Les Congolaises n’ont pas assez confiance en elles


Date: July 17, 2010
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Bernadette Bolie, une ancienne secrétaire générale du ministère congolais de la Condition féminine et de la famille (CONDIFA), aujourd’hui décédée, disait, Á  ce propos, avoir noté «un manque de confiance de la femme en la femme ».

En 2006, le jour des élections générales devant un bureau de vote Á  Kinshasa, capitale de la RDC, une électrice déclarait, ouvertement: «Je ne peux pas voter pour une femme. Une Congolaise, une fois au pouvoir, devient orgueilleuse, hautaine et arrogante. Elle oublie même les préoccupations de sa base électorale. Une fois élue, elle est députée pour elle-même et pour sa famille. Elle refusera alors de faire monter dans sa voiture un activiste de son parti. Nous avons eu tant d’exemples de la sorte dans le passé, » précise-t-elle.

Une autre électrice ne voyait pas pourquoi elle devrait voter pour des femmes car les élues présentes Á  l’Assemblée nationale ne s’exprimaient jamais lors des débats parlementaires.
«Elles laissent les discussions aux hommes et ne font qu’applaudir et Á  servir de faire valoir. Voter pour des femmes, c’est gaspiller nos votes. Il vaut mieux voter pour des hommes compétents. Nous n’avons pas de femmes valables pour nous représenter ».

Il semblerait qu’il y ait eu un mot d’ordre tacite Á  cet effet dans tout le pays car les résultats étaient clairs: sur 500 députés, il n’y a eu que 42 femmes élues en juin 2006 Á  l’Assemblée nationale, soit 8,4% de femmes, tandis qu’au Sénat il n’y a eu que six femmes sénatrices contre 108 sénateurs, soit 5,5% de femmes.

Une députée, qui a requis l’anonymat, regrette cette attitude, Á  raison. «Finalement, qui a perdu? Ce sont nous les femmes. » Elle pense que les électrices se sont toutefois rendu compte de leur erreur et qu’elles rectifieront le tir aux prochaines législatives de 2011.

En effet, avec un peu du recul, les femmes réalisent aujourd’hui le tort qu’elles ont fait Á  leur épanouissement personnel et mesurent leurs responsabilités devant l’Histoire, laquelle les interpelle toutes Á  l’approche des élections de 2011. « En 2011, la situation ne doit pas être comme en 2006 », semble être le mot d’ordre en vogue actuellement.

Au ministère du Genre, de l’Enfant et de la famille, tout le monde est en conscient. Il vient de se tenir, Á  cet effet, Á  Kinshasa, un atelier d’évaluation nationale de validation de la participation des femmes et du renforcement de leurs rôles dans le processus électoral. « Il est pour nous question, entre autres, de susciter l’implication, la participation effective et déterminante des femmes congolaises au processus électoral. Nous voulons stimuler l’émergence des femmes dans les différentes sphères des instances de prise de décisions et du social et renforcer la solidarité et l’unité entre les femmes congolaises, par la création des réseaux », a fait savoir un haut fonctionnaire.

De leur côté, les organisations non-gouvernementales de défense de droits des femmes ne sont pas en reste. Elles s’activent sur terrain pour éveiller la conscience des femmes sur le rôle qu’elles sont appelées Á  jouer au sein de la démocratie congolaise naissante. C’est dans ce cadre que la Ligue des femmes pour le développement et l’éducation Á  la démocratie
(LIFDED), mène depuis peu une campagne dite «d’éveil de conscience », en faveur des femmes des communes de Masina, N’djili et de Kimbanseke, Á  Kinshasa.

« Notre campagne répond Á  l’un des nos objectifs, qui est l’implication et la participation des femmes au processus électoral. En effet, après les différentes échéances électorales passées, il est impératif de capitaliser ce jour-lÁ  sur la participation des femmes congolaises dans ce processus, étant donné que les résultats obtenus en 2006 n’étaient pas ceux que l’on attendait. De cette campagne, nous souhaitons qu’il en résulte des stratégies concrètes qui vont permettre d’améliorer le score des candidates aux échéances législatives, municipales et locales. Nous attendons également d’être informées sur les différents obstacles et les causes qui n’ont pas permis une bonne émergence des femmes dans le processus électoral », explique la chargée de programme, Xaverine Kira.

Egalement préoccupé par la situation de la femme en RDC, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) note que «les conditions de vie des femmes congolaises entraînent l’accroissement de leur dépendance, limitant ainsi la confiance en elles-mêmes et entre elles, le goÁ»t de l’engagement courageux dans la conquête du pouvoir, du mieux être, de l’égal accès des femmes et des hommes aux mêmes droits, avantages et protection ».

Ainsi, pour que ce rêve devienne réalité, le PNUD affirme sa volonté d’accompagner les efforts des Congolaises pour qu’elles se fassent davantage entendre dans la solidarité, avec compétence et stratégie, en vue de leur accès comme les hommes dans les
Plus hautes sphères des institutions de la RDC.

«Les femmes qui représentent 57% de la population congolaise, quelque soit leur famille politique, doivent être encadrées et orientées dans la conduite des actions visant la cohabitation pacifique, la construction de la paix et l’implication dans la gouvernance locale. Il s’avère donc nécessaire de capitaliser sur les acquis des élections en consolidant la démocratie Á  la base, en favorisant l’accès des femmes Á  l’éducation et Á  l’information Pour être participative, cette démocratie devra permettre aussi bien aux élites intellectuelles qu’aux analphabètes de faire entendre leurs voix », estime la Concertation de la Femme Congolaise (CAFCO), une plate forme qui réunit en son sein les différentes organisations féminines de la société civile et des partis politiques.

« Si les congolaises qui sont majoritaires dans ce pays (57%) s’unissent et transcendent leurs antagonismes, ce seront elles qui décideront lors de la prochaine joute électorale et qui mettront fin Á  l’hégémonie des hommes dans les institutions du pays », estime Florence Mbwiti, coordonnatrice de l’organisation non-gouvernementale «Espace Femme », qui appelle les femmes congolaises Á  s’abstenir désormais de formuler des critiques destructives qui découragent les bonnes volontés.

Urbain Saka-Saka Sakwe est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service ce commentaires et d’opinions de Gender Links.

 


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