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Le travail social est encore peu reconnu Á Madagascar. Dans la Grande Ile, on dénombre quelque 1 600 travailleurs sociaux inscrits auprès du Syndicat des Professionnels Diplômés en Travail Social (SPDTS) et ceux-lÁ ont Á leur charge environ 20 millions d’habitants. Lors de l’explosion sociale en 2009, ces travailleurs sociaux ont surtout renforcé leurs actions dans le domaine de la protection de l’enfant car l’on sait que la crise sociopolitique et économique a causé la disparition de nombreux enfants. Il fallait faire d’eux la priorité pour qu’ils ne soient pas victimes de violences.
D’après Norotiana Jeannoda Randimbiarison, présidente du SPDTS, les travailleurs sociaux ont de mauvaises conditions de travail. «Au Palais de Justice d’Anosy, un seul travailleur social s’occupe des dossiers de tous les services. Le budget de l’Etat affecte le recrutement des travailleurs sociaux et c’est pour cette raison que les services laissent Á désirer dans le secteur public. En somme, 0.5 % des travailleurs sociaux sont fonctionnaires et le reste intervient auprès des organisations non-gouvernementales », explique-t-elle.
Ce syndicat a organisé pour la première fois des actions au mois de mai 2009 durant la Journée Mondiale des Enfants Disparus. Au cours de l’année 2009, 1 026 plaintes de disparition d’enfants dans la capitale d’Antananarivo ont été enregistrées, dont 444 cas sont encore en cours d’enquête. Entre les mois de janvier et mai de cette année, le syndicat a enregistré 238 plaintes d’enfants disparus, dont 138 enfants ont déjÁ été retrouvés et remis Á leurs familles respectives. Les 100 autres cas font toujours l’objet d’investigation.
La présidente du SPDTS explique les principales raisons qui poussent les enfants Á quitter la maison familiale, Á savoir la maltraitance et les violences physiques et psychologiques entre autres. Certains enfants retrouvés qui ont fugué, récidivent jusqu’Á trois Á quatre fois par la suite.
Les travailleurs sociaux entament maintes démarches jusqu’au tribunal pour qu’un enfant ait la chance de jouir de ses droits fondamentaux. Tel est le cas de Rasoanirina, qui s’est occupée de deux enfants et dont la mère se trouve en détention. «Cette mère de famille élevait toute seule ses deux enfants de 17 et sept ans. Ne pouvant plus payer le loyer, elle est devenue folle et elle a mis le feu Á son domicile en octobre 2009. C’est la grand-mère qui a dÁ» prendre en main l’éducation des enfants car leur mère a disparu. J’étais surprise d’apprendre qu’elle se trouve en prison. La grand-mère s’est ensuite plainte qu’elle n’est plus en mesure de s’occuper de ses petits-enfants. J’ai dÁ» me rendre au tribunal pour entamer une enquête sociale et après maintes interventions, la mère a été relâchée trois mois après avoir été emprisonnée. L’aîné de ses enfants a finalement bénéficié d’un transfert dans un autre collège où il peut poursuivre ses études sans problème. Ces enfants sont actuellement placés dans un centre d’accueil, » dit-elle.
La maltraitance que les travailleurs sociaux remarquent sur les enfants sont de cinq types: physique comme les coups et blessures, psychologique comme les brimades et les injures, sexuelle Á l’instar du viol, d’attouchements, d’actes de pédophilie, l’abandon et/ou la négligence et le trafic humain, que ce soit l’exploitation par le travail, par le travail domestique, l’exploitation sexuelle Á des fins économiques, le mariage précoce et arrangé, l’adoption illicite, la mendicité et le trafic d’organes.
Norotiana Jeannoda Randimbiarison estime que le domaine de l’enfance est très délicat et qu’il faut une action concrète et bien coordonnée pour que les résultats soient palpables.
Un réseau de protection agit déjÁ en ce sens mais ses actions ont lieu dans la région de Diana, située au nord de la Grande Ile. Cette région abrite le Comité Multisectoriel pour le Droit et la Protection de l’Enfant (CMDPE) créé en 2003 mais redynamisé en 2007 grâce Á l’appui de l’UNICEF. Le coordonnateur de ce comité, Paul Bosco Armand, avance que le réveil des autorités a eu lieu en raison de la recrudescence des actes de violences perpétrées sur les mineurs et il a fallu que le système soit opérationnel dans le but de diminuer le nombre d’enfants victimes et auteurs de violences.
Ce comité a adopté le volet de prévention qui englobe l’identification, la sensibilisation, le plaidoyer, l’éducation et le système de réponse. La réaction s’articule autour du signalement des cas de violences et l’accompagnement. «La ville d’Antsiranana, située Á plus de 1000 kilomètres d’Antananarivo, la capitale, rencontre plusieurs problèmes Á cause de l’absence d’une maison des jeunes et ces derniers, livrés Á eux-mêmes, s’adonnent aux actes de violence pour exprimer leur mal-être, » indique-t-il.
Entre janvier et octobre 2009, le comité a été mis en présence du cas de 135 enfants âgés entre cinq et 18 ans, qui ont été auteurs de violence. Soixante ont été mis sous mandat de dépôt (MD), c’est-Á -dire provisoirement détenus avant leur procès et 75 autres ont bénéficié d’une liberté provisoire.
Edwige Soafeno, une intervenante sociale qui travaille dans le fokontany de Lazaret Nord, situé dans la ville d’Antsiranana, explique que la protection est un domaine très délicat. «En premier lieu, notre travail est difficile et sans l’aide de mobilisateurs sociaux, nous n’arrivons pas du tout Á obtenir de bons résultats. Lorsqu’un cas est signalé, nous commençons par faire une enquête sociale et interrogeons l’enfant victime lors d’un entretien en tête Á tête et confidentiel. La présence des parents est évitée car autrement, ils pourraient dévier les réponses de l’enfant. Nous référons le cas par la suite aux forces de l’ordre et en tant que membre du réseau de protection, nous avons aussi le droit d’intervenir si l’affaire traîne auprès du tribunal, » dit-elle.
Mais elle effectue également des visites Á domicile pour faire connaître le travail du réseau, pour demander si des cas de violences se produisent dans l’entourage et sensibiliser les parents sur le respect des droits de l’enfant.
Dans la majorité des cas, les parents se plaignent de leurs enfants devenus adultes qui sont relâchés par la justice et auraient souhaité une forme d’arrangement avec le tribunal. Pour défendre le cas des enfants, le procureur du tribunal d’Antsiranana, Mohamed Abdou Ali, a insisté que le tribunal ne tolère pas les abus et les violences Á l’encontre des enfants. «La justice ne prend pas en compte l’arrangement Á l’amiable. Le procureur peut aussi accélérer les procédures verbales ou par écrit. De plus, en tant que maître des poursuites, il a le droit de dresser un réquisitoire supplétif », affirme-t-il.
Même si les travailleurs sociaux sont une goutte d’eau dans l’océan Á Madagascar, chacun d’eux, de concert avec les organisations de la société civile, font leur maximum pour que chaque enfant ait l’opportunité de jouir de ses droits fondamentaux.
Notons que Madagascar a signé en 2008 le Protocole de la Communauté de Développement de l’Afrique australe (SADC) sur le Genre et le Développement. Il s’agit d’un instrument qui sensibilise et vulgarise les droits Á l’égalité, permettant aux femmes d’occuper une place prépondérante dans le développement de leurs pays. En parallèle avec une campagne de sensibilisation, ce protocole vise Á «réduire de moitié les violences basées sur le genre d’ici Á 2015 ».
Conformément aux Objectifs du Millénaire pour le Développement, ce Protocole met en exergue la protection des droits des femmes et des fillettes contre les violences qu’elles subissent (conjugales, physiques, sexuelles…), ainsi que l’éducation pour tous dont celle qui accorde la priorité aux jeunes filles pour qu’elles aient la chance d’accéder Á l’éducation exactement comme les garçons. Il appartient finalement Á l’Etat de mettre en Å“uvre les législations afférentes Á ces dispositions de manière Á ce que les femmes et les fillettes parviennent Á réaliser leurs rêves.
Harijaona Masinjanahary est journaliste Á Madagascar Tribune. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
Comment on Les droits de l’enfant sont prioritaires Á Madagascar