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Il est rare de trouver en République Démocratique du Congo (RDC), une personne handicapée qui ne fasse l’objet de discrimination, de multiples insultes, d’injustices et de maltraitance. Certaines font face Á ces mauvais traitements au quotidien et survivent alors que d’autres se laissent abattre.
Célibataire privée de l’usage de ses jambes depuis son plus jeune âge, Eugénie Kabeya, la quarantaine, réside sur l’avenue Ngombama dans la commune de Bandalungwa qui se trouve Á Kinshasa, capitale de la RDC. Elle exerce comme couturière modéliste. Elle est mère d’une fille. Son atelier de couture nommé “Mama Leki” a été aménagé dans sa petite et modeste maison.
Eugénie Kabeya a fait ses études de couture au centre “Kikesa” Á Livulu, un des coins retirés du pays. Elle est détentrice d’un brevet d’aptitudes professionnelles en coupe et couture et ce, depuis les années 90. Elle a embauché environ dix personnes qu’elle encadre au quotidien dans son atelier.
Elle déclare qu’en République Démocratique du Congo, ses droits, non seulement en tant que personne humaine mais aussi en tant que personne handicapée, sont bafoués. Les institutions publiques lui mènent la vie dure pour lui accorder des documents légaux et autres permis.
De ce fait, elle est constamment dérangée par les agents de l’Etat Á qui elle est obligée de verser de l’argent pour pouvoir travailler tranquillement et gagner décemment sa vie. Et Á chaque fois qu’elle s’adresse aux autorités compétentes pour s’en plaindre ou pour se procurer un permis, ses requêtes ne sont pas prises en compte.
Eugénie Kabeya estime, vu son état, faire suffisamment pour ne pas mendier. « Ce serait la moindre des choses que mon pays m’aide dans ma situation. » Son atelier ne possède qu’une attestation d’indulgence du ministère des Affaires sociales et cela ne résout aucun de ses problèmes.
Elle doit puiser dans ses ressources pour rétribuer son personnel et graisser la patte aux représentants de l’Etat qui viennent lui chercher noise. Elle a beau chercher l’appui auprès de différentes institutions tant nationales qu’internationales en vain.
Les conditions de travail, surtout pour une personne dans son état, ne sont pas des plus confortables. Ce qui va Á l’encontre du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement, signé par la République Démocratique du Congo, qui stipule dans son neuvième article que les personnes handicapées devraient jouir de tous leurs droits comme n’importe quel autre citoyen et être protégés par les lois. Leur vulnérabilité doit être considérée sur leur lieu de travail, dit encore ce document important.
Eugénie Kabeya éprouve des difficultés Á faire marcher son atelier autant qu’elle le voudrait car elle n’a pas les équipements appropriés, est Á l’étroit Á domicile et travaille Á la lumière de bougies car son logis est dépourvu d’électricité.
Elle emploie des hommes comme des femmes. Un homme fait la broderie, un autre effectue les achats et un autre encore le surfilage qui n’intéresse pas les femmes qui sont au nombre de sept et qui s’occupent des travaux de couture Á proprement parler.
La patronne de « Madame Leki » a déjÁ organisé deux défilés de modes dans Kinshasa. L’un a eu lieu en 2006 et le deuxième en 2010 au Grand Hôtel où pour la première fois, les personnes handicapées ont défilé et exhibé ses créations.
Tout cela sans soutien des autorités compétentes. Elle regrette le désintéressement de son pays envers une Å“uvre qui valorise pourtant les handicapés.
En dehors de son atelier, elle essuie bon nombre de quolibets par rapport Á son handicap. Certains chauffeurs de taxi ne s’arrêtent pas par exemple pour la prendre car ils doivent probablement penser qu’elle n’a pas les moyens de payer sa place. Elle demande Á toutes les personnes handicapées de ne pas baisser les bras et ne pas mendier pour survivre car c’est renforcer la discrimination dont elles font l’objet.
La RDC est parmi les pays signataires du Protocole de la SADC mais persiste pourtant dans la voie de la non-application de la plupart de ses articles. Le chemin est encore long pour aboutir Á ses objectifs de 2015. Et c’est bien dommage.
RaÁ¯ssa-Santia Muadi est journaliste en RDC. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.
Comment on L’essor de l’handicapée en RDC : encore du chemin Á faire