Le grand ménage?


Date: March 7, 2015
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Maurice, le 7 mars: En apparence et pour de nombreux Mauriciens, en particulier pour les Mauriciennes, le pays apparaît actuellement comme un paradis. Un sentiment de bien-être s’est installé depuis les élections générales de 10 décembre 2014. Le nouveau gouvernement n’a pas attendu longtemps avant d’augmenter la pension de vieillesse et de prendre d’autres mesures qui sont plus bénéfiques aux femmes. Il y a davantage de femmes que d’hommes âgés de plus de 60 ans et la pension de vieillesse a augmenté par 38%.

Il y a aussi davantage de femmes que d’hommes Á  exercer des métiers les plus mal rétribués et désormais, tout employeur, qu’il soit du secteur public ou privé, doit payer une compensation salariale de Rs 600 Á  chaque employé. En sus du transport public gratuit pour les personnes de plus de 60 ans et pour les étudiants, les parents n’auront plus besoin de contracter des emprunts pour payer les frais d’examens de fin d’études secondaires de leurs enfants. Les soins médicaux sont non seulement gratuits mais les centres de santé sont aussi désormais ouverts 24h sur 24.

Mais l’avers du décor n’est pas brillant Á  voir: les femmes continuent Á  être la cible principale de la discrimination et de la violence. Depuis le début de l’année, quatre femmes âgées entre 65 et 89 ans ont été soit violées, soit battues et une a même trouvé la mort des suites de cette violence. Il y a sans doute d’autres cas de violence qui ne sont jamais rapportés. L’étude de GL sur les ménages intitulée War@home indique qu’une Mauricienne sur quatre a connu la violence durant son existence et que 61% de cas de violences sexuelles ne sont jamais rapportés aux autorités.

Nous attendons toujours la mise sur pied du comité national sur la violence basée sur le genre annoncée dans le discours programme et qui doit opérer sous l’égide du bureau du Premier ministre. Jusqu’ici, nous n’avons pas encore vu de programme gouvernemental concret et innovant pour combattre ou réduire la violence basée sur le genre.

Les élections générales de décembre 2014 ont vu une baisse dans la représentation féminine au Parlement, soit de 19% Á  12%, faisant dégringoler Maurice dans le classement pour figurer parmi les derniers des pays de la SADC en la matière.

Le Mouvement Socialiste Militant, qui est le parti majoritaire Á  l’Assemblée nationale, a, par la voix de son leader, Pravind Jugnauth, annoncé qu’un comité ministériel sera bientôt mis sur pied pour amender le nouveau Local Government Act afin que les élections municipales puissent se tenir Á  la fin de mai 2015 au lieu tous les six ans comme stipulé par la nouvelle législation. Logiquement, ces élections auraient dÁ» avoir lieu en 2018. Le gouvernement dispose d’une majorité plus que confortable pour faire voter et promulguer l’amendement en question.

En 2011, l’Assemblée nationale a pourtant voté cette nouvelle législation visant Á  corriger la faible représentation des femmes au niveau des collectivités locales. Cette loi était considérée comme révolutionnaire dans l’Histoire de Maurice et Á  travers la région de la SADC, on s’y réfère comme un modèle du genre.

Cette législation exige qu’au moins un tiers de tous les candidats se présentant aux élections des collectivités locales sous la bannière d’un parti politique et ce, dans n’importe quelle circonscription électorale, soit de sexe différent.

Plusieurs acteurs incluant les groupes religieux et sociaux ont soutenu cette décision, et l’opposition d’alors a même voté avec le parti au pouvoir Á  l’époque pour s’assurer que cet amendement constitutionnel soit voté en même temps que la nouvelle législation et ainsi garantir des changements effectifs.

La section 16 (1) de la Constitution mauricienne décrète qu’aucune loi ne doit comporter de disposition discriminatoire. La section 16(3) de la Constitution définit «discriminatoire » comme le fait d’accorder un traitement différencié Á  différentes personnes sur la base de plusieurs critères dont celui du sexe. C’est pour cela qu’une approche neutre du genre a été privilégiée dans la nouvelle loi sur les collectivités locales. Maurice n’a pas signé le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement justement en raison de cette section de la Constitution.

Après la promulgation de cette nouvelle loi et les élections municipales qui en ont découlé en 2012, Maurice a fait un bond dans le classement des pays de la SADC relativement Á  la représentation féminine au sein des collectivités locales, quittant la 14e place pour se hisser Á  la sixième place. L’augmentation des conseillères a quadruplé, passant de 6.4% Á  26% et il s’agit lÁ  d’une bonne pratique. Malheureusement, le Livre Blanc sur la réforme électorale qui s’inspirait de cette nouvelle loi sur les collectivités locales, n’a pas été voté avant les élections générales de 2014. Autrement, Maurice aurait eu au moins 30%
de femmes parlementaires dans cette présente législature.

Vishnu Lutchmeenaraidoo, ministre des Finances, a annoncé lors d’une conférence de presse le 8 février 2015 qu’il entend utiliser des mesures d’action affirmative afin d’atteindre l’égalité du genre. Ce qui nous donne toutes les raisons de croire que la Constitution sera amendée pour inclure l’action affirmative/la discrimination positive. Ce faisant, le gouvernement fera d’une pierre trois coups : il signera le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement, instaurera un quota légiféré pour aligner un plus grand nombre de candidates aux élections des collectivités locales et un autre quota légiféré pour pouvoir aligner un plus grand nombre de candidates aux élections générales de 2019.

Ces quotas du genre visent Á  renverser la discrimination et Á  assurer une égalité de traitement entre femmes et hommes en politique. Ils enlèveront aussi les barrières structurelles, institutionnelles et sociétales pour les femmes qui veulent faire de la politique active. C’est seulement en appliquant ce que le ministre des Finances a dit Á  propos de l’action affirmative/discrimination positive que Maurice aura une égalité de fait entre les femmes et les hommes.

Souhaitons que ce soit ce message lÁ  qu’annoncera Aurore Perraud, ministre de l’Egalité du Genre, lors de son discours Á  l’occasion de la célébration organisée dans le cadre de la Journée internationale de la femme, le 7 mars Á  J and J Auditorium de Phoenix. Cela pourrait être son cadeau Á  toutes les Mauriciennes.

Loga Virahsawmy est l’ancienne directrice du bureau francophone de Gender Links Á  Maurice. Cet article fait partie du service d’informations de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité mauricienne.


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