Les femmes victimes de lois du travail répressives


Date: June 28, 2011
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Shakeel Mohamed, ministre du Travail et des Relations Industrielles mauricien, a pris l’engagement d’apporter des amendements Á  deux lois du travail jugées répressives par la classe syndicale et de revoir les dispositions ayant trait aux licenciements. Le ministre a concédé au Parlement récemment que 7000 personnes avaient perdu leur emploi en deux ans, soit peu de temps après l’entrée en vigueur de ces lois. Parmi ces 7000 infortunés, il y a beaucoup de Mauriciennes mais aussi des femmes d’autres nationalités.

Les femmes subissaient déjÁ  dans bien de cas des inégalités et des injustices dans le monde du travail. Les lois en questions n’ont fait qu’empirer les choses. Sunita en sait quelque chose. Elle a travaillé pour une usine de textile pendant dix ans. L’entreprise a fermé ses portes en décembre dernier et cela dans un contexte de totale incertitude car selon les lois en vigueur, les employés sont les derniers Á  être payés en cas de liquidation.

«On ne savait pas ce qui s’était passé. La porte de l’usine était fermée pour de bon. Le patron avait disparu de la circulation. Les créanciers voulaient des garanties de la part des autorités et ils marchandaient avec les institutions alors que d’autres employés et moi mendions devant le bureau du ministère du Travail. On nous a limogées sans préavis, sans aucune compensation, sans nous verser le moindre sous. Il a fallu menacer de faire de grève de faim. Et même cela ne nous a pas rendu notre dÁ». Nous avons vécu les pires fêtes de Noël et du Nouvel An de notre vie alors que notre patron lui faisait le tour du monde ».

Ce qui la chagrine le plus, c’est qu’elle n’a pu offrir de cadeau Á  son fils. «Cela me déchire le cÅ“ur. Je suis divorcée. J’ai été abandonnée par mon mari. Je me suis tuée dans cette usine pour élever mon enfant et retrouver ma dignité de femme indépendante mais ma récompense a été la trahison, la lâcheté et l’ingratitude après tant d’années de dur labeur, » raconte-t-elle très amère.

Les femmes venues de l’étranger sont elles piégées par un contrat que leur octroient des agents recruteurs malhonnêtes et sans scrupules. Et dans la plupart des cas, elles sont des analphabètes qui se laissent duper du fait de leur illettrisme.

C’est le cas d’Hasina qui vient de Madagascar et dont l’usine était en grève en mai dernier. «Ils te disent que tu auras un salaire et d’autres facilités mais en arrivant ici, ce n’est pas croyable. La réalité est toute autre. Tout ce qu’ils avaient dit n’était que des promesses. Ils changent de langage tout le temps. On nous avait dit que nos conditions salariales s’amélioreraient dépendant de notre productivité, des commandes et de la situation économique. J’ai laissé mes parents malades Á  Madagascar pour venir gagner ma vie ici mais c’est la misère et l’exploitation de mon courage que l’on m’offre. Et en plus, je suis harcelée sexuellement par mes supérieurs. Mais vu ma condition, je préfère garder le silence. »

Les lois actuelles du travail permettent aux employeurs de limoger sans préavis un employé qui a moins d’un an de service. Les employeurs ont une facilité Á  renvoyer, ce qui leur donne un pouvoir excessif sur leurs employés. Cindy en a fait les frais il y a deux mois et a rapporté son cas au ministère du Travail. Elle travaillait bien, était ponctuelle, productive mais sa seule faute a été de refuser les avances de son patron.

« Il me complimentait tout le temps. Je trouvais cela normal car je me suis toujours donnée Á  fond dans mon travail. Puis, il m’a fait des avances et la plupart du temps, je suis restée silencieuse. Après, il m’a explicitement fait comprendre qu’il voulait sortir avec moi et que je n’avais pas le choix. J’ai refusé et quelques jours après, j’ai été mise Á  la porte. Dans l’entreprise, il raconte que c’est moi qui lui ai fait des avances, que je voulais coucher avec lui pour obtenir ses faveurs. Je me suis sentie très mal. Mon fiancé m’a même plaquée pensant que j’avais effectivement fait cela. J’ai perdu l’estime de quelqu’un que j’aimais, de même que mon travail. Je me retrouve sans rien. Il n’y a pas de lois qui nous protègent et c’est vraiment dommage car ce sont les femmes qui souffrent davantage de licenciement arbitraire ».

Diana, pour sa part, a travaillé pendant 12 ans dans une boutique et a été limogée sans le moindre sous. Les faits remontent Á  il y a deux ans mais cette jeune femme de Port-Louis ne comprend toujours pas ce qui lui est arrivée et comment ce genre de choses est possible dans un pays comme Maurice.

«J’habitais près de la boutique en question. Quand j’avais 13 ans, on m’a engagée pour aider le couple de boutiquiers Á  servir les clients. J’ai bossé 12 ans lÁ -bas, tous les dimanches et les congés publics. Ils étaient gentils avec moi mais un beau jour ils m’ont renvoyée sans aucune raison, sans même une accusation. Il n’y avait aucun papier qui certifiait que j’avais travaillé pour eux. Pendant 12 ans, ils m’ont payée en liquide, et donc, c’était facile pour eux de se débarrasser de moi. Je n’ai pas été scolarisée pendant longtemps car toute mon adolescence, je l’ai passée dans cette boutique. Je cherche un boulot depuis deux ans et j’ai vraiment du mal Á  en trouver du fait que je n’ai pas de références ».

Failles légales, harcèlement sexuel dont il existe pourtant une loi mais qui est très difficile Á  prouver devant une Cour de justice, une absence de lois spécifiques, voilÁ  qui facilite l’exploitation des femmes dans le monde du travail Á  Maurice. Des changements s’imposent donc et vite.

Jimmy Jean-Louis est journaliste Á  Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

 


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