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Les Centres de conseils et d’écoute juridique institués dans les villes et villages malgaches sont d’une grande aide aux femmes qui côtoient la violence au quotidien.
«Nous sommes mariés légalement depuis dix ans. Mais cela fait deux ans que je subis des tortures. Morales surtout. Mon mari est adultérin et a passé son temps Á s’en aller pour mieux revenir. La dernière fois qu’il est parti, avant qu’il ne revienne Á nouveau s’installer dans notre foyer en compagnie d’une autre femme, il avait progressivement retiré mes affaires personnelles et nos ustensiles de cuisine qu’il avait apportés chez sa maîtresse. Aujourd’hui, nous faisons ménage Á trois, sous les yeux de mes enfants de 11 et de huit ans, » raconte Solange* qui essaie tant bien que mal de faire tourner sa cuisine, d’autant plus que son mari ne contribue Á aucun frais. Sans parler des coups et blessures qu’elle accepte car elle n’a pas le courage de voir ses enfants être battus Á sa place, ni de les séparer de leur père en les extrayant du foyer où ils ont toujours vécu. Ce qui fait que son problème reste entier.
Pour sa part, Voahangy* accepte que son mari boive et rentre d’humeur violente et finisse par la tabasser. Cette lubie lui est venue en 2006 mais 2012 a marqué le début d’un calvaire sans nom. Après presque quatre mois d’absence, période où il était avec sa petite amie, il est entré un beau jour ivre, a déshabillé sa femme, déchiré ses sous-vêtements et malgré la présence de leurs deux enfants de huit et neuf ans, un garçon et une fille, il a tenté de la violer. « J’ai lutté de toutes mes forces. D’un pour échapper Á la vue de mes enfants. De deux, pour préserver au moins ma dignité et mon droit, le seul qu’il me reste et qui est celui de ne pas se faire violer par mon propre mari. N’ayant plus de force, il m’a lâchée ». Depuis, quand le mari rentre et tente un quelconque acte répressible, Voahangy et ses deux enfants sortent subrepticement et dorment sous des cyprès jusqu’Á ce qu’il quitte la maison Á l’aube quand il a repris ses esprits.
Ces violences sont quotidiennes chez certaines femmes. Ces réalités reflètent combien l’homme malgache se prend pour un être supérieur et comment sa femme est sa « chose ». Le thème des célébrations du 8 mars dernier tournait justement autour des violences envers la femme. Ce thème a été repris par plusieurs journalistes malgaches, en collaboration avec le bureau du Fonds des Nations Unies pour la Population Á Madagascar. Pas uniquement pour révéler ces atrocités dont les femmes sont victimes mais surtout amener les « autres » Á briser le silence et faire en sorte que leurs droits soient reconnus.
La mise en place de plusieurs Centres de conseils et d’écoute juridique (CECJ) a permis une avancée assez conséquente sur cette voie. A l’exemple du CECJ Vaohanta dans la commune de Bongatsara, dans le sud de la capitale Antananarivo. Ce centre qui aura un an d’existence en juillet prochain, a reçu une cinquantaine de plaignantes quelques mois après son ouverture. Pour le seul mois de janvier 2013, ce centre a accueilli 25 femmes qui ont été victimes de différentes sortes de violences conjugales. « Il semble que la sensibilisation que nous avons entreprise au niveau des communautés de base au sein de la commune ait porté ses fruits », explique la présidente du centre, Raymonde Gisèle Rakotomanga.
A l’instar de leurs amies, Voahangy et Solange ont voulu confier leurs problèmes Á des oreilles bienveillantes, prêtes Á les aider Á sortir de ce bourbier dans lequel elles n’ont jamais voulu plonger. De plus, une majorité d’hommes Á qui le centre avait demandé de « coopérer » avec leurs compagnes, a suivi les consignes. Nombre de ménages ont repris leur cours normal. Selon les explications recueillies sur place, si les problèmes ne se règlent pas Á l’amiable au niveau du centre, celui-ci entame une coordination avec les forces de l’ordre pour qu’elles interviennent et évitent que ces affaires n’aillent en Cour.
«Malheureusement pour Voahangy, son mari serait ami avec des gendarmes qui n’ont pas voulu le rappeler Á l’ordre. De ce fait, Voahangy a déjÁ déposé une plainte au niveau du tribunal en octobre 2012. Mais jusqu’ici, elle n’a rien vu venir », explique la présidente. « Je n’ai pas de travail permanent », ajoute Voahangy. « J’ai travaillé dans les usines de la zone franche mais je n’ai pas tenu longtemps car je souffre d’hypertension. Aujourd’hui, je prête main forte aux commerçants qui reçoivent des commandes pour des coutures Á la va-vite. »
Les témoignages de ces femmes ont été recueillis pour être mis au grand jour, non pas pour faire du sensationnalisme mais pour réveiller les femmes qui n’ont toujours pas le courage de se libérer de la maltraitance. Les CECJ qui vont dans le sens de la disposition du Protocole de la SADC sur le Genre demandant aux Etats membres de tout mettre en Å“uvre pour diminuer la violence de moitié d’ici 2015, sont Á leur portée. Le premier pas est toujours difficile mais une fois fait, les autres suivent…
Volana Rasoanirainy est journaliste Á Madagascar. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de GL.
Comment on Les CECJ permettent aux Malgaches de dénoncer la violence