Le port de pagne le 8 mars pose problème aux écolières congolaises

Le pagne, vêtement traditionnel national porté par les filles et les jeunes femmes en République Démocratique du Congo, doit-il être rangé au fond des tiroirs sous prétexte que son port inciterait au viol ? Si oui, ce serait une aberration.

La Ligue de la Zone Afrique pour la Défense des droits des Enfants et Elèves (LIZADEEL) a récemment tiré la sonnette d’alarme sur le port du pagne par les écolières Á  Kinshasa. Selon cette organisation non-gouvernementale, qui possède quatre cliniques juridiques Á  Kinshasa, une vingtaine de jeunes filles et de femmes ont été violées le 8 mars 2011, le jour même de la Journée Internationale de la Femme.

Joseph Godé Kayembe, président du conseil d’administration de la LIZADEEL, a exprimé son indignation en ces termes: «La LIZADEEL est indignée de constater qu’en République Démocratique du Congo, certains enseignants profitent que les jeunes filles s’habillent en pagne lors de la Journée Internationale de la Femme pour les violer. Le plus terrible, c’est qu’avec ces viols, au lieu d’être réellement la fête de la femme, cette journée s’est transformée en celle de la dénonciation du port du pagne. »

Les enseignants incriminés sont coupables d’avoir abusé de leurs élèves qu’ils auraient en principe dÁ» considérer comme leurs propres enfants. «LÁ , ils ont considéré que ces élèves en pagne ont cessé d’être des enfants et sont devenues des femmes puisqu’habillées en pagne. Cela leur a servi de prétexte pour les violer », a poursuivi Joseph Godé Kayembe.

Face Á  cette situation, faudrait-il interdire le port de pagne par les élèves le 8 mars? Les avis sont partagés Á  ce sujet. Pour certaines élèves, il faut tout simplement supprimer cette tradition qui s’installe petit Á  petit non seulement Á  Kinshasa mais aussi Á  travers le pays. Mais heureusement, tout le monde ne pense pas ainsi.

Lolita Ndaya, 17 ans, élève en 5eme pédagogie Á  l’Institut de la Gombe Á  Kinshasa, considère que les jeunes filles devraient porter le pagne tous les jours et pas qu’Á  l’école un 8 mars. «Je ne vois pas l’importance de porter le pagne uniquement le 8 mars. Il faudrait le faire tous les jours. »

Elle n’a malheureusement pu se rendre Á  l’école le 8 mars du fait que son couturier n’avait pas terminé la confection de son pagne Á  temps. «Les jeunes filles insistent souvent auprès de leurs parents pour que ces derniers leur achètent un nouvel habit afin qu’elles célèbrent la Journée Internationale de la Femme. Mais elles devraient le porter tous les jours. »

D’autres jeunes filles soutiennent que le pagne ne doit être porté que le 8 mars. Soraya Bomani , 17 ans, élève en 5eme commerciale administrative Á  l’Institut Bolingani Á  Kinshasa, pense que «même si l’élève est encore une enfant, c’est une femme en devenir. Elle doit s’habiller en pagne le 8 mars pour marquer la Journée Internationale de la Femme. »

Face au nombre de filles violées ce jour-lÁ , les mères de famille sont mitigées. Si le port du pagne signifie des ennuis pour ses trois filles, Adrienne Bathieba préfère ne pas les encourager Á  le porter.

Mais porter un pagne Á  l’école le 8 mars n’est pas mal en soi. Tout le monde est heureux de voir comment chaque jeune fille se fait belle et comment elle sait bien nouer son pagne.

Mais ces viols commencent Á  inquiéter plus d’un Á  Kinshasa. Selon le président du conseil d’administration de la LIZADEEL, les quatre cliniques judiciaires ont enregistré ce jour-lÁ  plus de viols que le 14 février dernier, jour de la célébration de la Saint Valentin, la fête des amoureux.

Cependant, il ne faut pas fausser le débat. La véritable question n’est pas si le port du pagne le 8 mars est risqué pour les jeunes filles ou pas ? La République Démocratique du Congo a signé et ratifié le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement et Á  ce titre, le gouvernement congolais en général, et son ministère de l’Education en particulier, doivent tout mettre en Å“uvre pour protéger les jeunes filles et les femmes du viol. Un point c’est tout.

Jean-René Bompolonga est journaliste en RDC. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.