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Cotonou: Les femmes restent sous représentées au parlement béninois. Seulement sept femmes figurent parmi les 83 députés élus après les élections législatives d’avril 2015. Ce qui représente un pourcentage de 8.43% pour la septième législature allant de 2015 Á 2019. En 24 ans, le pourcentage d’élues n’a jamais franchi ce cap. Il a varié entre 6.25% et 12.19%. Lors du premier mandat parlementaire, soit de 1991 Á 1995, il y avait quatre femmes députés contre 60 hommes députés, soit 6.25%. Lors du deuxième mandat de 1995 Á 1999, ce pourcentage est passé Á 12.19%, soit dix femmes sur un total de 82 élus. Au cours des troisième et quatrième mandats, ce pourcentage a chuté Á 7.22%, soit six femmes députés sur un total de 83 élus. Et lors de l’avant-dernière législature de 2011 Á 2015, il n’y a eu que huit femmes élues sur 83 députés, soit 9.63%.
Ce qui fait très peu de femmes sont élues lors des différentes élections législatives. Toutefois, certains départs de parlementaires de l’Assemblée nationale permettent aux femmes suppléantes d’y accéder. Ainsi, on peut noter des écarts entre les femmes élues effectivement et celles qui accèdent finalement au Parlement par nomination.
La situation n’est pas reluisante et certaines élues s’en plaignent. Pour Sofiath Schanou, député de la septième législature, «les femmes ne sont pas suffisamment représentées. Six ou sept femmes sur 83 élus, c’est vraiment peu et insuffisant pour que leurs voix portent. Je n’ai pas de mots pour qualifier ce non-sens”.
Et Yarou Sinatoko Kiaré, autre femme député d’ajouter: «C’est terrible mais nous sommes en minorité. C’est pourquoi, je demande Á nos frères et Á nos maris qui nous aiment dans nos ménages, de nous voir aussi Á des postes de commandement. Il faut que les hommes essaient d’accepter de voir évoluer des femmes dans les instances de décisions. Nous sommes capables de faire mieux que les hommes ».
Même son de cloche chez Claudine Prudencio, seule femme élue sur la liste de son alliance, l’Union fait la Nation (UN). «On doit faire de la place et une meilleure place aux femmes. Car nous sommes vos mères et cela, je le revendique. Je suis le porte-voix des femmes et des jeunes au Parlement. Dans ma circonscription électorale, sans les femmes et les jeunes en âge de voter, je n’aurais pas été élue ».
La situation est très préoccupante pour la présidente de l’Institut National pour la Promotion de la Femme (INPF) qui ne cache pas sa déception. « Une institution comme l’INPF ne peut pas être satisfaite d’un tel résultat. Ce résultat en dents de scie montre que nous stagnons avec un pourcentage identique Á celui de la législature précédente, c’est-Á -dire légèrement inférieur Á 10% », souligne Vicentia Boco. Elle va plus loin et explique que les acteurs politiques n’ont pas encore compris réellement le rôle que les femmes peuvent jouer dans une structure comme l’Assemblée nationale. « C’est dire également que dans notre pays, être député est perçu comme un tremplin personnel de positionnement et non comme un facteur d’échange ou de devoir vis-Á -vis du citoyen », poursuit-elle.
Au Bénin, la majorité des partis politiques fonctionnent comme des «clubs électoraux » quasiment contrôlés par un seul individu ou un petit groupe d’individus, exerçant un quasi-monopole sur la sélection des candidats. Toutefois, la procédure qui conduit Á la désignation des candidats effectifs et Á leur ordre sur les listes n’est pas uniforme. L’absence de démocratie Á l’intérieur des partis, le pouvoir de l’argent, la pression de ceux qui occupent des positions privilégiées, pour ne citer que ces facteurs-lÁ , déterminent aussi la composition des listes.
Tout part donc des états-majors des formations politiques. «Si la femme n’est pas bien positionnée, comment voudriez-vous qu’elle soit élue au même titre que les hommes? », s’interroge Faustine, militante d’un parti politique. Comme elle, beaucoup d’autres femmes soutiennent qu’elles sont victimes d’une injustice au sein même de leur formation ou alliance de blocs politiques. Discrimination qui influe obligatoirement sur la performance politique des femmes.
Pour une amorce de changement, la présidente de l’INPF, Vicentia Boco, préconise une éducation politique pour un grand nombre de personnes dans le pays : « Il va falloir revoir des choses au sein de la classe politique, Á commencer par faire un travail avec les plus jeunes. Nous avons ce faible taux de femmes dans la septième législature parce que beaucoup de gens veulent aller Á l’Assemblée nationale et ne sont pas prêts Á laisser Á d’autres leur place. Donc, la compétition est féroce. On a même entendu dire que des gens ont payé pour figurer en bonne position sur des listes. Vous comprenez bien que les femmes n’ont pas assez d’argent pour ce genre d’action. Même si elles en avaient, elles ne pourraient pas s’y aventurer. Je crois que le faible effectif des femmes tient également Á ce phénomène ».
Pour un jeune béninois qui préfère garder l’anonymat, cette faible représentativité des femmes au Parlement correspond Á leur degré d’engagement politique et social. « Le Bénin ne peut pas volontairement faire du sexisme en promouvant des femmes non militantes au détriment des hommes. Le faire pénaliserait notre démocratie. Il faut se battre, s’imposer pour se faire élire, même si je reconnais qu’il y a eu des mesures discriminatoires informelles Á leur encontre. Pourtant, elles constituent aujourd’hui 52% de la population. De quoi avoir une majorité au Parlement. Je ne veux pas pleurer sur leur faible représentativité. Elles l’ont voulu. Elles passent leur temps Á jouer les seconds couteaux, Á taper sur les tambours ou Á acclamer au lieu de se positionner ». VoilÁ qui est plus facile Á faire qu’Á dire.
Mireille Agossou, membre de la Plateforme des femmes dans les instances de prise de décisions au Bénin (Pfid-Bénin), soutient pour sa part que ce faible taux n’est pas dÁ» au manque de volonté des femmes. «Car quelle que soit leur volonté, si elles n’ont pas les ressources financières suffisantes, elles ne pourront pas être bien positionnées. Ensuite, il faut noter une différence notoire entre le militantisme sous d’autres cieux et chez nous au Bénin. Il est aussi important de signaler que les femmes candidates doivent développer leur sens de leadership. Les femmes qui veulent faire la politique doivent donc se bâtir une côte de popularité et surtout retenir l’attention des membres des comités d’arbitrage en se faisant remarquer positivement ».
La chose est donc entendue: les femmes se retrouvent difficilement Á l’Assemblée nationale Á cause de leur mauvais positionnement sur les listes électorales. Il n’y a pas une réelle volonté politique de bien les placer sur lesdites listes. Les partis politiques eux-mêmes ne sont pas pleinement conscients des obstacles qu’ils posent Á la candidature des femmes.
Pourtant la loi 2010-35 du 30 décembre 2010 portant sur les règles particulières pour l’élection des membres de l’Assemblée nationale stipule en son article 3 que pour être valide, la liste d’un parti politique ou groupe de partis politiques doit comporter au moins 20% de candidates femmes. Mais cet article avait soulevé un tollé général aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Selon ces dernières, cette disposition serait anticonstitutionnelle et ne correspondrait pas Á l’égalité en droit inscrite dans la Constitution de décembre 1990. En effet, la Constitution du Bénin confère l’égalité en droit Á l’homme et Á la femme. La loi sur le quota dans tous les pays vise Á corriger les inégalités entre l’homme et la femme. Le quota, loin d’être une mesure anticonstitutionnelle, devrait être perçu comme faisant partie d’une discrimination positive.
La 6e conférence régionale africaine sur les femmes propose également de veiller Á l’application de la recommandation du Conseil Economique et Social des Nations Unies qui indique que «les gouvernements doivent garantir la représentation féminine dans les secteurs public, politique et privé et tant que l’écart entre hommes et femmes n’est pas résorbé de façon équitable, le concept de système de quotas doit être adopté et maintenu ».
L’inexistence de mécanismes de promotion de la femme au sein de l’institution parlementaire est un facteur qui ne favorise guère une bonne représentativité des femmes. Il y a donc lieu de parvenir Á élaborer et Á faire adopter un mécanisme de quotas pour corriger ce déséquilibre. L’intégration du genre frappe donc Á coups redoublés Á la porte de l’institution parlementaire.
Isabelle Otchoumare est journaliste radio au Bénin. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles Á l’actualité quotidienne.
Comment on Législatives 2015 au Bénin: la disparité entre femmes et hommes se creuse davantage