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Dans des villages du territoire de Nyiragongo, les charges de la famille pèsent encore et toujours sur les femmes. Celles-ci s’occupent des activités champêtres au quotidien alors que leurs maris passent la plupart de leur temps dans les buvettes Á siroter la bière locale. Cette situation est d’autant plus difficile pour les femmes du fait que les populations des territoires de Nyiragongo et de Rutchuru sortent d’une guerre qui a opposé les rebelles du M23 aux forces armées de la République Démocratique du Congo (RDC) et qu’outre les pertes civiles, beaucoup d’habitants ont tout perdu. Aujourd’hui, la population essaie de se réadapter Á la vie et il n’est pas évident pour les femmes de subvenir aux charges de la famille, c’est-Á -dire trouver de quoi préparer les repas, payer l’éducation des enfants, etc.
A 12 km au nord de la ville de Goma, les femmes du territoire de Nyiragongo ont appris Á ne compter que sur elles. « Mon mari travaille souvent comme aide-maçon sur des chantiers mais je ne sais pas où passe l’argent qu’il gagne. C’est Á moi que reviennent toutes les charges de la maison » déplore Furaha Muhoza, rencontrée au marché de Kibumba, ville au nord de Goma au Kivu.
« Mon mari me rend la vie encore plus difficile. Il rentre presque toujours ivre et plein d’exigences quant aux repas. Même après une dure journée, nous sommes obligées de puiser de l’eau, de faire la cuisine, la lessive avant de partir aux champs alors qu’eux restent au lit Á cuver leur alcool, » s’insurge une autre femme.
Dans le camp de déplacés de Mugunga1, 2, 3, la vie reprend peu Á peu. Selon Joseph Makundi, responsable du service de protection civile, près de 70% des déplacés qui ont trouvé asile dans les camps de Mungunga 1, 2, 3 après avoir fui les récents combats de 2012 entre les deux ailes du M23 de Makenga Sutani et Bosco Ntaganda Á sept km au nord de Goma, sont retournés dans leurs milieux d’origine dans le territoire de Nyiragongo. Mais malgré tout ce que la population a subi, les femmes déplacées sont contraintes d’assumer beaucoup de charges dans les couples comme l’illustre l’histoire de ce couple rencontré le long de la route menant Á Kibumba.
Alors que la femme porte un sac de maÁ¯s d’environ 30 kg sur le dos, un régime de bananes de 5 kg et une botte de sombé (feuilles de manioc) sur la tête, tout en ayant un bébé accroché sur le buste, son mari marche devant, une machette dans une main et l’autre main tenant une radio collée Á son oreille.
« Cette situation remonte très loin dans l’histoire. Il est connu que de lourds travaux sont réservés aux hommes. Mais dans les campagnes, les hommes se limitent Á seulement couper de gros arbres dans les champs tandis que le reste des travaux revient aux femmes. La conséquence est que la femme est considérée comme un outil de production » affirme Robert Muhindi, sociologue Á l’Université du Cepromad, située Á Kinshasa, ville capitale.
Dès leur plus jeune âge, les jeunes filles aident leurs mères. « Au début elles portent les fardeaux sur la tête. Certes, les charges sont plus légères mais déjÁ , cela provoque le tassement des vertèbres », soutient Ericas Maliayamungu, infirmier au centre de santé mentale de Tulizo Letu dans le Nord Kivu. Ensuite, devenue femmes, elles portent plus de 50 kg sur leurs reins et les charges finissent par leur casser définitivement le dos.
Des organisations de défense des droits de la femme et des activistes du genre tentent de sensibiliser l’ensemble des Congolais contre ces pratiques mais en vain. Et les femmes qui endurent cette situation semblent résignées Á leur sort, ne voulant pas fâcher leur mari.
« Nous avons la volonté d’aider ces femmes, mais nous nous réservons de peur d’être accusés d’ingérences dans leur vie privée. Il faut qu’elles soient les premières Á refuser d’accepter ce qu’elles endurent » explique Joseph Malikidogo, président de la société civile de Lubero, ville du Nord Kivu.
« Ce serait une honte de dénoncer cela. Il y a des choses qu’une femme ne peut demander Á un homme, comme par exemple de transporter du bois de chauffage. Ce serait lui manquer de respect, » déclare indignée une femme. Il y a encore un trop grand nombre de femmes Á penser comme elle, au risque de mettre leur santé en péril.
Cependant, Furaha Muhoza, qui ignore pourtant tout de l’égalité du genre telle que préconisée par le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement, instrument régional signé et ratifié par l’Etat congolais, fait de la sensibilisation dans son village afin que les charges de la maison soient partagées entre l’homme et la femme. Bien qu’elle ait entièrement raison, elle n’est pas au bout de ses peines…
Esther Nsapu est journaliste Á Goma. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
Comment on Le sort toujours peu enviable des femmes de Nyiragongo et Rutchuru en RDC