Les obstacles insurmontables au développement en République Démocratique du Congo

Myra Kambo est une jeune fille de 21 ans. Elle est issue d’une famille de sept enfants, trois garçons et quatre filles dont elle est l’ainée. La famille réside dans la commune de Ngiri Ngiri, sur l’avenue Lokolenge, dans la ville province de Kinshasa.

Ses parents, bien que pauvres, parviennent quand même par “volonté” et quelques possibilités Á  envoyer au moins les plus âgés de leurs enfants sur les bancs de l’école.

Myra Kambo n’a pas encore achevé son parcours scolaire (elle est encore au niveau de la cinquième année des humanités alors qu’elle devrait déjÁ  avoir un diplôme d’Etat, le baccalauréat et être en deuxième année de graduat Á  l’université.

Sa petite sÅ“ur, Beccy, va Á  l’école et présente cette année ses épreuves d’Etat. Myra Kambo n’est pas allée Á  l’école cette année alors que ses frais scolaires pouvaient être payés. Lorsque l’on essaie de savoir pourquoi, pour toute réponse, ses lèvres esquissent un sourire.

La parcelle où elle vit est une cours commune. En Afrique, cela constitue déjÁ  une famille. Un voisin lui a prêté des sous pour la motiver vis-Á -vis de ses études. Au lieu de l’écouter, elle s’est acheté des épices qu’elle a mis en vente devant sa parcelle. Ce petit commerce n’ayant pas beaucoup marché, elle s’est retrouvée sans le sou.

Elle est chrétienne branamiste. Cette religion ne permet pas aux personnes la pratiquant d’être attachées ou proches de ceux d’une autre foi, quelle que soit la raison.
Les parents de Myra Kambo ont honte de parler de leur niveau d’études. Ils semblent être Á  la base de l’attitude de leur fille. Au cours de ses humanités, Myra Kambo a appris la coupe et la couture.

Les élèves de cette branche peuvent déjÁ  confectionner des habits, même s’ils n’ont pas encore atteint la classe terminale. Dans le même cours que Myra Kambo, il y a une fille du nom de Solange Mbeza, de la même religion qu’elle, qui confectionne des habits qu’elle fait payer au moins 15 dollars la pièce.

Cette situation (même religion, même section) aurait pu permettre Á  Myra Kambo d’espérer en la vie. Mais non, elle ne semble pas enthousiasmée. Elle reste Á  la maison Á  ne rien faire de ses journées pendant que sa consÅ“ur se fait de l’argent en travaillant (cette dernière n’a pas encore entamé l’université).

Lorsque l’on demande aux parents quel projet ils nourrissent pour leur fille aînée sur laquelle repose tout espoir d’épanouissement familial, ils répondent qu’ils espèrent qu’un homme riche se présentera pour l’épouser et ainsi participer Á  son enrichissement et Á  celui de ses sÅ“urs, frères et parents.

Quelques colocataires des Kambo n’ont jamais cessé d’exhorter Myra Kambo, malgré les barrières religieuses et la mentalité des Chrétiens branamistes, de se trouver des amis. En vain. Myra Kambo est l’exemple vivant indiquant qu’en République Démocratique du Congo, les textes pour aider les femmes Á  s’émanciper sont adoptés, ratifiés et promulgués mais pas appliqués.

Cette situation est répliquée dans de nombreuses familles en RDC. Le développement ne pourra arriver tant que la moitié de la population congolaise continuera d’ignorer son potentiel et ses capacités.

La RDC, rappelons-le, est signataire du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement qui dans ses objectifs veut que d’ici 2015, soit dans quatre petites années, ce genre de situation freinant le développement des femmes et bloquant le pays, n’ait plus cours. Les textes peuvent être modifiés d’un clic de souris mais les habitudes et mentalités ont la dent dure. Il faudrait commencer par apporter des changements dès maintenant.

Raissa-Santia Muadi est journaliste en République Démocratique du Congo. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á  l’actualité.