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Non, je ne fais pas allusion au livre rouge de feu Mao Zedong, publié en 1966. Le livre dont je parle a été lancé en février 2011 par l’association des publicitaires de Maurice (AAA) et contient le code des pratiques publicitaires pour Maurice.
Si le petit livre rouge de Mao Zedong a acquis sa popularité durant la révolution culturelle chinoise pendant les années 60 Á 70, souhaitons que le petit livre rouge mauricien gagne la sienne en étant proactif et en mettant un terme au sexisme dans la publicité.
Pendant trop longtemps, les femmes ont été la principale cible de la publicité et très souvent pour des produits qui n’avaient rien Á voir avec elles. Je ne croyais vraiment pas que nous vivions dans une démocratie quand il y a quelques temps déjÁ , j’ai vu une publicité sur des panneaux d’affichage géants et dans la presse écrite pour un bureau de change qui montrait des dollars sortant de la culotte d’une jeune femme Á demi-nue.
Il y a trois ans, je me suis battue bec et ongles pour que l’on retire du marché une publicité pour une marque de vodka. Elle montrait une femme dansant dans une bouteille avec trois hommes excités qui l’entouraient, dans des postures des plus provocantes. Le titre de cette publicité était «Vie nocturne intelligente. » Quel message relayons-nous aux jeunes avec ce type de publicités?
La lutte a été longue. A deux reprises et pour des publicités de ce type, j’ai dÁ» saisir l’institution régulatrice, la Independant Broadcasting Authority. Je me suis rendue aux auditions et j’ai défendu mon point de vue. Heureusement qu’avant la tenue d’une troisième audition pour une publicité d’une marque de bière où deux filles en short sexy, choppes en main, vont Á la rencontre d’un homme assis sur un trône, s’asseyent sur ses genoux et vont ensuite faire un tour en voiture avec lui, l’ancien directeur général de la Mauritius Broadcasting Corporation m’a écrit pour me dire qu’il ne diffuserait plus cette publicité. Il a effectivement tenu parole immédiatement mais il m’était difficile de comprendre comment la corporation pouvait agir ainsi vis-Á -vis des femmes.
Le pire était la publicité figurant sur les poubelles et exhibant des seins de femmes en t-shirt avec écrit dessus: «J’aurais voulu qu’ils soient mon cerveau ». Tout ça pour vanter une marque de t-shirt. Cette fois lÁ , j’ai saisi la Sex Discrimination Division et cette instance a rapidement pris action. Son unité a fait le tour de Maurice pour enlever cette publicité des poubelles.
Je n’ai pas besoin de vous dire Á quel point j’ai créé des mécontentements. J’ai même reçu des méls très méchants. L’un d’eux disait ceci: «Regarde-toi dans le miroir. Crois-tu pouvoir figurer dans une publicité? Est-ce la jalousie qui te fait te comporter de façon si dégoÁ»tante? Veux-tu spolier notre belle société mauricienne? » Je n’ai jamais compris comment de telles publicités pouvaient valoriser la beauté de Maurice!!!Ces méls ne me dérangent pas.
Je sais que la majorité des Mauriciens me soutenaient quand j’ai porté plainte contre une publicité pour une boutique d’articles de seconde main nommée Calyso. La pub disait ceci : «Si vous en avez marre de votre belle-mère, envoyez-lÁ Á Calyso. »
En octobre 2007, Gender Links (GL), en collaboration avec la Media Watch Organisation (MWO), a lancé une recherche sur le genre et la publicité. Ce lancement était suivi par un atelier de travail d’un jour avec les membres de l’AAA. Colleen Lowe Morna, la directrice exécutive de GL a livré des pistes aux publicitaires sur la façon de réaliser un Code d’éthiuqe sur le genre.
En octobre 2008, Pria Thakoor, l’ancienne présidente de l’AAA et directrice de l’agence de publicité P and P Link Saatchi and Saatchi, a fait une présentation remarquable sur les femmes dans la publicité lors du Sommet sur le Genre et les Médias Á Johannesburg. Elle a condamné le sexisme dans la publicité et a expliqué comment GL et la MWO lui ont ouvert les yeux. Depuis ce moment-lÁ , P and P Saatchi and Saatchi offre toujours des publicités gratuites Á GL et Á la MWO dans la cadre de leur lutte contre la violence basée sur le genre durant les 16 jours de campagne contre ce fléau.
Bien que l’AAA n’ait pas un Code d’éthique sur le genre, nous sommes fiers et les félicitons pour avoir mis le genre au centre de son petit livre rouge. L’article 21 se lit comme suit: «La publicité doit prendre en considération l’évolution des rôles respectifs des femmes et des hommes en société, l’évolution vers la mixité dans les activités des deux sexes en famille, au niveau professionnel, au sein des loisirs et des achats. Elle doit représenter de façon égale les femmes comme les hommes capables, responsables et indépendants dans la conduite de leurs activités. De plus, ni une photo, ni une caricature dénigrant le rôle d’une personne dans un couple, ni la représentation excessive d’une dépendance d’un protagoniste eu égard Á des produits vantés, ne doivent être montrés. La publicité doit respecter la dignité des femmes et des hommes, leur image doit être utilisée de telle sorte qu’elle ne heurte pas la sensibilité du public en général. L’idée de l’infériorité de la femme ou de sa limitation exclusive dans un rôle domestique ou strictement ménager, ne doit pas être mise en avant. »
J’avais cru que ce petit livre rouge aurait sonné le glas de la publicité sexiste. Mais malheureusement, j’avais tout faux et j’étais naÁ¯ve. En ce moment, les panneaux géants d’affichage vantent une publicité pour la bière Stag Malta. Celle-ci met en avant un décapsuleur sur le buste d’une femme en t-shirt. Je me demande bien ce que le buste d’une femme ou un décapsuleur a Á voir avec la Stag Malta ? Le slogan qui accompagne la pub est pire. Il dit «Stag li. » Nous savons tous que “stag” signifie «pour les hommes seulement ».
Oui, le petit livre rouge mentionne effectivement que «les femmes ne doivent pas être traitées comme un objet dans la publicité, en particulier quand son image n’est pas en relation directe avec le produit ou le service vanté. » Mais comme je l’ai dit plus tôt, ce petit livret rouge ne deviendra populaire que s’il est appliqué et uniquement Á la mort de la publicité sexiste.
Loga Virahsawmy est la directrice du bureau francophone de GL et la présidente de la MWO. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de GL.
📝Read the emotional article by @nokwe_mnomiya, with a personal plea: 🇿🇦Breaking the cycle of violence!https://t.co/6kPcu2Whwm pic.twitter.com/d60tsBqJwx
— Gender Links (@GenderLinks) December 17, 2024
Comment on Le petit livre rouge