Les femmes, premières victimes de l’endettement causé par les jeux de hasard


Date: December 5, 2011
  • SHARE:

Tout le monde veut être millionnaire. Mais tenter sa chance aux jeux de hasard demande des ressources financières conséquentes. Que ce soit Á  Maurice ou Á  Madagascar, les casinos, les paris en ligne et autres paris illégaux ont le vent en poupe et ont un impact considérable sur l’endettement des foyers dont les premières victimes sont les mères de famille.

La plupart des femmes accusent leur mari ou conjoint de puiser dans les fonds initialement destinés Á  l’alimentation et aux autres besoins de base pour les placer dans des jeux de hasard. C’est le drame que vit Jessica, une jeune mère de 26 ans habitant Riche-Terre, Á  la périphérie de la capitale Port-Louis. «Mon couple est sur le point d’exploser car mon mari est endetté jusqu’au cou auprès d’une banque et d’usuriers. Récemment, il a misé sur des jeux de hasard pour essayer de s’en sortir mais cela l’a enfoncé davantage. Son salaire ne suffit plus et comme j’ai un enfant encore en bas âge, je ne peux plus travailler. Mon mari mise sur tous les jeux, le loto, les courses, les paris sur les matchs de foot, le poker, tout ce qui a trait aux jeux d’argent l’attire et c’est ma famille et moi qui en pâtissons. Bientôt, nous n’aurons plus rien Á  manger, » se lamente-t-elle.

Les jeux de hasard étaient assez discrets Á  Madagascar mais depuis quelques temps, le loto y est apparu, ainsi que toutes sortes de cartes Á  gratter. Ces jeux ne rencontrent pas le même succès qu’Á  Maurice mais ils demeurent un facteur d’endettement chez les Malgaches, en particulier chez ceux de la classe moyenne. Et il n’y a pas que les hommes qui se prennent au jeu.

Antsa, 38 ans, comptable, évoque sa situation. «J’ai eu la chance de venir Á  Maurice en vacances et j’ai joué aux jeux de hasard. C’est populaire. A Madagascar, cela nous affecte aussi mais ils affectent davantage la classe moyenne que les pauvres. C’est difficile pour les pauvres de jouer ou faire des paris car l’argent qu’ils arrivent Á  gagner ne suffit même pas Á  remplir leurs besoins quotidiens. Nous qui travaillons, avons tendance Á  jouer gros. J’ai perdu une fortune et cela a grevé mon budget En voulant tenter notre chance de devenir millionnaire – et avec notre monnaie si faible, ce n’est pas millionnaire que l’on devient mais milliardaire -, j’ai failli me ruiner. Heureusement que mon mari m’a soutenue. Ces jeux sont pire qu’une drogue. »

Ce ne sont pas que les jeunes femmes qui se font piéger. A Maurice, les femmes âgées aussi se font prendre dans les filets. A 83 ans, Gabrielle, qui vit seule, joue Á  tous les jeux. «Je suis restée sans gaz le mois dernier car j’ai perdu tout mon argent aux jeux de hasard. Avant, c’était une habitude de jouer au bingo entre amis pour passer le temps. C’est révolu tout cela et donc je tente ma chance aux loteries et aux courses. Mes pensions de retraite et de veuve y passent. Ma fille m’a défendu de continuer Á  jouer, » dit-elle penaude.

Rajen Valayden est fondateur de l’association «Right to Live ». Cette dernière milite pour la protection des enfants face au fléau grandissant qu’est le jeu. «Notre mission nous incite Á  faire des campagnes de sensibilisation au sein des communautés vulnérables comme les cités ouvrières. Au départ, nous voulions nous concentrer sur les femmes afin de mieux tabler sur la prévention. Au fil du temps, nous avons constaté que ce sont principalement ces femmes – des ménagères pourtant responsables de leur famille – qui s’adonnent Á  divers jeux de hasard. C’est aussi une scène courante de voir des femmes retraités passer des journées entières devant des machines Á  sous ou faire queue chez les bookmakers pour miser sur des chevaux ou même parier sur les matchs de foot. Même les ménagères les plus consciencieuses, qui connaissent pourtant ce qu’est la précarité, pensent qu’elles peuvent devenir millionnaires et jouent. De plus en plus de femmes sont accros aux jeux de hasard. »

Maurice et Madagascar devraient suivre l’initiative du Parlement européen qui a rendu public son rapport sur les jeux du hasard en octobre dernier. Cette instance envisage sérieusement de mettre sur pied un encadrement européen pour la protection des consommateurs dans le secteur des jeux et ce, après avis de la commission des affaires juridiques.

Ce rapport souligne que si les paris en ligne ne sont pas réglementés correctement, ils comportent un risque d’addiction et de danger accrus par rapport aux jeux de hasard traditionnels et qu’il convient de prendre des mesures au niveau européen pour mettre un terme Á  la fraude, au blanchiment d’argent et aux autres opérations illicites liées aux paris en ligne.

Le rapport demande aussi aux autorités des États membres de la Commission européenne de coopérer plus efficacement, notamment par le biais d’échanges réguliers d’informations. Cette instance invite aussi la Commission européenne Á  étendre l’application des instruments législatifs relatifs Á  la lutte contre la criminalité organisée et le blanchiment de capitaux, au secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne et préconise, Á  cet égard, l’établissement d’un registre des entreprises illicites.

Leevy Frivet est journaliste Á  Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

 


Comment on Les femmes, premières victimes de l’endettement causé par les jeux de hasard

Your email address will not be published. Required fields are marked *