Á la création d’écosystèmes urbains durables. «En n’incitant pas les hommes Á se tourner vers les arts, on a fait d’eux des personnes au cerveau asymétrique alors que les femmes ont des cerveaux symétriques du fait qu’elles ont cumulé l’émotionnel, l’esthétique et l’intellectualité. Cette éducation a rendu les femmes plus complètes. Si nous voulons que nos fils deviennent des individus complets, il faut développer leurs capacités intellectuelles, émotionnelles et esthétiques ».
Au cours de cette session présidée par Anneke Campbell, sage-femme, nurse, professeur de littérature anglaise et co-auteure avec Nina Simons d’un livre sur les femmes devenues des leaders grâce Á leur intelligence du cÅ“ur, une activiste dans l’assistance a voulu savoir comment ce message d’éducation des filles pouvait être relayé aux Nations Unies. La réponse est venue de Jean Shinoda Bolen. Elle a encouragé chacun Á se tourner vers son gouvernement et Á insister pour qu’une demande de résolution Á cet effet soit soumise lors de la prochaine assemblée générale des Nations Unies.
Marie-Annick Savripène est journaliste Á Maurice et éditrice du service de commentaires et d’opinions de GL en français. Cet article fait partie de la couverture spéciale accordée Á la CSW57 Á New York.
Comment on L’éducation des enfants est la clé